Joselito El Gallo et Juan Belmonte: les prémices du toreo moderne (II)

Dès son alternative, malgré sa précocité, Joselito El Gallo régnait sur le petit monde taurin qu’il allait d’ailleurs transformer dans toutes ses structures. Face à lui apparaissait un novillero qui, lui aussi, contribuerait à cette évolution tout en restant dans le sillage du «Roi des Toreros». Il s’agissait évidemment de Juan Belmonte García. Très jeune, sans autre afición que celle de jouer au toro avec les gamins de son âge dans les rues de Triana et de la Plaza del Altozano, il aide aussi son père quincailler. Né à Séville le 14 avril 1892 à Séville, il quitte l’école à l’âge de huit ans et ce n’est que plus tard, adolescent, qu’il poursuivait ses chimères en allant se mesurer au bétail de la Dehesa de Tablada, de nuit, après avoir traversé un bras du Guadalquivir à la nage ou en barque «empruntée» pour ces escapades nocturnes. Le caractère romantique des premiers exploits de Juan Belmonte sont évidemment bien contés par Manuel Chaves Nogales dans la biographie romancée du « Pasmo de Triana ». Cet apodo lui colle à la peau du fait qu’à ses débuts, sans apprentissage ni technique, becerrista et novillero, il était très souvent accroché et sa témérité était la marque d’un torero qui se distinguait des autres débutants comme lui. José María Calderón, un ancien

" href="https://toreoyarte.com/glossaire/banderillero/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">banderillero d’Antonio Montes (Séville 1876 – Mexico 1907) prenait le jeune Belmonte en charge et lui trouvait ses premiers contrats à Valence notamment avec ses premiers succès et déboires, cogidas et fracasos. En revanche, les saisons de 1912 et 1913 étaient semées de triomphes à Séville et autres capitales de province, surtout à Madrid où il prenait l’alternative le 16 septembre 1913 des mains du cordouan  Rafael González «Machaquito» (1880-1955) qui se retirait le soir même de cette corrida. Dès son apparition à Barcelone et Madrid, Pepe de la Loma «Don Modesto»  traitait de « fenómeno » le jeune Belmonte alors que « Don Pío » titrait : «torerito, sí ; fenómeno, no». A la suite de sa deuxième novillada piquée à Madrid, «Don Modesto» récidivait et confiait : Belmonte est un torero qui vous fait monter les larmes aux yeux. La rivalité avec Joselito par critiques taurins interposés, était servie dès l’apparition de Juan Belmonte. Existaient aussi ses détracteurs comme José Bergamín (*) qui le décrivait comme  lourd, maladroit, forcé, lent, rigide et disgracieux (sic). Mais qu’avait-il donc de différent et extraordinaire, pour susciter de telles émotions et mériter de telles louanges ou critiques?

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Les portraits et photographies de Juan Belmonte ne sont pas toujours à son avantage. Il n’a ni l’allure d’un athlète ni celle d’un adonis et ses recours physiques sont limités. Ceci conditionne ses déplacements et mouvements dans le

" href="https://toreoyarte.com/glossaire/ruedo/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">ruedo et il fera siens la bravade et le désormais adage : "Ni me quito yo ni el toro me quita". L’immobilisme, les pieds bien rivés au sol, est donc la première qualité de Belmonte face aux charges agressives et broncas des toros d’autrefois. Le mouvement des bras pour guider l’animal dans la cape et la muleta est le substitut obligatoire à l’absence du «jeu de jambes» qui permet l’esquive. C’est son style époustouflant à la véronique qui est en premier remarqué et saisit d’émotion les publics et les professionnels. Don Modesto écrit dans El Liberal : ¡Cinq véroniques sans corriger sa position! (sin enmendarse, NDLR). Ceci avait lieu le 12 juin 1913 à Madrid, Belmonte encore novillero et dans un état physique déplorable, fatigué, asthénique comme conséquence des nombreuses corridas signées aux mois de mai et juin et de plusieurs blessures. Mais ces cinq véroniques eurent un grand retentissement, du jamais vu. Juan Belmonte apportait à ses véroniques inimitables un rythme qui faisait oublier la brutalité de la charge comme l’atteste la photo ci-dessus. Dans cet exercice de réception du toro, le cite, la jambe de sortie avancée, la masse de l’animal frôlant la poitrine du torero, l’émotion était grande. A l’angoisse de l’imminence de la " href="https://toreoyarte.com/glossaire/cogida/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">cogida,  s’ajoutait l’apparition subtile du temple qui conditionnera pour toujours le toreo : le rythme des passes de cape qui, l’espace d’un instant, étaient à elles seules une œuvre d’art. Cet art, dépuré par plusieurs générations de toreros-artistes, est aujourd’hui le sceau du toreo moderne, l’apanage d’une élite…   Juan Belmonte impressionnait par son toreo à la cape tout en restant dans le schéma orthodoxe du toreo vers le centre du ruedo et ne pratiquait que rarement le toreo Passe de muleta à une main dans laquelle le torero donne la sortie du coté opposé à celui de la main qui tient la muleta.  Le toreo cambiado s'oppose au toreo natural. Il est fréquent que la terminologie cambiado soit utilisée à tort pour signifier cambio.(Lire: Le Mal Nommé "Pase Cambiado por la Espalda")
  • L'expression "torear con los terrenos cambiados" signifie toréer en inversant les terrains du torero et du toro, l'un étant dans le terrain de l'autre et vice versa.
  • " href="https://toreoyarte.com/glossaire/cambiado/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">cambiado
    c’est-à-dire en redondo que Joselito aspirait à appliquer en quelques occasions. A la muleta, il dessinait les passes classiques selon le tracé habituel du « 8 » mais en leur imprimant le même dramatisme que ses véroniques et fameuses demi-véroniques en s’enroulant dans la cape. Ce final de série, on le retrouvait aussi à la muleta dans le " href="https://toreoyarte.com/glossaire/remate/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">remate en Passe de muleta pouvant être réalisée soit avec la main droite, soit avec la main gauche habituellement en guise d'adorno ou de remate d'une série (main gauche) et parfois en ouverture de série (main droite). Cette passe a été immortalisée dans un style très personnel par Juan Belmonte (1892-1962).

    Lorsque le toro arrive à hauteur de la ceinture, à mi-passe, le torero effectue une rotation sur lui-même en sens inverse de la trajectoire de l’animal, s’enroulant dans la muleta. Selon le style du torero et la position des bras, le molinete peut être confondu ou assimilé au kikiriki.

                     


    Molinete belmontino por Juan Belmonte


     

    Molinete belmontino por Morante de la Puebla

    Le molinete s'exécute aussi à genoux.  C' est une 

    " href="https://toreoyarte.com/glossaire/suerte/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">suerte   créée par le torero mexicain Fermín Espinosa « Armillita Chico » (1911-1978). Pour cette passe,  lorsque le toro entre en jurisdicción, tête dans la muleta, le torero met ses genoux en terre et vire sur lui-même, enroulé dans la muleta. C’est une fioriture qui requiert néanmoins du tempo pour ajuster le mouvement du corps du torero au passage du toro déjà « embarqué » dans la muleta.


     " href="https://toreoyarte.com/glossaire/molinete/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">molinete (voir photo 3), parmi d’autres adornos souvent décriés par les puristes. Dans son traité sur le toreo, Luis Bollain (1908-1989) (**) décrit le processus de la El natural ou el pase natural est la passe de muleta donnée de la main gauche, sans l'aide de l'épée pour maintenir la toile ouverte.  En français on parle de "naturelle".

    La naturelle, donnée de la main gauche, est dans la conception moderne une passe fondamentale considérée par les puristes comme celle qui révèle réellement la qualité et la profondeur d'un torero.  Sans l'aide de l'épée pour ouvrir la muleta et agrandir sa surface, le torero doit citer et guider le toro avec une toile réduite et donc une exposition supérieure. Peuvent varier la hauteur à laquelle est tenue la muleta, la position du corps (de face, de trois-quart, de profil), la façon de positionner les pieds (joints, écartés, en chargeant ou déchargeant la suerte), la manière de tenir l'estaquillador (à son extrémité, au centre ou plus en avant), le moment où la passe est donnée (en début de faena en tant qu'entame, en pleine faena ou en final), l'importance de la série soit avec un grand nombre passes liées, soit seulement deux ou trois liées au remate.

            

            


    On distinguera la naturelle "aidée", pour assujettir la muleta avec l’épée –

    " href="https://toreoyarte.com/glossaire/ayuda/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">ayuda – en présence de vent ou bien offrir plus de surface à la muleta au début d’une série.  L'usage de l'épée  en naturelle "aidée" peut aussi imprimer un effet de style à la passe.

             

    " href="https://toreoyarte.com/glossaire/natural/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">Natural con dos muletas

    Originalité du novillero colombien, Santiago Sánchez Mejía qui, le 6 février 2017 à Valdemorillo, toréait son deuxième novillo avec deux muletas.

                        

    Pour cette suerte, il s’agit de faire passer le toro alternativement sur la corne gauche - pase natural - et sur la corne droite, la muleta non montée de l’épée, donc naurelle de la droite. Lors du  cite la muleta qui ne torée pas est repliée sous le bras et l’autre est déployée  lorsque le toro arrive a jurisdicción et ainsi alternativement. Pour la réussite de cette suerte, il est indispensable que  le toro montre la même noblesse de charge des deux côtés. Le remate de la série pourra être une passe de poitrine, selon le choix du torero, sur une corne ou sur l’autre.

    " href="https://toreoyarte.com/glossaire/el-pase-natural/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">naturelle de Belmonte liée à la passe de poitrine et souligne la valeur que l’on doit accorder à l’exécution de ces deux passes fondamentales.

               Fig 1         Fig 2

    Fig 1 - Représente l’exécution d’une naturelle. Quand le torero termine la passe, le toro restera au point que marque X.

    Fig 2 – Représente le même torero qui, après avoir terminé sa passe naturelle, pivote sur ses pieds et se dispose à lier la première naturelle avec une deuxième. Dans ce cas, le toro va charger selon la direction que marque la flèche A.  Une charge en droite ligne qui théoriquement sera sans complication. Mais selon la flèche B, la trajectoire du toro est sinueuse. C’est la trajectoire du toro si le torero, à la suite de la Fig 1, a avancé sa jambe droite pour lier la naturelle à la passe de poitrine. De cette manière, le toro ne va pas passer – ne peut pas passer – seul. Dans ce cas, il faut que le torero le «prenne» selon un tracé hasardeux et difficile. Il faut beaucoup de temple et de mando pour que soient possibles la quiétude et immobilité du torero. (El Toreo p.450).

    Nous trouvons là une opposition de critère et, en même temps, la négation du modèle de Pepe Alameda qui prétendait que l’œuvre révolutionnaire de Juan Belmonte était inachevée car manquait à ses lettres de créance, face à l’histoire, le toreo en redondo. Pourtant, la naturelle et la passe de poitrine liée répondent dans leur parfaite exécution au sacro-saint parar,

    " href="https://toreoyarte.com/glossaire/mandar/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">mandar y templar : le torero maintient sa position à la fin de la passe naturelle, «charge»  la suerte de la jambe droite pour le Passe de poitrine. C’est la passe classique et fondamentale de conclusion d’une série de passes telles que les derechazos ou naturelles. Elle peut servir de remate à d’autres passes de muleta et elle est considérée comme une passe de "libération" c’est-à-dire qu’elle permet au torero d’éloigner le toro, de se "libérer" de la présence rapprochée du toro après une série. Elle est le modèle du pase cambiado ou pase contrario (comme elle était désignée autrefois en opposition à la passe naturelle ou pase regular) par le fait que le torero donne la sortie du côté opposé à celui de la main qui tient la muleta et fait défiler le toro par la poitrine que ce soit en une trajectoire rectiligne, semi-circulaire ou circulaire. Comme dans tous les pases cambiados cette passe s’effectue avec le coté opposé de la muleta (l'envers par rapport aux pases naturales) et par le haut. La passe de poitrine s’exécute de la main droite ou de la main gauche. Elle peut être interprétée genou fléchi ou genou en terre.

          

           

    " href="https://toreoyarte.com/glossaire/feria/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">Feria – La corrida de Victorino Martín redonne du baume au coeur de l’afición. Morenito de Aranda sort