Bilbao 25 août 2022 – 6ème de Aste Nagusia. A marquer d’une pierre blanche la corrida de Victoriano del Río: Triomphe ravageur d’Andrés Roca Rey (oreilles et infirmerie). Grande faena de El Juli sans l’épée.

Vista Alegre enregistrait une grande entrée, la première de cette féria, avec un cartel attractif, un des meilleurs que l’on pouvait monter cette année avec Julián López « El Juli », José María Manzanares et Andrés Roca Rey qui est à l’origine d’un engouement unanime dès que son nom apparaît à l’affiche. Les toros de Victoriano del Río complétaient ce programme qui a tenu ses promesses malgré la pluie, les inconvénients et distractions qu’elle provoque en plein milieu d’une faena comme ce fut le cas au 4ème. Ce toro de nom « Cantapájaros », nº 122, de 505 kg , né en janvier 2017, homonyme d’un autre de Victoriano del Río de la San Isidro 2007 qui valut à « El Juli » la Puerta Grande de Madrid, était évidemment attendu par les aficionados. Quant à Andrès Roca Rey, il a ébranlé les fondations de la plaza remodelée de Vista Alegre après deux faenas de grande intensité et émotion,  En cette année 2022, le Péruvien dépasse toutes les limites de vaillance, de prise de risque et de talent tauromachique. Bilbao fut le témoin d’une épique actuación d’Andrés Roca Rey renversé et piétiné au 3ème. Il abandonnait  l’infirmerie pour se mesurer au 6ème en une nouvelle démonstration de point d’honneur. Les toros de Victoriano del Río, de belles mais variées présentations, furent les autres protagonistes de cette corrida par la variété de leurs comportements pas toujours parfaits. Ils mettaient à l’épreuve les trois matadors qui ne voulurent pas abdiquer pour n’être pas en reste avec leurs compagnons de cartel.

Julián López « El Juli » fut sur le point de triompher de superbe manière au 4ème, ce « Cantapájaros » montado, veleto, qui sortait réservé, ne passait dans aucun capote ni celui d’Álvaro Montés dans la brega, ni d’ « El Juli » et qui sortait épouvanté sous la piqûre de la première pique, protestait à la deuxième rencontre, puya cette fois-ci placée. Le maestro, par un geste, demandait le changement de tercio sans que le toro fut vraiment châtié, le président obtempérait. Le second tiers se déroulait selon la course accélérée du toro pour la pose des banderilles d’Andrés Revuelta. Dans la muleta de « El Juli », le toro poursuivait sa « révolte encastée » et chargeait avec rage sur le côté gauche. « El Juli » restait ferme et à partir de là, il imposait son autorité et emprise sur la charge désordonnée de « Cantapájaros » jusqu’à dessiner des passes des deux mains, d’une absolue soumission de l’animal, alors que la pluie distrayait les spectateurs et empêchait de prendre des notes… Faena à revoir grâce aux vidéos. Une fois de plus, la “technique” spéciale de “El Juli” à la mise à mort – deux pinchazos en julipiés -  réduisait la magnifique faena à un salut (mouillé et rageur) grandement fêté par le public forcé de reconnaître  la suprématie du maître. Au 1er, un toro anodin, sans fixité, sans « humiliation » à la cape ou la muleta, « El Juli » n’avait à faire aucun effort particulier pour le passer. Il avait même recours à des adornos superflus, tels des passes circulaires inversées, pour animer sa faena… Le toro tardait à s’écrouler après une demi-épée en un petit julipié - sonnait un avis – et « El Juli » applaudissait ce toro comme s’il s'était agi d’un animal exceptionnel... !

José María Manzanares recevait son premier victoriano-del-río par des véroniques en dérapage de l’animal, court sur pattes et museau au ras du sol. Ce toro « faisait l’avion….en rase mottes » tellement il suivait la cape au début, la muleta ensuite, tête baissée. JMM  dessinait des passes de la droite avec temple en accord avec le rythme de course de ce toro, brave, piqué avec parcimonie par Oscar Bernal. Des cites à distance, les derechazos avaient belle allure alliés à l’empaque naturel du torero d’Alicante. Sur la gauche, le rythme n’était pas le même et le retour à droite correspondait à une réduction des charges du toro qui, sur la fin, se serrait. Un pinchazo et une épée entière croisée. Le 5ème, cornivuelto, le seul du lot approchant les six ans, fut sur le point de renverser la cavalerie à la première rencontre. Le picador Paco María et son cheval tenaient le coup. La charge descompuesta du toro ne permettait pas vraiment à JMM de composer une faena artistique mais il restait ferme, muleta basse, dans la tentative de lréduire cette difficulté. Ce toro limitait sa charge et ne terminait pas les passes. Conclusion par une estocade tendida, un peu atravesada.

Andrés Roca Rey devait toréer le premier sobrero, imposant de ses 631 kg, en remplacement du titulaire, 3ème, corne droite sur le point de se détacher de sa base (accident dans le chiquero ?). Il sortait au pas du toril. Les capotazos de réception, presque en tablier, n’arrêtaient pas ce toro  qui attaquait, al relance, le picador de service avant qu’il n’eût occupé sa position. Deux autres piques, bien placées, suivaient. Au deuxième tiers, il ne rendait pas facile la tâche des banderilleros. ARR, les pieds rivés au sol, commençait sa faena par des statuaires, une passe dans le dos et passe de poitrine en remate. Ce début spectaculaire était suivi de passes pas toujours parfaites mais compensées par un aguante extraordinaire, des naturelles, un circular inversé, sans perdre un millimètre de sa position, passes serrées telles qu’un bout d’alamar restait accroché à la corne droite ! Le toro n’ « humiliait » pas et restait court dans la muleta. Des manoletinas pour boucler cette faena et, pour augmenter la tension vécue par le public, dans les cornes, ARR changeait le voyage et survenait la voltereta ! Piétiné au sol, il se relevait avec peine…. Il était débarrassé de la chaquetilla et revenait où il avait laissé le toro pour de nouvelles manoletinas. Estocade poussée, delantera. TORERO ! TORERO! Le président, conspué, n’accordait qu’une oreille.

       

ARR sortait de l’infirmerie, visiblement diminué, boitant, touché au genou droit, ecchymoses au visage… Sorti en trombe, le 6ème, reçu par des véroniques gagnant du terrain jusqu’au centre de la piste, il n’était pas très bien piqué. Antonio Chacón se distinguait aux banderilles. ARR à genou, entamait la faena par le pase cambio por la espalda, la muleta était accrochée et la cogida évitée. Sur pied, un double péndulo  entrecoupé de la passe de poitrine. Sur la droite, les charges ne sont pas idéales et dans un remate surprise et improvisé ARR enchaînait avec un nouveau redondo inversé…, il était encore au sol à la suite d’un croche-pied fortuit d’une patte arrière du toro… Des naturelles, pieds joints et compas ouvert et une grande estocade, restant sur la face, couronnaient sinon une grande faena mais une démonstration de suprême volonté de ce torero d’aller au-delà de ses limites, de captiver le public, en un mot apporter à la corrida le dramatisme souvent disparu de nos jours. Deux oreilles !!

Julián López « El Juli » : un avis et saluts aux deux ; grande ovation en abandonnant la plazaJosé María Manzanares : un avis et saluts ; ovation et saluts. Andrés Roca Rey : une oreille ; deux oreilles. Francisco Durán               «Viruta» et Antonio Chacón, tous deux de la cuadrilla de ARR, saluaient aux banderilles. Paco María, picador de la cuadrilla de JMM applaudi au 5ème.  Rapport médical: le diestro Andrés Roca Rey souffre d’un polytraumatismre au front et pommette droite ; traumatisme avant-pied gauche,  poignet et genou droit ; estafilade lombaire, côté gauche, rupture  fibrillaire de 3 cm.

Georges Marcillac

 

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