Le lot de Nuñez del Cuvillo, diversement présenté, s’est comporté dans la lignée des toros de la feria. Juste de force et de bravoure avec pour certains une mobilité exploitable.
En ce qui concerne la controverse relative à la Porte du Prince refusée à Andrés Roca Rey il convient de faire les remarques suivantes. Au moment où le public a unanimement demandé l’oreille du second toro de ARR, la question ne devait pas être de savoir si la Porte du Prince était méritée ou non, mais si la faena justifiait la pétition. La réponse est sans hésitation oui. Le matador avait mis en œuvre tout ce que le toro ne proposait pas, courage et détermination, jusqu’à la voltereta. Ayant tué avec efficacité, plus rien ne devait s’opposer à l’octroi de l’oreille sollicitée majoritairement par le public. Si le palco pensait avoir commis une erreur en accordant deux oreilles au premier toro de ARR, il était déplacé de vouloir rectifier cette erreur à contre temps. La Porte du Prince devait s’ouvrir.
Avec le premier cinqueño au trapío imposant Morante de la Puebla arrache les premiers olés avec sa cape si caractéristique, lente et gracieuse. Le toro mal piqué met les reins. Le Maestro lui fait donner une seconde ration conséquente. Le toro charge à mi- hauteur dans le mini quite duquel ressort la demi-véronique. Les premiers muletazos par le haut gagnent progressivement en profondeur accompagnés de olés. Le toro ne réponds pas aux "cites" à droite avec l’intensité espérée. Sur la corne gauche il est tardo et avance sans verve. Pinchazo et pinchazo hondo. Avis et descabello. Silence.
Le second de Morante tarde à répondre aux sollicitations. Il n’inspire guère Morante qui pourtant tente longuement de le mettre dans sa cape. C’est dans le quite entre les deux piques qu'il donne les meilleures passages en véroniques lentes. Un capotazo de José Luis Trujillo fait faire l’avion au Cuvillo. Le quite de Juan Ortega par chicuelinas et demie n’attire pas autant l’attention. Brindis au public. Montera sur les pieds, en hommage à Pepe Luis Vázquez, Morante cite muleta pliée pour un pase del cartucho bougé. Les naturelles suivantes sont de qualité supérieures. Musique. Les derechazos liés font bouillir la Maestranza. Le torero comme toujours est positionné au cordeau et torée sans subterfuge. Le toro capitule et Morante le suit dans sa querencia pour des naturelles. Décidé il met encore une fois le toro dans la muleta à droite avec profondeur et "temple". La suite est superflue avec baisse en intensité. Estocade entière trasera en entrant en terrains croisés, presque de dentro por fuera. Oreille importante du torero de la Puebla del Río.
Juan Ortega ne peut qu’accompagner les charges déglinguées de son premier toraco qui vacille dans chaque passe. Mouchoir vert. Le sobrero de la même ganadería charge avec classe sans qu’Ortega puisse lier, à cause du manque de force du toro. Au cheval, le bicho soulève et promène la monture. Quite par chicuelinas marchées qui servent de mise en suerte pour le second puyazo. Ce dernier esr supérieur de la part des deux protagonistes. Andrés Roca Rey exécute des chicuelinas et tafalleras applaudies par le conclave, comme l’est le picador José Palomares. Brindis au public. Ortega attaque sur jambe pliée sans obliger et en allongeant la trajectoire. Les derechazos montrent que le bicho a laissé sa vivacité au premier tiers. Cela se confirme encore plus à gauche. Ortega insiste au centre sans tenter de changer de terrains. Espadazo. Silence.
Le cinquième offre des charges de velours à Juan Ortega qui en profite pleinement avec classe et lenteur. Cette fois le tercio de varas est mesuré pour tenir compte de la fébrilité du Cuvillo. Ce dernier fléchit dans le quite par delantales du matador. ARR entre en quite pour des chicuelinas mécaniques. Abraham Neiro et "Perico" saluent au second tiers. La faena débute avec des passes probatoires données par le haut. Les derechazos exécutés avec indolence font tituber le bicho. À gauche, la sensation est de langueur malgré le bon concept de positionnement du torero. Entière desprendida et atravesada. Silence.
Andrés Roca Rey sert des véroniques aux charges de más a menos de son premier adversaire. ARR donne l’ordre de laisser son adversaire cru aux piques Depuis le centre il cite pour ayudados, cambios dans le dos et trincherilla qui réveillent les tendidos. Le toro ralentit dans la première série droitière mais ARR maintient, quand à lui, le fil de l’intensité. Musique. Intelligent, il profite néanmoins de la baisse de régime du toro. ARR laisse du temps au bicho, puis le "cite" à gauche où il semble revivre. ARR enroule et crée de l’intensité grâce à son imperturbable aguante. Bernadinas en guise de signature, avec le public debout. Demi-lame en place. Deux oreilles accordées suite à la pétition du public.
Le dernier Cuvillo saute et patine dans la cape de ARR. Une nouvelle fois le matador fait piquer son adversaire avec mesure. Le toro s’élance promptement pour la seconde puya mais sort en claudiquant. Antonio Chacón est invité à saluer après une prestation émouvante au second tiers. Brindis à ses parents, présents dans le public... "Citant" depuis les medios à genoux, ARR exécute deux cambios por la espalda et un changement de main en se relevant. Les derechazos al hilo sont enchaînés à la passe de poitrine avec lenteur. Musique. Le toro devient parado, ce que ARR compense par son immobilité et aguante. Dans les cornes, il arrache des naturelles exposées. Arrimón à toro moribond qui porte nonobstant sur les gradins. La voltereta semble assurer l’oreille nécessaire pour la Porte du Prince. Estoconazo. Pétition majoritaire et bronca majuscule au palco qui refuse de la concéder. Vuelta triomphale de Andrés Roca Rey.
René Arneodau