Le monde de la corrida de toros en particuier montrait aujourd’hui son visage, le plus vivant, le plus sensible, le plus libre aussi. Son imprévisibilité, ses carences, ses impondérables, ses jours ténébreux et désolants, ses jours de gloire aussi font de la corrida un spectacle unique. Le public peut se lamenter un jour de la pénurie de toros, de toreo et de toreros, exprimer son désarroi et le lendemain porter aux nues un torero, encenser les vertus des toros, aussitôt manifester un espoir et une joie sans limite. La corrida de ce sept juin fut de celles qui ne laissa personne insensible à la grandeur du toreo, ses surprises, ses frustrations et ses éclats de beauté sauvage et douce à la fois. Le cartel présentait trois toreros porteurs d’histoires personnelles et de diverses références à Madrid qui affontaient des toros de Victoriano del Río. De ces derniers la rumeur courait d’un baile de corrales lors du reconocimiento pour qu’enfin furent choisis six toros de cinq ans, qui allaient plutôt vers les six ans, mais dont les physiques ne correspondaient pas tous à ceux du “standard” des “toros de Madrid”. Certains paraissaient maigrichons derrière des armures démesurées, d’autres au contraire de meilleures hechuras et cornes “normales”. Cette corrida était émaillée d’invectives pour la présentation des toros et celle de la présence du figura actuel qu’est Andrés Roca Rey qui ne faisait pas l’unanimitè. Emilio de Justo revenait après son succès sans triomphe du 17 mai et Borja Jiménez devait se racheter de son effondrement devant les victorinos de l’avant veille!
Borja Jiménez sortait a hombros par la Grande Porte de la calle Alcalá après avoir coupé une oreille à chacun de ses toros. Le torero d’Espartinas (Séville), accueillait a porta gayola son premier et par des lances - véroniques et chicuelinas - au centre de la piste que le toro parcourait en tous sens mais qui revenait à la charge à chaque appel de Borja. Début spectaculaire prisé du public. Ce toro, de nom “Dulce”, negro salpicado de 533 kg., né en juillet 2018! allait au cheval après de bons élans à bonne distance sans être trop châtié. Andrés Roca Rey réalisait un quite par saltilleras et revolera, chiffonnées par les sautes de vent. La faena se déroulait au niveau des lignes face au T6 et débutait par des doblones au terme desquels le toro s’offrait une vuelta de campana qui ne semplait pas l’avoir amoindri par la suite. La charge était idéale pour des derechazos, charge “templée”, “humiliée”. Les séries de la droite, avec un cite à bonne distance, étaient de bonne qualité, derechazos terminés en redondos et jolis remates par el desprecio. Sur la gauche, le cite engageait une charge bien répétée et les passes liées – deux naturelles énormes – et une passe du mépris cambiada, la cortesina créée et improvisée de Javier Cortés! Dans l’action, peut-être aurait-il fallu plus de temple de la part du matador? L’estocade était parfaite, des chapeaux lancés par la public. Le toro brave, moribond se relevait, public debout en honneur à cette belle mort. L’ovation et les mouchoirs couvraient les tendidos. Le président insensible et prévaricateur n’attribuait qu’une seule oreille et dépréciait la méritée vuelta al ruedo de “Dulce”. L’euphorie engendrée par ce grand moment pourrait ètre nuancée de l’avis de certains pour qui une seule oreille eût été plus juste au lieu des deux demandées unanimement… Au 5ème, tout le monde pensait à la possibilité d’une nouvelle oreille pour assurer à Borja Jiménez La Puerta Grande, si toutefois un bon toro l’accompagnait. Ce toro, sorti, 5ème aurait pu être un bon toro, accueilli a porta gayola aussi mais entrepris aussitôt dans une succession de passes de cape et de belles charges mais qui s’avéraient entachées de pertes d’équilibre des pattes avant à la suite des deux piques (bien piqué par Alberto Sandoval). Pañuelo verde. Le sobrero de Torrealta ne dépareillait pas du lot et reçu par une troisième porta gayola, il allait au cheval sans avoir été trop piqué. A la muleta le toro répondait sur des passes de costadillo, deux trincherazos (applaudis) et pase de la firma. Ce bon début était suivi de séries des deux mains dans lesquelles on notait la réduction progressive des forces du toro qui néanmoins se maintenait. Sur la fin, entre derechazos, Borja perdait quelques pas pour lier une série de muletazos – un peu long – avant de cadrer pour un pinchazo et une estocade entière d’effet rapide. L’oreille demandée, de compensation après l’esclandre au 2ème, était accordée et ainsi la sortie a hombros assurée.
Emilio de Justo touchait un toro, protesté à sa sortie, d’apparence terciado. Le début de ce toro n’était pas très encourageant, il se freinait dans les capes, il protestait violemment dans le peto pour finalement n’être pas trop piqué, sortant suelto de la deuxième. Borja Jiménez exécutait un quite vulgaire par chicuelinas et demi-véronique. A la muleta, les doblones du début d’Emilio de Justo, convertís en redondo dans même position, jambe contraire fléchie, montraient une belle charge de ce toro. Celui-ci, par des charges vives, braves, agressives, mettaient en difficulté le matador qui, muleta basse, tentait de tempérer et prendre le dessus de ces charges qui transmettaient et donnaient importance au trasteo. Après des naturelles et la passe de poitrine, le toro, vaincu faisait mine de rajarse. Une demi-estocade suffisait pour mettre à mort cet intéressant exemplaire. Le 4ème affichait des hechuras qui n’étaient pas du gré du public, avec justice, haut sur pattes, anovillado, il faisait montre de faiblesse du train arrière, s'affalait même une fois, tombait sous le peto à la deuxième pique. Le changement de tercio était ordonné…! On ne sait pourquoi, avec un tel matériel Emilio de Justo faisait le brindis au public pour ensuite réaliser une faena insignifiante, le toro renonçant à avancer par manque de force et race. Un bajonazo… Un avis.
Andrés Roca Rey, touchait un toro sous les protestations du public, peu de cornes et 620 kg. Le toro poussait sous les piques mais était mal piqué. ARR réalisait un quite par gaoneras (sans le vent) et brionesa. La faena de muleta débutait à genoux, devant le T7! Par des passes hautes et deux cambios dans le dos. Le toro tardo, chargeait mais obligeait aussi ARR à se repositionner entre passe et passe pour lier. Etait aussi critiquée sa position, exagérement le compas ouvert, pas toujours croisé… Estocade desprendida. Le 6ème offrait le spectacle d’un manso qui reniflait le sable à la recherche de l’herbe des pâturages de Guadalix de la Sierra, que personne ne pouvait fixer, qui allait toujours au terrain “de naide”. Finalement, il était piqué par le picador de réserve et par le titulaire avec les réactions typiques de manso. Il chargeait, néanmoins, avec agressivité au tercio de banderilles, celle d’un manso encastado. La faena ne durait que l’espace de deux séries de derechazos, muleta basse, qui maintenait le toro dans le leurre avec métier de ARR. De la gauche, dès qu’une naturelle donnait la sortie vers les planches, c’est vers elles que le manso se dirigeait pour s’y réfugier. Au fil des barrières l’estocade était portée et produisait une mort pesque immédiate.
Emilio de Justo: silence aux deux. Borja Jiménez: oreja et deux vueltas al ruedo; Andrés Roca Rey: un avis et silence; silence. Temps orageux. Vent calmé. Nouveau no-hay-billetes- 22.964 spectateurs. Bronca gigantesque au présidentJosé Luis González González dont eétait demandée la démission. |
Georges Marcillac
Photo Plaza1