La corrida de Miura bien présentée, âpre en tout moment avec parfois des passages opportuns, a permis à la terna de clôturer la Semana Grande sur une note intéressante devant un peu moins d'une demi-arène et sous un temps gris. Les trois matadors ont tout fait pour satisfaire le public, Manuel Escribano réussissant à couper l'oreille du sixième après une prestation généreuse, tout l'après-midi, dans les trois tiers.
Le premier Miura tarde à se confier puis répond aux véroniques de Domingo López Chaves avec le défaut, non rédhibitoire, du calamocheo. Après avoir déséquilibré le cavalier, le toro pousse sous le fer. López Chaves donne un quite par delantales et demi-véronique pour laisser l'animal au centre d'où il charge pour une bonne puya de Javier González. Un bref quite d'Octavio Chacón, à toro réservé, ponctue un tercio de varas fort intéressant. Brindis au public. Le long des tablas le matador débute par toreo par le haut, main gauche sur le haut de la cuisse, dans une attitude de confiance. Les derechazos sont conduits et longs, la charge obéissante. La seconde série, plus liée, fait apparaître un effet de style, jambe d'appui légèrement fléchie. À gauche les naturelles ont un embroque en arrière avec le même succès qu'à droite. La suite sur cette corne est plus désordonnée malgré l'accompagnement de la musique. Revenu à droite le torero renoue avec une série liée. Une demi-lame, caída et portée au large, ternit ce qui aurait pu être le premier succès de la tarde. Un long passage au descabello n'empêche pas le public d'inviter López Chaves à saluer au centre. Palmas au toro.
Le second Miura de López Chaves est un train que le torero passe dans sa cape en tablier, pieds joints. Le toro galope à sa guise dans le ruedo et charge le cheval de réserve pour la première pique. Mis en suerte pour la seconde, le bicho charge et s'emploie. Le matador "tantea" une charge tronquée qui le met en difficulté sur les deux cornes. López Chavez reste ferme à droite pour des muletazos donnés en se replaçant entre chacun d'eux. Puis il revient à gauche pour voler des naturelles. Le toro n'humilie pas et se retourne vite. Vaillant, le torero poursuit son trasteo sur les deux cornes sans que le bicho ne lui offre une seule charge facile. Deux pinchazos et trois-quarts de lame contraire. Palmas et salut au centre.
Octavio Chacón, après avoir tenté des véroniques , emmène la charge réservée du Miura au centre. Ce dernier pousse sous une première pique. Puis, placé au centre, il charge avec alegría pour une seconde rencontre mesurée. Un quite de Manuel Escribano, par chicuelinas et demi-véronique, dévoile une charge qui se raccourcit. Une bonne brega de Juan José Trujillo optimise cette charge d'un opposant devenu tardo. Le début de faena est marqué par l'absence de répétition à droite, le torero gardant ses distances. Dans les deux séries suivantes le matador raccourcit de quelques centimètres la distance et obtient la répétition du toro probón. À gauche, le torero est obligé d'utiliser l'ayuda pour un résultat décousu, maintenant que les regards et hésitations du toro le mettent à l'épreuve. La fin de faena va a menos. Un pinchazo donné en passant loin et sans guider la charge, précède une demi-lame tendida à bout de bras, depuis les extérieurs. Avis. Silence.
Le cinquiième est un sardo massif qui suit avec classe la cape progressivement confiante d'Octavio Chacón. Il pousse brièvement puis sort seul des deux rencontres. Dans la cape il n'"humilie" plus et met en difficulté les deux banderilleros pourtant connus pour leur qualité. Chacón choisit les medios pour donner des derechazos de bonne facture qui obtiennent du bicho qu'il suive la muleta. Dans les suivantes, le leurre est tenu à mi- hauteur, la série allant a menos. À gauche c'est l'inverse qui se produit avec un début donné passe par passe, puis allant a más. Chacón enchaîne les passes et le toro garde la tête haute. Accompagné de la musique, le torero alterne les mains pour des muletazos sur les jambes dont le public ne lui tient pas rigueur vu les circonstances. Une bonne estocade entière, légèrement tendida. Pétition d'oreille et vuelta.
Manuel Escribano se rend a puerta gayola pour y préparer une larga cambiada de rodillas. Le cárdeno, sorti des toriles, saute dans la cape du matador qui ensuite le passe en véroniques brouillonnes, mais vives qui plaisent au public. Le toro s'emploie au cheval et recharge de loin pour la seconde pique. Affaibli le Miura charge au second tiers avec temple, permettant à Manuel Escribano de réaliser deux poses de banderilles lointaines et un violín al quiebro qui enchante les tendidos. Brindis au public. Le matador démarre en tablas par tanteo qui met en évidence la faiblesse du toro. Lors des naturelles, des écarts, flexions et retours dans les jambes, rendent la tâche compliquée. À droite la première série prend des airs d'essai, la suivante de résignation. De retour à gauche, les coups de tête et la charge erratique limitent les possibilités. Trois-quarts de lame desprendida et tendida. Palmas et salut.
Le dernier toro de la Semana Grande 2019 est reçu de nouveau à puerta gayola par Manuel Escribano, genoux en terre. Le matador donne la passe suivie d'une fuite compensée par une autre larga cambiada à genoux le long des tablas et surtout une série de véroniques et la demie engagées et artistiques. Un quite par chicuelinas et serpentina du matador s'intercale entre deux piques mesurées dans lesquelles le toro ne se met pas en valeur. Une tentative de quite de López Chaves est vite terminée face aux signes de faiblesse du toro. Aux banderilles Escribano fait le show avec efficacité, mettant la plaza debout avec "son" quiebro sité assis sur l'estribo. Brindis au public. Depuis le centre Manuel Escribano "cite" pour un double cambio por la espalda qui ravit le conclave. La charge permet d'enchaîner les droitières en s'éloignant entre les passes. À gauche le torero a plus de mal à canaliser la charge brusque. Retour à droite pour encaisser le calamocheo qui se fait de plus en plus marqué, au fur et à mesure que la charge se raccourcit. Espadazo en s'engageant sans que le toro n'humilie. Oreille.
Ainsi se termine un excellent cru de la Semana Grande de Bilbao avec la seule note préoccupante de la présence du public sur les tendidos, notablement à la baisse.
René Philippe Arneodau.