Grand jour de réouverture de la Maestranza de Séville post pandémie, avec 60 % de présence autorisée. Visuellement les arènes paraissent pleines, le public est cependant plus à l'aise que d'habitude. Dans quelques jours on annonce 80 % ce qui permettrait de vendre encore des places pour les corridas à venir. Aujourd'hui la corrida de 5 Victoriano del Rio et un Toros de Cortes, le 6ème, est parfaitement présentée, avec des degrés variés de jeu et de qualité. Sans couper d'oreille Morante de la Puebla a distillé le toreo le plus significatif de l'après midi.
Le premier victoriano-del-rio, de belle présentation, manque de force et d’agressivité dans les premiers capotazos de Morante de la Puebla. Le tiers de piques est accompagné d’une lidia médiocre qui semble décomposer la charge du toro. La cuadrilla ne fait guère mieux au second tiers où le bicho a une tendance à appuyer vers les planches. Morante tantea en changeant de terrain. Le toro charge à contre temp et Morante, peu inspiré, entre plusieurs fois "a matar" avec l’épée qu’il avait en main depuis le début de la faena.
Le second de Morante est corniapretado et cornivuelto. Ses premières charges sont profondes à droite et sérrées, à mi- hauteur à gauche. Mal piqué, le toro pousse tête haute, en parallèle au cheval. De la seconde il sort aplomado. Durant le second tiers le bicho combat tête haute. Morante amène son adversaire au centre où il dessine des derechazos main basse au ralenti et passe de poitrine. Les suivants sont dessinés de trois-quarts, pieds joints avec personnalité. Musique. En totale confiance, faisant fi des défauts du toro, Morante dessine des muletazos lents, engagés et profonds. Les passes d'adorno, expressives, précèdent deux pinchazos et une estocade entière tombée et tendida. Avis. Descabello. Applaudissements et salut.
Andrés Roca Rey affronte son premier opposant de bon tranco qui lui permet une série de véroniques et demie applaudies. Le victoriano-del-río pousse de forme désordonnée sous une première pique. Il charge promptement au cite pour la seconde mais cherche à contourner le cheval. Juan Jose Dominguez salue à juste titre, aux banderilles, avec son compagnon Juan Carlos Tirado. Brindis TV. Le début de faena au tercio est tout en rythme. La muleta est présentée sans subterfuge et les trajectoires sont droites, évacuées au loin. À gauche, les séries sont dominatrices, la charge obéissante par le bas. Le retour droitier profite de la noblesse douce du toro pour dessiner des cercles sans le laisser sortir de la muleta. Le final à droite est maîtrisé, ponctué par estatuarios et doblones. Épée portée à courte distance au ralenti pour un pinchazo. La seconde entrée est un estoconazo "hasta la bola" porté avec tout le corps. Applaudissements au toro et oreille.
Le second adversaire de Roca Rey est celui de moins de trapío de la corrida malgré une armure longue. La charge est somptueuse, longue et par le bas. Les véroniques elles sont classiques et le remate final à une main est le seul capotazo de relief. Le toro, abanto, prend la première pique au cheval de réserve. Il s’endort sous la seconde mal portée. Quite de Pablo Aguado par chicuelinas et deux demi-véroniques en profitant de la querencia de toriles. Réplique de Roca Rey cape dans le dos, qui tarde à capter l’attention du toro, pour enfin donner des gaoneras faciles, appréciées du public. Durant le second tiers le toro est tardo et aquerenciado. Juan José Dominguez salue pour la brega et le quite à son compagnon aux banderilles. Brindis au public. Au tercio à genoux, le matador "cite" le bicho appuyé aux planches. Les muletazos sont propres, de face, et profitent de la charge longue du toro. Debout, Roca Rey poursuit face à un opposant rajado et éteint. Malgré cela, la musique joue pour une faena sans relief. Le torero tire le toro en séries sur les deux cornes, dans un número maitrisé, de tremendismo et arrimón. Demi-lame, descabello et pétition sans trophée.
Pablo Aguado touche un premier adversaire sardo et cornivuelto. Ses charges au ras du sol laissent espérer de grandes qualités dont le matador ne tire pas parti à la cape. Le toro donee de la tête sous la première pique. Il titube en sortie. La seconde rencontre est un simulacre. Ivan García salue après deux paires quelque peu accélérées. Le toro est fébrile. Aguado le torée à droite avec douceur. La charge ne transmet pas comme au début, le toro sautille et affiche un calamocheo sur les deux cornes. La faena est mort-née. Un pinchazo sur une banderille et estocade entière dans la croix. Descabello.
Le seul exemplaire de Toro de Cortes , second de Pablo Aguado, est accueilli par des véroniques de mas a menos avec une demie dessinée sur genou plié. L’animal est court sur pattes et ouvert de cornes. La carioca du picador ne laisse pas libre cours au combat du toro. La seconde pique, bien que mal portée, permet au bicho de se mettre en valeur. Il galope et ses charges sont longues. Il développe des signes de genio en cours de lidia. Brindis au public. Les doblones en début de faena canalisent les charges du toro. Suivent des derechazos brouillons. En position marginale, Aguado laisse le toro aller et venir à sa guise, jusqu’à se faire enfermer dans la spirale. Aguado étant fuera de cacho, l’animal prend le dessus sur les deux cornes. Un pinchazo et un autre profond, précèdent un avis et plusieurs descabellos.
La corrida se termine en demi-teinte avec un public ravi d'avoir reconquis le droit d’être présent sur les tendidos de la Maestranza et d'assister, enfin, à une corrida de toros.
René Philippe Arnéodau