Ce samedi était annoncée la corrida de Cebada Gago, première des deux journées torista de cette feria équilibrée, premier jour de grand soleil et de nouveau les arènes affichant pratiquement le lleno. Corrida de présentation inégale comme c’est souvent le cas des produits de cet élevage, mais sérieuse, des robes variées confirmant la variété des origines et mélange des encastes, ce qui, soit dit en passant, en fait tout l’intérêt. C’étaient des toros de cinq ans (sauf le premier de quatre-et-demi) ce qui ajoutait du piment à la caste de certains, bonne ou mauvaise… Le premier était porteur d’armures imposantes et de berceau extra-large allait conditionner le trasteo du chef de lidia, habitué de ces toros réputés « durs » : Rafael Rubio « Rafaelillo ». Ce toro recevait un châtiment excessif, saignant abondamment. Le deuxième avait un trapío important, long de corps et des cornes pointées vers le haut – veleto – en « guidon de vélo retourné. Il provoquait une chute à la première rencontre et le picador, coincé sous le cheval, devait être évacué vers l’infirmerie en boitant. Après une belle course pour la deuxième pique bien soutenue, Curro Díaz demandait le changement qui lui était refusé, donc, il y en eut une troisième. Le negro burraco, échu à Manuel Jesús Pérez Mota, sorti en troisième position pouvait faire penser à l’origine Torrestrella, il recevait deux piques après un bel élan et poussait dans le peto la tête haute avec le museau… Le quatrième, un cárdeno qui avait une belle allure pour le trapío et sa course à la sortie, recevait deux puyas courtes, un picotazo la seconde, la pique rapidement levée, sortant en fléchissant des pattes antérieures. Le public applaudissant on ne sait quoi, le picador Juan José Esquivel ne trouvait rien de mieux de se quitter le castoreño et saluer en vainqueur de ce tercio de piques, le plus court et insignifiant de l’après-midi. Pathétique ! Le cinquième surprenait tout le monde en s’élançant de très loin directement sur le picador de service mais dans les trois contacts il sortait suelto ce qui démontrait une certaine mansedumbre non confirmée par la suite. Enfin le sixième, haut sur pattes, avait tendance à aller vers les barrières (porte des cuadrillas?) et recevait les trois piques dignes d’une corrida concours, après un placement lointain, des courses vives - bien que long au démarrage - et violents les contacts avec le cheval, poussant fort à chaque fois. Le toro était encasté et provoquait une demi-chute à la troisième rencontre. Ce n’était pas obligatoirement un signe de bravoure. Il faut dire que pour l’occasion, et à cette corrida, un seul picador était en piste, ce qui indiquait les intentions des organisateurs de convertir ce tercio de piques en un évènement qui n’eut pas lieu…
« Rafaellillo », fort de son passage l’an dernier devant des toros de ce même élevage, cherchait le succès, c’était évident, mais la forme n’y était pas ni…le fond. Sans doute gêné, on le comprend, par l’envergure des cornes du premier, de plus, ce toro terminait avisé, les séries de la droite étaient bougées et impossibles à gauche. Une bonne estocade entière pour en finir. Au 4ème, le récital de passes à genoux du début de faena, les passes compliquées par des charges irrégulière – descompuestas – , sauf deux naturelles isolées, bonnes, muleta au ras du sable, les desplantes, ne permettaient pas à « Rafaelillo » de convaincre surtout qu’il devait abréger car le toro avisé se retournait brusquement et l’obligeait à rompre. En conclusion, une estocade basse tombée et forte hémorragie…
Curro Diaz doit affronter des toros qui ne correspondent pas à son style d’artiste du toreo. Malgré cela il distille des passes, des attitudes qui font frissonner les inconditionnels de ce torero. Ce fut le cas aujourd’hui, pas à son premier opposant qui saigné à la pique, s’arrêtait rapidement après des tentatives sur la droite, sans aucune chance sur le côté gauche. Au 4ème, les passes de tanteo avaient le parfum du toreo léger dans la forme sans trop gêner le toro mansurrón, profond dans un splendide pase de trinchera.
C’est par les naturelles que la toreria du torero de Linares éclatait, sans réaction du public…, naturelles longues, rythmées, dessinées avec facilité et grâce avec juste ce détail qu’elles n’étaient pas toutes liées et données de profil. Après une demi-estocade légèrement croisée Curro Díaz ne recevait que de faibles applaudissements.
Pérez Mota laissait échapper une occasion de succès avec son premier cebada car celui-ci avait la charge la plus noble et « humiliée » pour dessiner des derechazos profonds qui lui furent prodigués mais seulement en deux séries, avec pour conséquence une faena escamotée, car à gauche les naturelles étaient bougées, le toro entrait au pas et obligeait le torero à changer sa position. Le dernier, après la suerte de varas animée que l’on sait, conservait sa charge violente, agressive même, coups de tête dans la muleta et arrêts passes après passes inconsistantes. Une estocade verticale mettait fin à cette journée sans trophées mais on avait vu des cebada gago…
Raúl Caricol saluait après deux paires de banderilles valeureuses au 3ème.
« Rafaelillo » : silence aux deux. Curro Díaz : saluts et applaudissements timides. Perez Mota : silence aux deux. NDLR : une banda de musique de peña officiait à la fin de chaque faena, de ce fait il était difficile d’apprécier les réactions du public, les silences pouvant être des applaudissements et vice versa.
Georges Marcillac
merci Georges pour ces resenas très intéressantes