"No hay billetes" pour voir Enrique Ponce lors de son unique comparution durant la San Isidro 2018. Ce que le public a finalement vu, c'est un grand moment de vérité proposé par Sébastien Castella à son second. Certes la faena ne fut pas parfaite. Mais l'attitude du matador, après une voltereta dramatique qui a laissé la sensation d'un drame majeur, le Français, en figura et avec l'âme d'un conquérant, a donné tout ce qu'il avait avec la plus vibrante sincérité, jusque dans l'entrée a matar. L'impact de cette prestation a conduit le conclave à demander et à obtenir les deux oreilles, sous les protestations des intransigeants du T7 et du T8 qui sont restés coincés dans l'analyse et insensibles à l'émotion et à la vérité du moment. Du lot de Garcigrande - Domingo Hernández, disons qu'il fut mal présenté et irrégulier de comportement. Enrique Ponce a été digne et Jesús Enrique Colombo a appris que se frotter aux figuras n'est pas chose facile, surtout quand une d'elles décide de mettre le pied au plancher.
Jesús Enrique Colombo confirme face à "Fanfarrón" n°71 de Garcigrande, pesant 599 kg, né en 11/14. Le toro a un problème de vue qui se note à son comportement erratique et distrait. Il s'emploie sous le fer et obtient une chute fortuite de la cavalerie. Il charge de loin pour la deuxième pique durant laquelle il se comporte en manso faisant le manège autour du cheval. La pointe de la corne droite se rompt sous le peto. Le tiers de banderilles est mené tambour battant par le matador avec des réunions serrées dans les trois embroques. Enrique Ponce, parrain de la confirmation d'alternative, lui cède les trastos avec Sebastian Castella comme témoin. Brindis au public. La faena débute en tablas par tanteo attentif aux réactions du toro. Au centre J.E. Colombo prend la gauche dans un va et vient insignifiant comme la charge de l'animal. A droite, il en va de même avec des charges lancinantes et incomplètes. Le toro se décompose. Pinchazo et entière desprendida et trasera. Sifflets au toro. Silence.
Enrique Ponce reçoit son premier, terciado et protesté qui ne se tient pas debout. Mouchoir vert. Sort en remplacement un toro sobrero de Valdefresno, cinqueño. Celui-ci a les cornes acapachadas et calcule chacune de ses décisions. En querencia des toriles, Enrique Ponce va à sa rencontre et l'animal refuse. C'est Rafael de la Viña qui le fixe. Enrique Ponce le passe enfin en véroniques précautionneuses et néanmoins esthétiques au centre. Le toro s'emploie sans verve au cheval dont il sort affaibli. Ponce soigne les mises en suertes. Son mini quite par véroniques et demie véronique montre au public qu'il a pris la mesure de la charge. Cérémonie de restitution des trastos. Brindis au public. Les doblones sont taillés sur mesure en domination et distance. La première série droitière parfaitement menée révèle une charge sautillante du toro. Ponce poursuit en effaçant la jambe de sortie et en accentuant les cites lointains sur la passe de poitrine. Le "temple" du maestro lui permet parfois de faire avancer un opposant qui tire la langue. Parfois la muleta est accrochée. Entière caída et trasera portée avec précaution. Légère pétition d'oreille. Palmas et salut. Le second adversaire de Enrique Ponce, comme son premier, a peu de trapío quoiqu'armé long et large. Il charge sans grand intérêt ni force dans la cape du maestro. Le garcigrande pousse deux fois sous le fer et lorsque son effort s'éteint le cheval tombe, confirmant le peu de qualité de la cuadra madrilène. Ponce exécute un tanteo ėléguant. Les charges imprévisibles du bicho le mettent en difficulté sur les deux cornes. Il fait l'effort à gauche, muleta aidée. Ponce finit par délivrer un toreo de chàtiment droitier sans avoir pu canaliser les coups de tête du bicho. Les tendidos lui accordent une ovation. Pinchazo et entière basse et en arrière. Ovation avec division et salut.
Le troisième toro est de Domingo Hernández auquel Sebastián Castella dessine des véroniques en trois temps et en restant sur la défensive compte tenu du comportement irrégulier de l'opposant. Le toro proteste sous le fer à la première rencontre et subit la seconde en carioca. La brega de José Chacón est laborieuse au second tiers car la charge du bicho est compliquée pour lui et les banderilleros. Castella l'entreprend par le bas, genoux en terre avec dominio et torería. Il s'écarte à 30 mètres pour appeler le toro qui répond. Malheureusement la charge en redondo est molle. Dans la seconde série droitière les deux vont a más. Le calamocheo qui gênait les banderilleros finit par accrocher aussi la muleta du matador. Ce dernier change de corne et, là, les charges sont pires, saccadées avec des derrotes constants. La fin de faena est laborieuse et la mise à mort défectueuse, longue avec deux avis.
Le cinquième est gaucher. Sebastián Castella choisit de le passer aux tercios sur la corne gauche du centre vers les planches. C'est alors que survient une voltereta d'un violence redoutable. Enrique Ponce se charge de la brega pour mener le toro au cheval.
Avec une blessure à la cheville gauche, avec bandage et déchaussé, Castella reprend les commandes pour la mise en suerte de la seconde puya. Quite de J. E. Colombo par chicuelinas. À genoux aux tercios, Castella comme les plus grands, attend fermement les charges incertaines, surtout à droite, dans une série complète sans se relever. La suite à droite est marquée par la tranquilité et l'abandon total du corps du matador. L'impact sur les tendidos est majeur. Toréant avec "temple" il encaisse des arrêts et les hésitations du toro. Il règne silence et tension dans la plaza. La faena va a menos car le toro bouge de moins en moins. L'arrimón final et le desplante en jetant la muleta sont une signature adéquate à l'attitude d'ensemble. Une épée entière en oubliant son corps et sortant bousculé permettent à Sebastian Castella de couper deux oreilles souhaitées par une majorité du conclave malgré les protestations du T7. Aujourd'hui Castella a tué comme aurait du le faire "El Juli" il y a quelques jours, avec sincérité et un engagement total. Un grand moment de vérité a été vécu à Las Ventas.
Jesús Enrique Colombo clôture les débats en toréant de cape par véroniques jusqu'au centre face à une charge qui reste sur les extérieurs. Le toro, au trapío peu agressif, fait chuter la cavalerie à la première rencontre. Il est ensuite mal piqué. Quite de Enrique Ponce par véroniques. Le tiers de banderilles est réalisé par J. E. Colombo de manière spectaculaire, avec l'approbation du public auquel il dédie la faena. Au centre, il appelle le toro à genoux. Il est désarmé à plusieurs reprises puis poursuit sur les deux cornes avec des muletazos désordonnés et accélérés face à une charge brusque. Débordé et sans idée le torero met en exergue des lacunes techniques et de bon sens. Entière trasera. Silence.
René Philippe Arneodau