Cette corrida devrait rester dans les annales de la première plaza du monde sinon dans l’histoire de la vie du torero “Román” Collado, de Valence et mère française. Pour cette deuxième journée de la grande féria de la capitale, il avait revêtu le vestido de torear confeccionné à partir d’un modèle du costume fétiche que portait l’infortuné Manuel Granero (1902-1922), de Valence aussi, à l’occasion de sa présentation à Madrid le 17 mai 1921: bleu ciel et broderies de azabache. Ce même costume avait été étrenné, récemment, lors de la encerrona de “Román” à Valence, le 10 mars dernier. Le symbole de cette “mise en scène” en disait long de l’état d’esprit du valencien au moment du paseo accompagné de David Fandila “El Fandi” et du Mexicain Leo Valadez. Les toros étaient de Fuente Ymbro. Toros de poids de moyenne 555 kg. tous cinqueños et pourvus d’imposantes armures, ils étaient applaudis à la sortie du toril. Il y eut du bon et du moins bon… même des mansos mais encastés de telle sorte que leur combat revêtait un intérêt certain, moins évident pour les matadors qui devait les affronter. Leo Valadez, en sait quelque chose puisqu’il passait à l’infirmerie après une première cogida et celle, plus sérieuse, à la mise à mort avec une luxation de l’épaule droite. David Fandila devait estoquer trois toros. “Román” sortait grand triomphateur de la soirée, le public étreint d’une émotion peu commune pendant et au terme de la faena de “Orgulloso” nº 77 de 549 kg (02/2019).
Sorti en deuxième position, un grand toro par ses hechuras, “Orguilloso” allait se revéler tantôt brave tantôt réservé, il provoquait une chute monumentale à la première rencontre, cheval soulevé par le poitrail. Il avait été amené au cheval par des chicuelinas au pas pour ce premier contact, la deuxième pique mesurée par le picador remis en selle après une bonne charge du toro. La faena de muleta commençait par des cites lointains au toro presque acculé aux tablas. Le vent gênait cette position périlleuse mais “Román” restait ferme pour enchaîner des naturelles très serrées. La série suivante de la droite se déroulait selon le même príncipe du cite lointain et l’enchaînement des passes et la passe de poitrine. La provocation à distance du toro, la fixité du torero et les enchainements des passes accentuaient l’émotion pour la vérité qui se dégageait de ce trasteo sincère et de la vigueur des charges du toro. Après cela, le toro plus réticent, “Román” se plaçait, se croisait pour engager la charge. De face, compas demi-ouvert, des naturelles poignantes, des derechazos de même, le public du T6 debout acclamant le torero pour l’attitude de torero pour sa sincérité, courage et toreo vrai, sans fioritures. Des ayudados por bajo, un circular inversé , jambes semi-fléchies et un changement de main pour allonger encore plus la charge par le bas, et le toro était placé pour la mise à mort. Du grand travail!! L’estocade, entière, le toro tardait à s’écrouler, “Román” assis sur le marchepied des barrières, plus serein sans doute, attendait cette mort lente du toro applaudi. L'oreille unanimement sollicitée était concédée. La mort plus rapide du toro aurait automatiquement entraìné l’octroi de la deuxième oreille, méritée. Le toro, sorti 5ème, un certain “Oficial” nº 152 n’avait pas à priori les intentions d’un militaire vaillant mais plutôt celui d’un employé qui recherchait la planque, en tauromachie les planches, las tablas… “Román” l’en sortait pour l’amener au cheval pour une pique agitée, sonnait l’estribo du picador, et pour une seconde appuyée et soutenue. César Fernández subissait une cogida spectaculaire – un soleil – poursuivi jusqu’à la barrière après la pose de la paire de banderilles. Miracle. A la muleta, ce toro restait court dans ses charges et “Román” le “templait” par le bas. L'animal n’était pas très “clair” de la corne droite mais “Román” insistait de ce côté, soutenait des regards assassins, toro mirón, et les naturelles, une à une, relevaient de l'exploit, le torero se croisait et son aguante crispait le public craignant la cogida, il se dégageait par des passes de poitrine sans se corriger. Les dernières naturelles de face, pieds joints marquaient la confiance, la détermination du matador, qui avait maîtrisé ce toro incomode, mansote, mais combatif. L’estocade était portée avec decisión - c’est un euphémisme – l’épée tombant verticale un peu contraire, ce qui ne la rendait pas immédiatement concluante. Malheureusement sonnaient deux avis, éliminant l’octroi d’une nouvelle oreille et la sortie a hombros que tout le monde souhaitait pour le sympathique et valeureux “Román”.
David Fandila ”El Fandi”, toujours là, après plus de vingt ans d’alternative, beaucoup de métier, banderillero émérite, souvent truqueur et spectaculaire, mais qui n’a pas les faveurs du public madrilène pour sa tendance à négliger la faena de muleta, ce qui aggrave son cas. Son actuación d’aujourd’hui reflètait tout le bien et le mal que l’on pense de ce torero - au demeurant sympathique, histrion aussi avec les banderilles - dont les partisants sont nombreux. Son mérite est d’avoir fait un effort notable avec le 4ème, qui avait forte tendance à s’appuyer vers les tablas avec deux tentatives de saut dans le callejón. Toréé à mi-chemin vers le toril, face au T1, pas complètement dans la querencia du toro, pas trop éloigné des tablas non plus, son trasteo reposait sur des passes plus serrées que d’habitude, forçant les charges et leurs variations, abusant du spectaculaire martinete au sortir des séries de derechazos. Faena volontaire, technique, pas toujours du goût des orthodoxes, il est vrai. Estocade par bajonazo! Le 6ème était, de l’avis de tous, le meilleur toro de la soirée, par sa réponse “humiliée” et “templée” dans les capotazos du début, d’un bon tranco aux banderillees, tercio enlevé avec brio par “El Fandi”: sesgo por fuera depuis le marchepied de la barrière devant le T7, de même al violín, et une autre paire de poder a poder au centre de la piste. Son jeu à la cape par caleserinas et gaoneras et ensuite un frente por detrás pour laissser le toro en suerte pour la première pique, prouvait la bonne condition et déplacement du toro et l'aisance du torero dans cet exercice. Ensuite, la faena perdait de l'intérêt, toreo al hilo, décollé pour les passes de poitrine. Du gâchis, car le toro continuait à charger, parfois en saccades mais noblement. De nouveau, l’épée tombait basse… Au premier, “El Fandi” avait déployé son jeu habituel, larga cambiada de rodillas au fil des barrières, banderilles à cornes passées... et faena de passes décollées alors que ce toro qui, parfois, fléchissait des pattes avant, méritait mieux avant de faire mine de rajarse… Une demi-estocade tendida, qui tardait à faire effet. Un avis.
Leo Valadez était pris en exécutant la suerte de matar en restant sur la face et sortait endolori avec une luxation de l’épaule droite. Le toro, sorti troisième, avait le fâcheux défaut de tirer des derrotes en fins de passes aussi bien de cape que de muleta. Sans trop de forces, pique rapidement levée à chaque rencontre, ce toro, se défendait, faisant ressortir son fond de caste, ses derrotes en étaient la preuve, et ce n’est qu’en très rares occasions, muleta baissée, que ce défaut disparaissait pour reparaître aussitôt. Un malencontreux cambio por la espalda confirmait le risque latent de ces coups de cornes intempestifs. L’épée était placée en haut mais desprendida.
David Fandila “El Fandi”: un avis et silence; un avis et silence; silence. “Román”: une oreille, pétition de la seconde.; deux avis et vuelta. Enorme ovation finale. Leo Valadez: silence. Incident: César Fernández de la cuadrilla de “Román” était pris sans dommage apparent au sortir de la première paire de banderilles du 1er. 18.497 entrées! |
Georges Marcillac
Photos Plaza 1