Le pase natural est un concept fondamental de signification multiple dans le toreo. Il convient de distinguer trois significations principales qui chacune a son intérêt selon le contexte d'utilisation :
- Une question de technique : A l'origine el pase natural s'oppose au pase cambiado, le premier étant toute passe à une main où la sortie est donnée du même coté que celui de la main qui tient la muleta (ou le leurre). Il en découle à contrario qu'est un pase cambiado toute passe dont la sortie de la passe est donnée du coté opposé à celui de la main qui tient la muleta (ou le leurre). On parle également en terme générique de toreo natural et toreo cambiado. Dans cette dichotomie originelle le derechazo entre dans la catégorie du toreo natural et est donc un pase natural.
- Une question de terrains : Dans ce cas on parle de suerte natural pour décrire toute passe dans laquelle le torero donne la sortie au toro vers le centre de la piste, le torero optant pour le terrain des tablas (des barrières). L'inverse serait décrit comme suerte contraria. C'est ainsi par exemple que, parlant de la mise à mort, on précise qu'elle est donnée soit dans la suerte natural, soit dans la suerte contraria. Anciennement cette conception du pase natural était aussi dénommée pase regular.
- La tauromachie moderne : Dans la tauromachie moderne el natural ou el pase natural se réfère à la passe de muleta donnée de la main gauche, sans l'aide de l'épée pour maintenir la toile ouverte. En français on parle de "naturelle". Sa contrepartie s'appelle le derechazo qui est la même passe donnée de la main droite avec l'aide de l'épée sous le tissu.
Historiquement el pase natural de la main gauche a précédé l'apparition de celle donnée de la main droite avec l'aide de l'épée (apparition attribuée à Nicanor Villalta (1897-1980)).
La naturelle donnée de la main gauche, pase natural, est dans la conception moderne une passe pure et fondamentale considérée par les puristes comme celle qui révèle réellement la qualité et la profondeur d'un torero. Sans l'aide de l'épée pour ouvrir la muleta et agrandir sa surface, le torero doit citer et guider le toro avec une toile réduite et donc une exposition supérieure. Bien que l'on puisse penser que cette passe est relativement simple à descrire et aisée d'interprétation, on s'aperçoit qu'en réalité elle recouvre une multitude de nuances techniques qui permettent à chaque torero d'exprimer son propre style. Peuvent varier la hauteur à laquelle est tenue la muleta, la position du corps (de face, de trois quart, de profil), la façon de positionner les pieds (joints, pieds écartés, en chargeant ou déchargeant la suerte), la manière de tenir l'estaquillador (à son extrémité, au centre ou plus avant), le moment où la passe est donnée (en début de faena en tant qu'entame, en pleine faena ou en final), l'importance de la série soit avec un grand nombre passes liées , soit seulement deux ou trois liées au remate.
Dans les temps modernes il est fréquent de voir des toreros toréer de la main droite sans aide de l'épée qu'ils auront jetée à terre ou plantée dans le sable, dans un geste théâtral, pour attirer l'attention et impressionner le public. Certains commentateurs parlent alors de natural con la derecha (naturelle avec la droite). Cette même modernité a également apporté la mode des muletas rigides qui même sans l'épée se maintiennent ouvertes comme si celle-ci était utilisée sous la toile.
René Philippe Arneodau