De la semaine “toriste” on attendait évidemment la corrida d’Adolfo Martín qui, avec ses toros d’origine Albaserrada, avait permis, ces dernières années, à quelques toreros sinon de couper des oreilles pour le moins de toréer avec plaisir et de s’être fait remarquer. La corrida d’aujpurd’hui avec quatre toros de 5 ans, dans l’ensemble, était bien présentée avec deux qui portaient les espoirs du ganadero, en particulier ceux tirés au sort et sortis, les 2ème et 5ème. Il regrettait que, parmi les exemplaires sélectionnés, trois d’entre eux étaient les fils du même semental alors qu’il est préférable de pouvoir fournir des produits de pères différents et d’assurer ainsi une certaine diversité dans leur jeu présumé. Le résultat final de cette corrida était des plus négatifs : sans race ni caste ces toros n’offraient que des charges dépourvues de vivacité, si ce n’est parfois des retours dangereux dans les chevilles ou poitrine des toreros. Il fallait faire un effort pour découvrir un fond de bravoure aux toros dévolus aux trois matadors : Antonio Ferrera, « Juan Bautista » et Manuel Escribano. Tous trois « spécialistes » de cet élevage, les deux premiers ne pouvaient que montrer leur technique et attitudes de toreros chevronnés.
On le voyait bien chez Antonio Ferrera qui n’avait pu à son premier que tirer des passes, en « perdant » des pas car le toro, de charge courte, avait des retours hasardeux et obligeait son matador à « rompre ». Le 4ème pourrait être crédité d’un combat honorable à la pique, avec une chute monumentale provoquée par un démarrage et course puissante et impact de ses 531 kg contre le peto. Malheureusement, on découvrait vite la mansedumbre de ce toro qui sortait suelto du dernier contact et négligeait les cites des capes ou restait court et sortait des capotazos du torero ou de la cuadrilla. Il se dirigeait vers le Tendido 5, là où Antonio Ferrera décidait de le toréer dans la querencia. Une fois entré ? dans la muleta, il en sortait aussitôt pour chercher les planches.
Ce n’est qu’à force de patience, d’obstination louable et de technique affirmée que, sur la gauche, Antonio Ferrera parvenait à tirer des séries de naturelles, certaines de bonne facture, trompant le manso, distrait et fuyard, et des passes de poitrine profondes, parfois à la limite de l’accrochage. A la suite de plusieurs pinchazos, toro et torero se retrouvaient face au Tendido 9 – presque en face du T5 – pour une estocade très basse. A l’arrastre, le toro recevait des sifflets et des applaudissements au Maestro qui les méritait.
« Juan Bautista » touchait les deux toros que le ganadero (pré)voyait de meilleures conditions pour embestir et la déconvenue était grande car le premier, « Buscador », bien reçu par des capotazos suaves, « humiliait » dans le leurre mais selon une charge trop molle pour produire le moindre intérêt au public malgré les efforts de Jean-Baptiste pour « animer » son trasteo. Les estocades étaient loupées. Curieusement le torero était sifflé, sans doute pour ces maladresses, et le toro applaudi à l’arrastre… Public versatile ! Le 5ème, « Aviador », ne faisait pas honneur à ses ancêtres ou congénères du même nom, bien qu’il fut le seul où la noblesse et qualité de charge flottait au-dessus d’une faiblesse et les passes ressemblaient à une séance de kinésithérapie tauromachique.
Cela signifie que le toreo sobre et soigné du Français ne recevait aucun assentiment des « aficionados » qui ne voyait que l’apathie du toro qui d’ailleurs semblait s’être récupéré d’un problème à la patte antérieure gauche (son remplacement avait été fortement demandé) Des séries, où le torero semblait toréer pour lui-même, mesurant la distance pour les cites, dessinant de belles naturelles, accompagnant de la ceinture la courbe de la passe.. Un pinchazo hondo suffisait.
Manuel Escribano n’avait pas plus de chance et se heurtait à deux animaux quasiment intoréables. Le 3ème n’acceptait aucune passe ou restait à moitié parcours ou jetait un hachazo dans la muleta. Le 6ème s’arrêtait presqu’aussitôt. Il n’y eut pas de faena.
Antonio Ferrera et Manuel Escribano se partagreaient le tercio de banderilles sans éclat. Manuel Escribano brillait au dernier lorsqu’il assumait cette séquence à son compte par les deux dernières paires, une al sesgo por fuera, partant depuis l’estribo de la barrera du Tendido 1 et la suivante al sesgo por dentro risquée se réfugiant de justesse dans le burladero. C’est au 6ème, qu’Antonio Ferrera nous régalait d’un quite sui generis à la sortie du toro du cheval, par des véroniques hautes, une chicuelina improvisée comme recours et une revolera en remate. Spectaculaire et très torero.
Antonio Ferrera : silence ; deux avis et applaudissements (de sympathie). « Juan Bautista » : sifflets ?; silñence. Manuel Escribano : silence aux deux.
Georges Marcillac