La novillada d’aujourd’hui était l’ouverture réelle de la Feria d’Automne après le fiasco et le report de la corrida de la veille. La cause en fut l’indigence des moyens mis en œuvre pour éliminer l’eau accumulée sur les bâches de protection de la piste rendue impraticable après le déluge de l’après-midi. La frustration des aficionados était grande pour leur retour à Las Ventas après des mois d’absence forcée due à la pandémie. Diego Urdiales, José María Manzanares et Paco Ureña seront de retour à Madrid le 8 octobre prochain.
Pour des novillos de Fuente Ymbro, trois novilleros punteros du moment se présentaient à Madrid : Manuel Diosleguarde de Salamanque, Isaac Fonseca de Michoacán (Mexique) et Manuel Perera de Badajoz auréolés des lauriers des derniers « concours » de novilladas des communautés de Madrid, de Castilla y León et du Nord de l’Espagne.Á leur sortie du toril, les pensionnaires de Ricardo Gallardo n’apparaissaient pas aussi impressionnants que ne les montraient les photos après le sorteo de midi. Du lot émergeaient, pour leurs hechuras, les 1er, 2ème et 5ème, et par leur comportement et une pointe de caste principalement les 2ème et 4ème, alors que les autres étaient irréguliers dans leurs charges et gênaient les novilleros dans leurs évolutions volontaires et parfois téméraires.
Manuel Diosleguarde coupait une oreille du 4ème, un novillo de 501 kg, qui se défendait dans les capotazos qui lui étaient servis dans le tercio et qui poussait principalement sous la première pique. Le tercio de banderilles n’était pas facile ni le début de faena par doblones. Par contre, au centre du ruedo, le Salmantin profitait d’une charge nettement meilleure et autant de la droite que de la gauche les passes étaient données de profil, la jambe contraire défaussée. Cela ne semblait pas troubler une grande partie du public qui applaudissait tandis qu’une autre partie, minoritaire mais sévère, récriminait cette exécution peu appréciée des orthodoxes. Une bonne estocade déclenchait la demande d’une oreille, accordée, et sifflée par certains. Au premier, qui tendait à se diriger vers les planches, Manuel Dioslegarde parvenait en deux séries à garder le novillo dans la muleta mais la faena se terminait près des tablas par des bernadinas et une estocade arrière, légèrement tombée mais d’effet rapide. La vuelta après la non-concession de l’oreille n’était pas du goût de tous.
Isaac Fonseca confirmait à Las Ventas et à son premier fuente-ymbro tous les espoirs que ses partisans portent en lui : vaillance, tête froide face à l’adversité et variété de répertoire. Mais à Madrid toutes ces qualités ne sont pas suffisantes et les bousculades, cogidas même, ne comptent pas au crédit du torero surtout lorsque les novillos ne se prêtent pas à l’accomplissement de faenas parfaites. Les passes à genoux, en redondo, au 2ème , se terminaient par une cogida avec seulement des dégâts vestimentaires. La corne gauche était telle qu’à la troisième tentative de naturelle, celle-ci se soldait par un nouvel accrochage et reprise au sol. Sur la droite, Isaac montrait qu’il savait toréer, et bien, mais la fin de faena, près des tablas, était entachée de passes brouillonnes car le novillo ne chargeait plus. L’estocade entière, un peu tombée et d’effet rapide, suscitait une légère demande d’oreille, non accordée. Le 5ème était peu enclin à charger. Seul, le début de faena, par un péndulo doublé, suivi de la passe de poitrine et une arrucina, parvenait à bouger le novillo. Sur la droite, il s’arrêtait et un changement de terrain n’améliorait pas son comportement. Les inévitables bernadinas apportaient un peu d’émotion… Une estocade efficace n’ajoutait rien à une faena méritoire mais sans effet sur le public.
Avec Manuel Perera il faut s’attendre à des émotions car ce garçon prend des risques insensés, fait passer ses novillos sans vraiment juger soit sa position, soit la charge peu ou prou favorable de ses opposants. Il s’ensuit des bousculades, des accrochages, des désordres vestimentaires et des rodomontades pas toujours appréciées des puristes. Ce courage à toute épreuve et déplacé n’était pas du goût du public madrilène. Les deux faenas du protégé de Juan José Padilla, son apoderado, émaillées d’incidents de toutes sortes, n’avaient pas le retentissement escompté, elles montraient toutefois des qualités de toreo qui mériteraient plus de sérénité, de calme et recherche esthétique. Souvent l’attitude est forcée et répétitive : la porta gayola : aujourd’hui ratée au 6ème, des passes à genoux en redondo, circulaires inversées, des desplantes regardant le public, etc. tout un répertoire qui ne suffit pas à Madrid pour obtenir le triomphe. Toutefois, des passes liées, parfois des naturelles « templées » comme celles en milieu de faena au 6ème, laissent espérer de Manuel Perera un avenir prometteur lorsqu’il saura se calmer et ne cherchera à tout prix le triomphe. A l’épée : bonne estocade au 3ème avec légère demande d’oreille et des pinchazos au dernier.
Manuel Diosleguarde : vuelta et division d’opinion; une oreille. Isaac Fonseca: saluts; applaudissements. Manuel Perea : saluts ; silence. Bonne tenue des cuadrillas. Mentions à Iván García et «Tito» Robledo aux banderilles, au picador Jesús Vicente de celle d’Iván Fonseca ; Javier Perea à la brega et aux banderilles aux ordres de Manuel Perera. |
Georges Marcillac