Feria de San Ignacio - Azpeitia 2023 – 30-31 juillet-1er août 2023
L’édition 2023 de la feria de Azpeitia, fidèle à sa tradition, affichait les toros d’élevages qui avaient donné satisfaction l’année précédente: c’est à dire, dans l’ordre, ceux de Ana Romero, Murteira Grave et La Palmosilla. Comme il est difficile pour quiconque d’être égal à soi-même en toutes circonstances, les toros ne faillent pas à cette règle et les produits d’Ana Romero, le premier jour, ne répondaient pas, ni en hechuras ni au “moral”, aux espérances de la Commission Taurine azpeitarra et surtout des aficionados fidèles Heureusement Diego Urdiales et Daniel Luque sauvaient la mise et triomphaient, chacun dans son registre, Diego Carretero, malchanceux, restait en dessous des deux maîtres. La devise jaune et bleu de l’élevage était remplacée par une divisa noire en signe de deuil pour la récente disparition de Fernando Carrasco à l’âge de 93 ans époux de la ganadera Ana Romero décédée en 2020. Le mayoral recevait un trophée en prix du bon comportement des ses toros de la féria 2022. Il aurait dû rendre ce trophée au terme de la lidia des trois premiers pensionnaires de “Las Cobatillas”… Le lendemain, malgré leurs bonnes hechuras conformes aux critères d’une feria del toro, les toros de Murteira Grave furent loin de donner toute satisfaction aux matadors du cartel: David de Miranda. Jesús Enrique Colombo et Ángel Téllez, jeunes toreros avides de contrats et succès, qui ne viennent pas…. Seul le Vénézuélien savait tirer son épìngle du jeu. La plus grande déception fut la corrida de La Palmosilla. Imprésentable, cornes plus que suspectes!!, manque de forces et race. Evidemment cette corrida était destinée à Morante de la Puebla, qui ne vint pas car, blessé, encore convalescent. Le manque de respect pour l’afición assidue – de France et autres régions d’Espagne – qui peuple la coquette plaza “La Bombonera”, était ressenti comme tel. De toute évidence, il devra être corrigé dès l’an prochain, sinon… Néanmoins, Daniel Luque réalisait l’exploit de sortir a hombros de cette corrida en toréant magistralement le 5ème, “Flamengo” nº 14, de presque cinq ans, né en septiembre 2018.
Azpeitia 30 juillet 2023 – 1ère de Feria – L’émotion du toreo pur de Diego Urdiales et maîtrise de Daniel Luque.
La première de cette feria tan prisée des aficionados décevait par la présentation des toros de Ana Romero. Les trois premiers, faibles et sans consistance, ne permettaient pas grand chose à Diego Urdiales et à Diego Carretero, ce dernier encore moins bien servi d’un exemplaire qui devenait dangereux sur la fin. Seul Daniel Luque parvenait à tenir debout le 2ème et exhibait une fois de plus sa technique et sureté face à l’adversité.
Diego Urdiales sortait de la “Bombonera” a hombros après une faena au 4ème, dédiée au public et débutée par un tanteo de passes limpides qui permettaient d’entrevoir, sinon les qualités du toro, du moins les intentions du torero. Cette faena allait a más, les premiers derechazos, de bonne facture, nécessitaient quelques pas de repositionnement. Après cela, le toreo de Diego éclatait, le temple, des passes courtes, mesurées et liées sans précipitation. De la classe! Les naturelles, pieds joints, étaient le signe de la maîtrise de soi et conviction que ce toro lui permettrait de déployer son toreo, dans un enchaînement de passes, bien personnel, avec tempo et mando. Un trois-quarts d’épée suffisait. Deux oreilles. Le silence s’imposait à la suite de la faena au 1er, plutôt faible, des détails dans les remates mais cela ne suffisait pas. Deux pinchazos et estocade delantera.
Après le succès de Diego, Daniel Luque se voyait obligé de l’accompagner a hombros... Le 5ème, qui finalement durait plus que ses congéneres, était aidé dans sa charge par des passes longues, muleta avancée qui le tirait jusqu’à l’extrémité possible du geste. En particulier, des naturelles semblaient réveiller un fond de caste de ce toro qui rendait encore plus méritoire un trasteo admirable. Les luquecinas, incertaines les premières, affirmées les suivantes, enrichissaient si besoin était la faena. Un bon coup d’épée nécessitait cette fois-ci trois descabellos. Un avis. Le travail d’infirmier évitait, au 2ème, un scandale, car ce toro tenait difficilement debout, s’allongeant de tout son long en une occasion. Les passes à mi-hauteur, mesurant bien la position et le mouvement de la muleta, donnaient à cette faena l’allure d’une oeuvre bien ciselée, mais sans toro… Une oreille était toutefois octroyée. Le défit de Daniel Luque se limitait à la reconnaissace des aficionados pour sa volonté et professionalisme.
Diego Carretero n’était pas le mieux servi, encore que, à moitié faena, le 6ème se laissait toréer tête dans les pans – vuelos – de la muleta, par des passes lentes mais empreintes de sosería. Dans la deuxième moitié, le défaut inhérent aux toros d’encaste Santa Coloma apparaissait: tête relevée en fins de passes et molle répétition des charges. La faena se prolongeait - sonnait un avis – et une estocade surprise, tendida, libérait le jeune matador d’un moment critique. Le 3ème, n’était pas plus costaud que ses congénères, il se retournait à la fin de passes courtes que, vaillament, Diego Carretero tentait d’allonger. Rien de vraiment positif ne pouvait être tiré de ce toro, le jeune torero de Hellín (Albacete) n’ayant pas non plus l’expérience de ses deux aînés, compagnons de cartel. Múltiples pinchazos…
Diego Urdiales: silence; deux oreilles et sortie a hombros. Daniel Luque: une oreille; un avis et saluts. Diego Carretero: silence; un avis et silence. Juan Contreras et Jesús Arruga saluaient après la pose des banderilles au 5ème. Sifflets aux toros à l’arrastre. Â la mort du 3ème, selon la coutume, résonnait le zortziko funèbre d’Aldalur à la mémoire du banderillero de Deba José Ventura “Laca” blessé mortellement en 1846 pendant les fêtes de San Ignacio. |
Azpeitia 31 juillet 2023 – 2ème de Feria – Seul Jesús Enrique Colombo peut s’exprimer face aux toros de Murteira Grave.
De bonnes présentations, presque cinq ans d’âge, variés mais sérieux d’armures, homogènes de poids, les produits de Joaquim Manuel de Vasconcellos, ganadero de Murteira Grave, n’offrirent que peu de possibilités aux trois jeunes matadors David de Miranda, Jesús Enrique Colombo et Àngel Téllez. Seul le dynamique Vénézuélien sut attirer l’attention du public festif par ses courses et pose des banderilles. Le début de cette corrida était marqué par la cogida spectaculairede de Cándido Ruiz, de la cuadrilla de David de Miranda, à sa première paire de banderilles. C’est dire que les toros ne furent en rien fáciles, certaines faiblesses de pattes, avec des combats honorables au cheval des 1er et 3ème, la plupart ne tenant pas la distance et terminant arrêtés.
David de Miranda ne torée pas beaucoup mais possède des qualités seulement entrevues ce jour. Durant sa première faena, le toro lançait des derrotes en fins de passes ou mettait bien la tête dans la muleta avec un léger cabeceo, en passages courts. Ces défauts disparaissaient, le toro finissait réservón. On notait une bonne série de derechazos et passe de poitrine avant de passer aux manoletinas…L’estocade tombait un peu en arrière et quelques descabellos à toro amorcillado! Un avis. Au 4ème, le début par un triple péndulo était prometteur mais la faiblesse des pattes avant du murteira-grave réduisait l’intensité et sureté de ses charges, incertaines, sans se livrer. L’absence de transmisión était patente. Des manoletinas… encore et, avec l’épée, un laid metisaca très, très bas. et une nouvelle estocade basse arrière achevaient un trasteo, somme toute, décevant.
Jesús Enrique Colombo partage actuellement dans l’escalafón une place avec “El Fandi”, tous deux toreros banderilleros qui accumulent les succès par leur dynamisme, surtout aux banderilles et pour leur répertoire varié à la cape. Le jeune Jesús Enrique ne manquait pas d’animer son passage à Azpeitia à la pose des banderilles aux couleurs de son pays natal, pas toujours d’une forme orthodoxe, al violín un peu mieux. Il échappait de peu à la cogida à la troisième paire (violín) au 2ème pas clair par la suite à la muleta, dans des charges courtes pour finalement ne plus rien vouloir. La décisión et l’énergie, au moment de porter une estocade un peu tombée mais d’effet rapide étaient determinantes pour une pétition d’oreille … accordée. Le 5ème, le toro de moindre présence du lot mais de meilleur déplacement – même scénario aux banderilles, courses, sesgo por fuera, violín et cite à genoux – permettait un excellent début de faena, doblones. et ensuite, des derechazos, corps vertical, toréant véritablement, changement de main, naturelle, farol et passe de poitrine.
Malheureusement un changement de terrain ou abandon du combat du toro qui s’arrêtait, écourtait cette faena bien commencée. L’estocade, desprendida, portée avec la même vigueur et consistance, valait une nouvelle oreille et bronca au président pour ne pas accorder la deuxième. A ses deux toros JEC avait brillé par son jeu à la cape par navarras et zapopinas respectivement.
Ángel Téllez recevait le 3ème un toro sérieux, 525 kg, cinqueño, de bonnes hechuras, qui “humiliait” dans la cape et poussait bien sous le cheval. Quite par chicuelinas. Ce toro avait une courte charge á la muleta et baissait notablement de régime, quasiment s'arrêtait, tant et si bien, que les naturelles finales, de bonne facture, n'étaient égrenées que une à une. Des manoletinas pour remonter le cours de la faena précédaient une pénible mise à mort. Un avis. Le 6ème, le plus lourd du lot (535 kg.) recevait une pique trasera. Â la muleta, après des doblones, les passes de la droite accélérées montraient que le torero n’avait pas atteint l’entente nécessaire pour trouver la position juste et tempérer la charge du toro. Sur la fin, dans le tercio, cet ajustement était obtenu et une nouvelle fois, Ángel Téllez dessinait de belles naturelles pieds joints: le meilleur de sa prestation. L’épée tombait très bas…
David de Miranda: saluts pour une légère ovation; silence. Jesús Enrique Colombo: une oreille; une oreille. Ángel Téllez: silence aux deux. Nota; Selon le règlement basque la sortie a hombros récompense les deux oreilles coupées à un seul toro. Le banderillero Cándido Ruiz victime d'une cogida au 1er toro était diagnostiqué de deux cornadas de 20 et 45 cm. Malgré la gravité et extension des blessures, aucun des organes vitaux de l'abdomen et torax n'était touché. |
Azpeitia 1er août 2023 – 3ème de Feria – Une fois de plus Daniel Luque s’élève au rang de figura – Inacceptable corrida de La Palmosilla.
La réputation de la plaza de Azpeitia será rudement entachée après cette corrida de La Palmosilla dont les toros, “préparés” pour Morante de la Puebla (absent et remplacé par Daniel Luque après son succès incomplet de l’avant-veille dans la “Bombonera”) n'était pas à l'image de la "feria del toro" de la localité du Guipuzcoa. Des toros mal présentés – c’est un euphémisme – aux cornes douteuses et de poids autour de 500 kg. donnant des signes de faiblesse de pattes, qui étaient miraculeusement maintenus sur pattes par le savoir-faire magique et la virtuosité de Daniel Luque. A côté de cela, le trasteo stakanoviste de Paco Ureña et l’art éphémère de Juan Ortega pourraient paraître insuffisants et décevants si, justement, l'état du bétail en était la cause et anhilait tous les efforts des maestros.
Daniel Luque voulait visiblement glaner un nouveau et véritable triomphe à Azpeitia et le brindis au public en était le premier signe. Ceci en dépit de la condition défavorable de son deuxième toro légèrement piqué, qu’il n’avait pu arrêter dans la cape, pourvu d’un gênant gazapeo qui disparaissait au deuxième tercio. Il avait fléchi des pattes avant dès les premiers capotazos, faiblesse confirmée dans les premiers muletazos. La première série de la droite, au centre du ruedo, à la limite de l’équilibre ou chute du toro, muleta à mi-hauteur, ressemblait plutôt et encore à un traitement infirmier. Daniel Luque changeait de terrain, sol moins aréneux, plus stable, et la faena véritable se développait par des naturelles tirant en douceur le toro transformé, docile. Une énorme série de derechazos et passe de poitrine. Les dernières naturelles, liaison en moins, “citées” par un toque original et efficace, léger mouvement intérieur de la muleta (*) opposé à celui naturel du leurre, terminaient de soulever le public surpris, heureux d’assister à un moment, peut-être pour certains, inoubliable… sans toro. Des doblones au ralentí précédaient l’estocade qui roulait le toro. Deux oreilles indiscutables.
(*) Ce toque particulier avait été mis à la mode par Enrique Ponce et Juan Bautista avant leur retraite d'avant pandémie... (Juan Bautista est l'apoderado actuel de Daniel Luque, là est sans doute l'explication de ce toque original)
Paco Ureña voyait le premier de La Palmosilla renvoyé d’où il était sorti après maintes chutes. Mouchoir vert. Le sobrero (vuelta de campana en début de faena) ainsi que le 4ème, n’avaient pas trop de forces, ils “humiliaient” dans la muleta mais leur manque de classe enlevait tout intérêt au trasteo volontaire de Paco Ureña qui avait dédié son toro à Joxin Iriarte, son ancien apoderado qui l’avait lancé dans la carrière de matador, il y a douze ans, dans cette même place d’Azpeitia. Dans les deux cas, on notait des naturelles méritoires sans plus. Laborieuse mise à mort du 4ème.
De Juan Ortega on retiendra peu de choses face à ses toros, surtout le 6ème, correoso, violent auquel il manquait peut-être une pique… les passes de châtiment n’y faisant rien. Toro à contre-style et presque débandade du Sévillan. Au 3ème son toreo de cape, d’abord en capotazos jambe fléchie, ensuite debout, par véroniques et une superbe demi-véronique, fut le sommet capoteo de l’après-midi. Le tanteo initial de la faena était prometteur, passant le toro en marchant, sans accrochage de muleta… des passes de trinchera de grande finesse et rythme et ensuite, presque plus rien, sinon des passes la plupart gachées par un hachazo final.
Paco Ureña: saluts; un avis et silence. Daniel Luque: saluts; deux oreilles et sortie a hombros. Juan Ortega: ovation (timide); silence. Aux banderilles saluaient Jorge Fuentes et “Perico” de la cuadrilla de Juan Ortega, au 3ème. En faisait de même, Ivan García aux ordres de Daniel Luque, au 5ème. Lleno de no-hay-billetes. |
Georges Marcillac