Pablo Aguado, novillero prometteur à ses débuts, s’est vu annoncé dans un cartel rêvé pour prendre l’alternative. Comme sa fin de carrière de novillero, cette journée ne laissera que des regrets et des objectifs d’amélioration pour le futur. Le lot de Garcigrande, qu’on imagine trié sur le volet, a connu des hauts et surtout des bas, dans un ensemble loin des qualités attendues de cette ganaderia. Physiquement ce lot n’était pas dans le type de la maison. Quant au comportement, on peut juger que plusieurs toros permettaient le toreo d’oreilles (les 1, 3, 4 et 6) mais pas à des niveaux d’émotion dignes de la Maestranza. Enrique Ponce a eu une attitude de maestro avec ses deux adversaires et Alejandro Talavante a montré la même irrégularité que dans sa temporada.
Pablo Aguado prend l’alternative face à "Recobero", numéro 49, de Gracigrande, né en 10/12, pesant 503 kg. Le manso doit être testé par Ángel Gómez avant que Pablo Aguado ne le reçoive à la cape dans des véroniques où le toro charge avec réserve parfois par le bas, parfois par le haut. L’animal se réveille et pousse longuement tête haute sous le fer. Ses forces s’étant amenuisées, la seconde pique s’avère moins vibrante. Les charges du garcigrande sont courtes et calculées au second tiers. Cérémonie d’alternative dans laquelle Enrique Ponce cède les trastos en présence d'Alejandro Talavante. Au moment de demander la permission au président, Aguado doit recevoir la charge impromptue du toro de la main gauche, de belle manière, par le bas. Brindis personnel. Le bicho se révèle un collaborateur obéissant tant à droite qu’à gauche. Aguado en profite avec empaque et assurance faute de profondeur, l’animal allant a menos en collaboration, sinon en force. Lame partielle très défectueuse en prenant le large, avant entière caída, atravesada. Vuelta. Applaudissements au toro.
Enrique Ponce reçoit avec toute la classe qui l’habite son premier garcigrande qui le met en confiance avec des charges engagées par le bas. Comme son frère premier, le bicho pousse tête relevée sous le fer. Quite du maestro de Chiva par chicuelinas et demie vérronique expressives. La seconde pique mesurée est de meilleure facture et plus courte. Quite brouillon par gaoneras de Talavante. Après la cérémonie de restitution des trastos, Ponce entreprend l’animal qui s’est dégonflé sans désir de combattre. Le maestro prend l’épée. Demi-lame basse sur le passage. Silence.
Le quatrième bicho, massif, sort en piste avec mobilité et regarde au dessus des tablas. Les véroniques d'Enrique prennent la mesure d’une charge indolente du “Garci vraiment grande”. Ce dernier est piqué en arrière, avec verve. Ponce fait saluer, à pied, Manolo Quinta qui vient de piquer le dernier toro de sa carrière. Brindis de Ponce à son picador. Entregado, Ponce passe le toraco par doblones. Les derechazos sont donnés au rythme irrégulier du toro, qui charge parfois par le bas, parfois à mi-hauteur, parfois long et parfois court. Il en va de même à gauche, le maestro effectuant un effort notable face à un opposant mobile mais manquant d’agressivité et de classe. Deux pinchazos et 3/4 de lame atravesada. Vuelta que le maestro effectue seulement pour accompagner son picador Manuel Quinta.
Alejandro Talavante temple en véroniques les charges saccadées du troisième Garcigrande. Le tiers de varas est vite mené, sans zèle ni excès. L’animal plane dans la cape de Sergio Aguilar au second tiers. Grand début de faena à droite, avec confiance, toujours sur la corne droite et jambe pliée. Ayant pris la mesure du bicho Talavante, relâché, signe deux grandes séries droitières avec un cambio de mano et passe de poitrine. À gauche un désarmé par excès de confiance rompt le charme avant que le maestro ne reprenne avec profondeur à gauche, terminant chaque naturelle avec le vuelo de la muleta et la série avec farol et pase de pecho. Ensuite le trasteo baisse de ton à l’image des charges. Demi-lame en arrière. Palmas au toro et oreille généreuse.
Le cinquième est armé long et vers l’avant. Alejandro Talavante se fait accrocher la cape après quelques véroniques sans transcendance. Le bicho pousse tête haute d’abord puis à mi-hauteur sous une pique tombée, la première, puis une seconde en place. Quite de Pablo Aguado par chicuelinas et demie véronique. Sergio Aguilar brille et salut au second tiers. Élégant et sûr de lui, Talavante conduit à droite les charges à double détente de son opposant. À gauche l’embestida est moins claire ce qui renvoi le maestro à droite où les à-coups et la tête relevée en fin de passe se sont accentués. Entière caída. Palmas et salut.
Le toricantano conclut les débats face à un dernier garcigrande qui se déplace d’abord avec difficulté et sans classe. Il tente des chicuelinas entre deux passages au cheval bien médiocres. Brindis au public. L’entame de faena est aisée, profitant des charges claires à droite. À gauche les premières naturelles portent plus sur le public. Les suivantes tombent à plat. C’est au retour à droite que se fait la connexion dans une série rythmée qui déclenche la musique. La seconde partie de faena va a menos tout en étant au goût du public. Le toro est quant à lui allé a más en moteur. Pinchazo, demi-lame tendida et entière. Avis. Palmas et salut.
René Philippe Arneodau.