Les corridas mixtes sont un spectacle par définition hétéroclite et pour tous les goûts. Un rejoneador, Pablo Hermoso de Mendoza qui fait sa tournée d’adieux en Espagne après le Mexique; Morante de la Puebla pour justifier l’affiche…; Nek Romero, le novillero local, attendu et porté par le public. Et des toros différents évidemment: deux de Carmen Lorenzo, idoines pour le toreo à cheval, deux de Juan Pedro Domecq… pour le maître, et des novillos d’Alejandro Talavante torero devenu ganadero avec des produits d’origine Nuñez del Cuvillo et Garcigrande. Le public venu nombreux - trois-quarts d’entrée – en eût pour son compte, sauf peut-être les fans de Morante restés sur leur faim.
Pablo Hermoso de Mendoza sortait le grand jeu avec le 4ème de nom “Pelotillo” de 534 kg. né en décembre 2019, très vif et mobile à la sortie et de course continue avec des accélérations que gérait à la perfection le navarrais sur “Nomada” pour deux rejones de castigo – le deuxième delantero. Ensuite “Berlín” brillait, à la pose des banderilles, une à une, par des écarts serrés et bien mesurés. Comme toujours les banderilles courtes sont superflues et elles étaient placées dans les tablas, le toro presque arrêté après tant de courses. Toreo classique, sans trop d’attitudes histrioniques mais cherchant, comme c’est l’habitude chez les rejoneadores, les applaudissements entre les différentes suertes. Avec “Nomada, les spectaculaires galops de côté et changements de courses vers l’intérieur au fil des barrières furent une merveille. Avec “Malbec” et les banderilles courtes, on notait, sur la fin, des courses “templées”, toréant vraiment. Le rejón de muerte, contraire, était d’effet immédiat (avec derrame). L’oreille s’imposait. Avec le premier, qui était bien fixé au centre du ruedo, ce toro montrait… des qualités à la cape de l’auxiliar de service. Il réduisait sa course aux banderilles et Pablo passait plusieurs fois “en faux”. Les inévitables banderilles courtes ne servaient à rien. Le rejón de muerte tombait trasero, le toro réfugié près des barrières.
Morante de la Puebla touchait un juan-pedro de pauvre présence, poussiéreux de poil, terciado malgré ses 545 kg. affichés. Le peu de charge du bicho permettait à Morante de dessiner de bonnes véroniques à priori, fêtées par le public qui veut voir à chaque passe une esquisse d’oeuvre d’art. Entre les deux piques pas très appuyées, le quite par véroniques, au centre de la piste, donnait quelque espoir. Après un pauvre tercio de banderilles, à la muleta, le toro, noblón, permettait le dessin de passes plus serrées en naturelles que sur la droite, le torero à l’aise dans un répertoire classique, sans émotion. A l’épée, Morante portait un pinchazo et une estocade caidilla, placée avec facilité, un peu fuera de cacho. Très cérémonieux, Morante répondait à l’ovation. Au 5ème, de meilleures hechuras, après des piques très appuyées de Pedro Iturralde, le toro ne répondait pas plus à la muleta qu’il ne l’avait fait à la cape. Des ayudados por alto et puis plus rien. Estocade desprendida et croisée. Sifflets au toro à l’arrastre.
Le premier novillo, brochito, de Nek Romero fuyait des premiers capotazos pour se fixer au centre du ruedo dans des véroniques pas très bien prises. La première pique, trasera, assortie de la carioca, avait l’effet escompté: fléchissement des pattes avant du novillo châtié. Un quite par chicuelinas, virant exagérément le corps, valaient les ovations du public. À la première paire de banderilles, José Manuel Mas perdait l’équilibre et était secoué au sol. Il devait partir à l’infirmerie, sans cornada. La mobilité du novillo augurait la possibilité de faena. Les passes de tanteo et les séries qui suivaient, montraient que Nek Romero “en voulait” et qu’il le faisait bien. Des passes de bonne facture, éparses, un bon derechazo long et “templé”, des naturelles avant que le novillo ne réduise sa charge, une natuelle en tour complet, une ébauche de poncinas (on est à Valence) et de bons remates avant la mise en suerte pour la mort, telle fut une faena complète, sans éclats, mais bien fêtée par le public tout à la cause du Valencien. Estocade entière, basse et derrame. L’oreille était accordée à la faveur des coussins blancs agités en guise de mouchoirs. Le 6ème, un novillo qui avait aussi une charge vive , sortait suelto de la deuxième pique, un picotazo en réalité, pour un quite en delantales bougé. Brindis aux deux “anciens”. La faena débutait par une passe haute à genoux suivie d’une série de la droite où le novillo se serrait tout en mettant bien la tête dans la muleta. Ce novillo demandait du mando, Nek voulait trop en faire… et les séries ne se terminaient pas très bien. Les manoletinas finales, à genoux, pour donner le change, bouclaient une faena qui aurait mérité mieux. Un pinchazo, l’estocade desprendida et les échecs du puntillero Pascual Mellinas ruinaient l’espoir d’un meilleur succés. Un avis sonnait.
Pablo Hermoso de Mendoza; silence; une oreille. Morante de la Puebla: ovation et saluts; silence ou légère bronca. Nek Romero: une oreille et petition de la seconde; un avis et vuelta? Diana floreada répétée et déplacée de “El Soro” qui ne quitte plus sa trompette. Trois-quarts d’entrée. |
Georges Marcillac