La couverture du programme de la dernière corrida de San Isidro 2017 représente D. Eduardo Miura Fernández le père des actuels propriétaires de la légendaire ganadería. Cette caricature traduit bien le visage qu’aurait le patriarche Miura face au résultat de cette corrida : tristesse, dépit ou plus calmement interrogation. Ceci en raison de l’image qu’ont donné les produits de Zahariche, nom de la finca où furent élevés les six toros cárdenos dont certains n’auraient jamais dû sortir des chiqueros de Las Ventas. Les titres tels que : décevante corrida, tâche sur l’histoire de Miura, scandale - petardo - etc. fleurissaient au terme de cette corrida désastreuse autant par la présentation que par les comportements des toros qui ne pourront pas être une référence pour la fête des 175 années d’existence de cet élevage. De fait, deux miuras étaient renvoyés aux corrales, l’un pendant le tercio des banderilles!!, pour leur faiblesse manifeste et remplacés par un toro de Buenavista et un autre de El Ventorillo. Il se trouve qu’Eduardo Dávila Miura se vêtait de lumières uniquement pour cette corrida de Madrid et honorer ainsi des toros de sa famille et que, justement, il n’allait pas combattre puisque le sort lui réservait les sobreros. Les deux autres matadors du cartel, « Rafaelillo » et Rubén Pinar, n’étaient pas mieux lotis car leurs toros se traînaient sur le sable de Las Ventas et ne leur offraient aucunes possibilités de briller.
Les toros de Miura, en tout cas le lot de cette corrida, se singularisaient par l’uniformité de la robe : tous cárdenos alors qu’on sait la diversité du pelage des miuras, peut être une originalité voulue au moment de la sélection pour Madrid. Ce choix supposé aurait été fait au détriment de la présentation et de l’âge car cinq d’entre eux avaient tout juste les quatre ans règlementaires – à exception du 4ème de cinq ans et trois mois. Quant aux poids, la moyenne était de 567 kg, rehaussée par ceux de deux exemplaires à 606 kg – le 4ème – et
615 kg – le 6ème. On sait combien ces toros sont hauts sur pattes, d’où le qualificatif de zancudos (de zanco : échasse) tant et si bien que les plus légers paraissaient maigrichons et avovillados. Les cornes s’accordaient au type des miuras, pas trop agressives. La docilité du premier contrastait aussi avec l’idée du toro compliqué, marque de cet encaste, la faiblesse des « évadés de Zahariche » réduisait à une série de non-passes de toros qui n’arrivaient pas à suivre les muletas jusqu’au bout ou bien se traînaient littéralement sur le sable de Las Ventas envahie de l’exaspération du public qui allait crescendo. Le mouchoir vert indiquait le retour aux chiqueros des 2ème et 5ème, à la suite de l’effondrement sous une paire de banderilles (du 2ème) et des chutes répétées (du 5ème). Seuls les 4ème et 6ème avaient les hechuras d’un toro de Madrid mais aussi les complications inhérentes à l’encaste miura. Le tercio de piques se déroulait selon la dynamique de la San Isidro, une première pique, la seconde réduite à un picotazo, certes des charges aux chevaux qui n’apportaient rien si ce n’est que la confirmation de faiblesse ou manque de bravoure.
Rafael Rubio « Rafaelillo » ne pouvait rien faire de notable avec son premier, mou et obéissant, avec des précautions dans le geste inutiles - force de l’habitude d’affronter des miuras… - avec un toro arrêté sur la fin. Pinchazo hondo. Le 4ème, manso sous la pique, de charges irrégulières – descompuestas - , et peu de force, se déplaçait pour les deux premières passes d’une série? et s’arrêtait pour la troisième. Sans « humilier » il cueillait sur un retour vif, « Rafaelillo » qui s’en tirait de deux puntazos à l’aisselle droite et cuisse gauche. Le torero se battait en vain avec des gestes « donquichotesques » bien inutiles face à ce toro qui, à la fin, cherchait l’homme. La recherche des applaudissements frisaient le ridicule.
Eduardo Dávila Miura toréait donc les deux sobreros ! Le premier de Buenavista, bravito, qui donnait un peu de la corne dans la muleta, était sans doute inexploité par le sévillan qui le faisait passer à distance – c’est un euphémisme – et le tuait d’un pinchazo et une estocade qui provoquait hémorragie bucale. Le deuxième sobrero, de El Ventorillo, bien présenté, donnait de la tête dans les capes et paraissait, néanmoins, avoir les qualités pour recevoir une faena de ce nom. Dávila Miura la lui donnait sans atteindre les sommets, sans doute confiant qu’il n’avait pas devant lui un miura, dans un trasteo plus complet où l’on distinguait des séries des deux mains, plus serrées, avec des changements de mains toreros et une série de la droite sans l’épée ayuda dans un semblant de naturelles de la droite. Des passes hautes aidées en fin de faena donnaient un air andalou à la faena qui se concluait par un pinchazo et un trois-quarts d’épée.
On ne pourra rien dire de particulier sur Rubén Pinar car le torero manchego se heurtait à deux toros qui avaient les plus grandes difficultés à tenir sur pattes. Le dernier de nom « Escogido » jouait de la tête portée par un long cou, caractéristique des miuras. Rubén Pinar devait abréger ses non-faenas.
Une remarque qui devrait avoir son poids au moment de décerner des prix pour cette San Isidro tristement achevée (dans les deux sens du terme…). Il s’agit du comportement exemplaire d’un torero – subalterne est le mot traditionnel injuste – Miguel Martín, lors cette dernière corrida, à l’image de ses autres participations tout au long du cycle isidril, qui fut le seul à mettre de l’ordre dans la piste et clouer ses banderilles, classique, précis et efficace.
« Rafaelillo » : silence ; saluts (exagérés). Dávila Miura : silence ; saluts (applaudissements et sifflets). Rubén Pinar : silence aux deux.
Georges Marcillac