TOREO PUR ET TOREO MODERNE

TOREO PUR ET TOREO MODERNE

Tous les Aficionados ont, un jour ou l'autre, participé à des conversations dans lesquelles les avis exposés étaient diamétralement opposés à propos de la valeur technique qu'il convenait d'accorder à une faena.  Il est en effet très difficile d'appréhender en même temps, et dans l'action, toute la masse d'informations venant d'une prestation tauromachique et d'en tirer la quintessence.  Aussi, quand bien même les débatteurs arriveraient à tout percevoir, ils pourraient encore aboutir à des conclusions différentes compte tenu de leurs goûts personnels, hors de toute considération technique.

La première fois que j'ai été confronté à une telle discussion, ce fut à propos de la corrida du 31 mars 1975 en Arles durant laquelle Paco ALCALDE coupa deux oreilles du dernier Juan Pedro Domecq.  Un groupe d'Aficionados érudits se sont empoignés longuement sur le fait de savoir si cette faena méritait bien les deux oreilles et si ALCALDE avait toréé en chargeant la

" href="https://toreoyarte.com/glossaire/suerte/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">suerte.  Incapable d'en juger par moi-même à l'époque, il me fallut attendre de nombreuses années avant de me forger une opinion personnelle circonstanciée.  Je me propose de partager avec vous quelques éléments de réflexion,  qui m'ont permis de mettre en perspective les aspects techniques des faenas et des notions telles que "" href="https://toreoyarte.com/glossaire/cargar/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">cargar la suerte".

Il se dessine à l'aube du 21° siècle deux tauromachies aux composantes biens définies, qui s'inscrivent dans deux philosophies reconnaissables et distinctes, pour ceux qui y prêtent bien attention. On les qualifiera de toreo moderne et de toreo pur.  Notons que ces deux tauromachies recueillent, toutes les deux, un franc succès populaire dans les arènes de toutes catégories.  Le Public étant roi, c'est lui qui déterminera, à terme, si l'une de ces tauromachies prendra définitivement l'ascendant sur l'autre et deviendra la norme. En ce qui me concerne je vois dans l'exécution de ces deux conceptions du toreo une expression claire de deux philosophies de vie dont les ramifications influencent profondément tous les aspects de la planète tauromachique.  Et c'est parce que cette influence est si profonde qu'il est important que chaque aficionado sache, de façon éclairée, de quel coté il souhaite se positionner.

Le Toreo est l'expression de concepts, de valeurs et de sentiments.  En toréant le torero nous dit qui il est, il exprime sa considération de l'adversaire qu'il va mettre à mort, et il signifie à son public la façon dont il le perçoit et le considère.  Dans le toreo moderne le torero cherche à capitaliser sur les limites du savoir des publics et sur leur désir de festoyer, de se réjouir.  Les toreros exécutent alors le toreo moderne parce qu'ils se sentent en mesure de délivrer à la fois un résultat à la hauteur des espérances du public, tout en pariant sur le fait que ce public ne percevra pas les moyens mis en œuvre pour y arriver, ou tout du moins qu'il n'en fera pas une condition essentielle de son succès.  Au contraire, dans le toreo pur, le torero parie sur sa connaissance du toro de combat, et par respect pour lui, applique une technique pure, sincère, chargée en émotion dramatique, avec le risque d'une rentabilité moins efficace du point de vue du spectacle, mais profondément plus mystique pour ceux d'entre nous qui la perçoivent.

       I.          TOREO MODERNE

Le toreo moderne privilégie très clairement l’enchaînement, les virevoltes et la variété du mouvement.  Cette tauromachie s'adresse aux facultés de perception originelles du public.  Avant de maîtriser les concepts techniques on apprend à reconnaître les  passes par leur nom et à en apprécier la succession et ce plutôt en volume qu'en qualité.  Lorsque le toro est arrêté on est ravi de voir, qu'avec insistance, le torero arrive à faire avancer l'opposant.  On peut aisément confondre immobilité et aguante, enchaînement avec domination, quantité avec profondeur.  La particularité du toreo moderne est d'introduire une notion dominante de ratio risque / triomphe, limitant la valeur risque tout en maximisant le potentiel de succès.  Les techniques liées à cette conception ne sont pas en elles-mêmes un défaut. En effet, lorsqu'elles sont un recours face à un opposant difficile elles peuvent trouver un sens.  C'est lorsque les recours sont érigés en principe que cet excès devient critiquable.

Nous avons tous une idée de ce qu'est la notion de Cargar la Suerte et de l'importance que revêt ce concept.  En cette matière les définitions proposées sont presque toujours centrées sur la description de la gestuelle corporelle du torero.  Faut-il avancer la jambe, appuyer sur la jambe de sortie, être croisé, avoir la poitrine en avant?  Il n'est pratiquement jamais fait référence à la trajectoire du toro pour juger de l'acte de cargar la suerte.  Pourtant, c'est le toro qui nous dit si cette technique peut ou doit être employée, et si le torero l'a effectivement appliquée.  Il ne peut, à mon sens, y avoir, d'abord,  de cargar la suerte sans mouvement, sans déplacement, sans agressivité, sans attaque du toro.  C'est bien là le problème du toreo moderne, qui a fait du toro sélectionné un animal aux réactions sur commande au lieu de réactions instinctives.  Le torero devient la télécommande des bichos qui se déplacent moins de manière autonome et instinctive que par réaction aux sollicitations.  Parce qu'il a face à lui un opposant dont il  téléguide les charges, le torero peut se passer d'appliquer les préceptes  techniques fondamentaux, indispensables à la domination du

" href="https://toreoyarte.com/glossaire/bicho/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">bicho sauvage qui lui se déplace avec force et vivacité et qui nécessite qu'on le domine pour construire une faena.  Conclusion, dans le toreo moderne on ne charge pratiquement pas la suerte, et on passe son temps à doser les efforts que l'on demande au toro qui par manque de caste a du mal à se mouvoir.

Au moment du choix des illustrations visuelles qui suivent, j'ai opté pour soumettre à votre sagacité des photos de trois figuras triomphantes du moment.  En effet, je ne voulais pas proposer d'images de toreros dont on dirait qu'il était normal qu'ils toréent mal puisque ne participant pas à l'élite.  Le regard est donc tourné vers l'élite et plus particulièrement vers El JULI, Enrique PONCE et MANZANARES.  Vaya cartelazo !

  1. 1.      EL JULI.

Incontestablement, El JULI est le torero le plus "

" href="https://toreoyarte.com/glossaire/poderoso/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">poderoso" (puissant) de sa génération.  Il a démontré au fil des ans l'étendue de ses connaissance, une volonté démesurée de vaincre, un style de conquérant.  El JULI sait tout faire et pendant des années il a tout fait.  Avec l'arrivée de Roberto Dominguez dans son entourage, son style a connu une inflexion notable.  Il s'avère, aussi, que ce changement est intervenu après les cornadas de Madrid face à un toro de Guardiola le 05 juin 2001,  de Malaga le 13/08/2001 face à un toro de Savador Domecq, puis à Bilbao le 23/08/2001 face à un toro de Torrealta.  El JULI a affiné une technique très personnelle d'évitement dans la suerte à l'épée et a modifié notablement sa technique du toreo. Courant 2004 El Juli a abandonné la pose des banderilles.  L'objectif est ici de montrer que tout ce qui brille n'est pas or mais pas de jeter le bébé avec l'eau du bain.  Le toreo du JULI, comme celui d'Enrique PONCE , est exceptionnellement maitrisé, imposant et varié.  C'est parce que ces toreros arrivent à mélanger les techniques avec une régularité exceptionnelle qu'ils méritent et conservent leurs postes dans la hiérarchie et dans l'histoire du toreo.  Ceci n'interdit pas cependant que l'on puisse effectuer une analyse technique affinée pour mettre en évidence et analyser les méthodes employées.  Et dans le cas d' EL JULI nous constaterons qu'il a abandonné au fil des ans une part de verticalité qui faisait partie de son toreo jusqu'en 2001 et qu'il a pris ses distance de la trajectoire des toros en toquant , comme PONCE, por fuera et en se tenant sur le fil de la charge ou carrément désaxé, " href="https://toreoyarte.com/glossaire/fuera-de-cacho/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">fuera de cacho.

Ce que je vous convie à faire en préambule de la lecture de ce qui suit, c'est de revoir quelques vidéos d'EL JULI dans l'étape de sa carrière jusqu'en 2001.  Vous y noterez la recherche d'une verticalité qui obligeait, d'une part, à se passer le toro plus près du corps et d'autre part imposait de dominer la charge.  En particulier, en revoyant les images de la

" href="https://toreoyarte.com/glossaire/cornada/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">cornada de Madrid face au toro Dénomination  des toros dont la robe presente des taches uniformes de couleurs différentes du reste du pelage. Il convient de distinguer les expressions qui définissent la robe des toros de lidia. Dans ce cas, la plus commune est berrendo en… qui se réfère à la combinaison du pelage blanc avec toute autre tache de couleur de poils.

Exemples:


Berrendo en negro

Le berrendo en negro est celui où apparaissent des taches noires sur fond blanc.


Negro berrendo


 
 
 
 
On appellera toutefois berrendo negro le toro dont la robe noire présente des taches blanches. Selon la distribution de ces taches , on dira que le toro de la photo ci-contre est: lucero pour la tache blanche sur le front ainsi que calcetero pour  ses pattes blanches et bragado meano corrido pour la tache qui s'étend du bas du poitrail au bas-ventre.
De même, on trouvera:
Le berrendo en colorado possède une robe blanche avec des taches rougeâtres (colorado)Le berrendo en cárdeno où apparaissent des taches de poils noirs et bancs sur fond blanc.
       
 
 
 " href="https://toreoyarte.com/glossaire/feria/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">feria. Heureuse alternative de Guillermo García Pulido. Corrida de Alcurrucén, mansa et compliquée.
" href="https://toreoyarte.com/glossaire/berrendo/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">berrendo de Guardiola vous verrez que c'est en toréant vertical de la main gauche qu'il a été pris (Les images sont sur Youtube).

Maintenant revenons au toreo actuel du JULI.  Les images qui suivent ont été prises durant la Feria de Bilbao 2012.  La particularité de ces images est qu'elles montrent les passes du début jusqu'à la fin.  Car on ne peut juger d'une passe que si on voit où elle commence et où elle finit.  Habituellement dans les revues spécialisées ont vous propose un cliché pris au ¾ de la passe au moment même où le geste est le plus flatteur, mais aussi trompeur.

El JULI - Bilbao 2012

El JULI - Bilbao 2012

Dans la série d'images qui précède ont voit bien que JULI laisse parfaitement la muleta devant les cornes à la sortie de la passe précédente, que le bicho ne termine pas sa rotation et qu'il ne répète pas immédiatement, malgré la muleta devant le museau.  Pour tocar, appeler et déclencher la charge,  JULI a exagérément positionné sa jambe de sortie  en retrait de l'axe suivant l'épine dorsale du toro (axe de charge El natural ou el pase natural est la passe de muleta donnée de la main gauche, sans l'aide de l'épée pour maintenir la toile ouverte.  En français on parle de "naturelle".

La naturelle, donnée de la main gauche, est dans la conception moderne une passe fondamentale considérée par les puristes comme celle qui révèle réellement la qualité et la profondeur d'un torero.  Sans l'aide de l'épée pour ouvrir la muleta et agrandir sa surface, le torero doit citer et guider le toro avec une toile réduite et donc une exposition supérieure. Peuvent varier la hauteur à laquelle est tenue la muleta, la position du corps (de face, de trois-quart, de profil), la façon de positionner les pieds (joints, écartés, en chargeant ou déchargeant la suerte), la manière de tenir l'estaquillador (à son extrémité, au centre ou plus en avant), le moment où la passe est donnée (en début de faena en tant qu'entame, en pleine faena ou en final), l'importance de la série soit avec un grand nombre passes liées, soit seulement deux ou trois liées au 

" href="https://toreoyarte.com/glossaire/remate/" target="_blank" data-mobile-support="0" data-gt-translate-attributes='[{"attribute":"data-cmtooltip", "format":"html"}]' tabindex="0" role="link">remate.

        

        


On distinguera la naturelle "aidée", pour assujettir la muleta avec l’épée –