Sous un timide soleil et quelques gouttes de pluie, pour la deuxième fois cette corrida se déroulait à guichets fermés avec à l’affiche Andrés Roca Rey qui va, à ne pas s’y tromper et plus que jamais, dominer la temporada qui vient de commencer. Entouré de José María Manzanares et de Tomás Rufo, le Roi péruvien a de nouveau enflammé cette corrida des Fallas bien que finalement c’est Tomás Rufo qui sortait a hombros de la plaza. Les toros annoncés étaient de Jandilla assortis de deux de El Parralejo (1er et 5ème). Apparemment en ce début de saison il est difficile d’obtenir des lots complets d’un même élevage. Au moins, deux de Jandilla – les 3ème et 4ème – n’auraient pas dû passer le filtre du reconocimiento de la plaza de catégorie de Valence malgré leur poids de 520 kg. Le premier de El Parralejo et le dernier de Jandilla furent les plus intéressants: le 1er né en septembre 2019 et ses 599 kg,et le 6ème, tout juste quatre ans et 545 kg. On voit que l’homogénéité de présentation n’était pas à l'ordre du jour… Malgré cela les trois matadors coupaient des oreilles et le public de Valence, festif, sortait content.
Tomás Rufo sortait en triomphe après avoir montré, tout au long de la course, entrega et un désir affiché de bien toréer: savoir faire, répertoire varié et mesure dans les temps de ses deux faenas. Le 3ème, de Jandilla, protesté… à Valence!, mal et peu piqué, donnait des signes de faiblesse de pattes mais il tenait le coup dans la muleta. La faena débutait par une longue série de derechazos en redondo au centre de la piste. Debout, les passes de la droite, une à une, muleta en avant, conduisant parfaitement le toro, montraient les limites de l’animal de ce côté. Le reste de la faena, exclusivement de la gauche, allait de naturelles isolées à d’autres liées de bonne facture et la passe de poitrine. La qualité de charge du toro et le temple des muletazos faisaient découvrir le fond du jandilla et le concept de toreo sérieux de Rufo. Faena courte avant un coup d’épée, bon volapié, qui valait la première oreille au tolédan, un descabello, le toro tardant à s’écrouler. Au 6ème, un autre jandilla plus vif, “humilié” dans ses charges, était accueilli a puerta gayola, suivie d’une larga cambiada à genoux au tercio. Les doblones, longs, toréés précédaient une série de la droite exigente pour le toro qui répétait ses charges avec transmission. Sur la gauche, le toro n’”humiliait” pas autant et se réservait… Les passes en redondo pour remonter le rythme de la faena n’étaient pas aussi nets qu’au début. Après cette faena estimable et fêtée par le public, l’épée tombait basse, sonnait un avis. Néanmoins l’oreille sollicitée à grand bruit était concédée…
José María Manzanares touchait un toro de poids et d’âge - cinq ans et demi - de El Parralejo, volumineux, qui répétait dans la cape. Bien piqué par Paco María, sans grand effet sur le toro qui ne s’employait pas sous la pique. Ce toro se déplaçait sans trop de codicia aux banderilles et ensuite à la muleta dans des charges courtes, répétées qui demandaient attention et fermeté du torero. Si les passages à droite étaient plus réguliers, il n’en était de même sur la gauche, néanmoins deux bonnes naturelles. L’espace d’un instant, JMM laissait sur la corne gauche une ouverture au toro qui s’y engoufrait et la cogida était évitée… En retour, une bonne série en redondo recevait l’ovation du public. La faena se terminait vers les tablas. L’estocade portée à distance selon le style habituel du matador alicantino avait pour résultat une épée entière, tendida et desprendida d’effet rapide. Oreille!!?? Le 4ème, de meilleur trapío que le précédent qui avait été protesté, accusait une légère faiblesse de pattes confirmée en début de faena de muleta moins évidente par la suite dans les passes attentionnées de JMM. Son empaque naturel cachait cette manière de laisser la jambe contraire en arrière dans les séries liées de la droite. Sur la gauche, ce n’était pas aussi facile mais JMM, rageur, se reprenait dans une série plus vibrante que parfaite mais le public réagissait en faveur de son torero favor. Une demi-épée d’effet immédiat. Pétition insuffisante d’oreille.
Andrés Roca Rey, vêtu d’un habit de lumières d’un vert viridian et des motifs de broderies originaux, captait un toro de Jandilla dont le galop et la répétition dans la cape donnaient quelque espoir d’autant plus qu’il fut le seul à combattre fase au cheval et le secouer fortement - chute évitée - tout en étant mal piqué, puya très basse dans l’omoplate et rectifiée. Dans un quite, Tomás Rufo s’exposait par gaoneras serrées, “citant” de profil, la cape ouverte au dernier moment de l’embroque et revolera. Le toro conservait un bon tranco aux banderilles mais après une série de derechazos en redondo, il s’arrêtait. ARR tirait une autre de naturelles avec farol et passe de poitrine liés et puis plus rien! Une estocade basse et plusieurs descabellos. Un avis. Le rattrapage se produisait avec le 5ème de El Parralejo, castaño, enmorillado, de belle allure, auquel ARR servait de volontaires véroniques, buste et bras accompagnant la charge dans un nouveau style? La première pique mouvementée et la deuxième inexistante, trasera. Quite par chicuelinas, gustándose, la cape par le bas. Le classique péndulo doublé à contre-querencia? et passes de poitrine, changement de main. Après cela, des derechazos “citant” de loin et des naturelles que le toro ne supportait plus. Donc, venait l’arrimón caractéristique en trois séries de passes circulaires inversées avec remate, les cornes frôlant la banda de la taleguilla et enthousiasme du public! Desplante. L’épée entrait jusqu’à la garde et roulait le toro l’espace dune seconde. Les deux oreilles étaient demandées , une seule accordée et bronca a la présidente de service.
José María Manzanares: une oreille; Saluts après légère pétition. Andrés Roca Rey: un avis et silence; un oreille. Tomás Rufo: une oreille; un avis et oreille. Sortie a hombros. Antonio Chacón saluait après la pose des banderilles au 5ème. Sergio Blasco de la cuadrilla de JMM en faisait de même au 1er. Vicente Ruiz “El Soro” nous gratifiait de la diana floreada avant la faena de Tomás Rufo au 3ème. |
Georges Marcillac