Le premier tiers de la Feria d’automne s’achevait sur une corrida de Victorino Martín qui promettait mais dont le résultat d’ensemble ne répond pas aux attentes du public madrilène. La jauge de 50% paraissait atteinte malgré des vides visibles aux tendidos 2 et 3. À l’issu du paseillo, une minute de silence était respectée ¡a la mémoire du célèbre matador de toros Francisco Rivera « Paquirri » décédé le 26 septembre 1984 à Cordoue. Deux toreros habitués aux toros « durs », Domingo López Chaves et Alberto Lamelas, et un plus jeune, Jesús Enrique Colombo, Vénézuelien qui fait sa carrière en Espagne, affrontaient donc des toros de Victorino Martín dont la réputation n’est plus à faire. Malheureusement, aujourd’hui, celle-ci était un peu entamée car le lot présenté n’était pas homogène en âge (trois de quatre ans, trois de presque six ans), ni en poids puisque le 3ème, malgré ses 515 kg affichés (moyenne du lot: 563 kg) était imprésentable à Madrid, mais l’ensemble arborait d’impressionnantes armures, large ouvertes et/ou cornivueltos. Quant au « moral » deux d’entre eux permettaient à Alberto Lamelas de briller, les autres n’offrant quasi aucunes possibilités aux deux autres matadors.
Alberto Lamelas fut le seul de la terna qui tirait parti des charges de ses deux toros, charges entachées de quelques pertes d’équilibre du 2ème, toro avec quelques pointes de mansedumbre, suelto qui se fixait finalement devant le torero jinense, alors que le 5ème, plus sérieux, plus compliqué aussi, à la fois tardo et vif dans ses réponses aux cites de muleta, demandait lucidité et vigilance. Les deux fois Alberto Lamelas allait à porta gayola et se battait littéralement, cape en main, avec ses toros aux charges sauvages. Au début de ses faenas, Alberto Lamelas employait la même tactique, « citant » à distance pour profiter de l’inertie de la première charge et liant les suivantes, avec précaution, un peu décollé de la trajectoire du toro qui avait toujours tendance à se retourner vivement, ensuite il réduisait les distances à mesure de la réduction de charge du toro. Il devait se croiser pour engager les charges de ce dernier, surtout à gauche. Des deux faenas, celle au 5ème était la plus compacte, plus émouvante aussi. Les deux victorinos avaient quasiment reçu le même traitement, plus technique et engagé au 5ème. Dans les deux cas, les faenas étaient trop prolongées – sonnait un avis avant la prise de l’épée – et les deux estocades entières achevaient un trasteo volontaire, accompagné par le public qui ovationnait ce torero valeureux et sympathique.
Le premier victorino pour Domingo López Chaves montrait des faiblesses de pattes qui allaient disparaître au cours de la faena de muleta durant laquelle la tentative d’allonger les charges s’avérait inutile car le toro se retournait vivement après chaque passe. Le Salmantin devait « perdre des pas » entre les passes. La faena était écourtée et terminée par un pinchazo tombé et un trois-quarts de lame. Le 4ème, tardo tout au long des trois tercios, montrait des faiblesses des pattes au démarrage de ses charges, sans «humilier», se freinant et se retournant en fins de passes. Sur la droite, rien de notable. Deux pinchazos, une demi-estocade et un descabello en terminaient avec une prestation vide d’intérêt et de possibilités dues aux mauvaises conditions des toros.
Jesús Enrique Colombo n’était guère mieux servi. Le 3ème était protesté dès sa sortie, une « sardine » et sortait à la limite de l’équilibre de la suerte de varas. Le public scandait Toro! Toro! et quelques mouchoirs verts s’agitaient au Tendido 7. Aux banderilles, l’habituel brio de Colombo apparaîssait sans vraiment recevoir l’approbation du public malgré la qualité des deux dernières paires, une al sesgo por dentro face à un toro distrait. La faena de muleta ? était autant décousue que l’attitude de cet exemplaire irrégulier tantôt « humiliant », tantôt la tête en l’air. L’estocade portée à toute vitesse, verticale, caída, d’effet rapide. Le 6ème recevait un châtiment précis et dosé de la part d’Israel de Pedro, fortement applaudi. Aux banderilles que n’appréciait pas un certain public, Colombo plantait les deux premières paires à corne passée, la troisième dans tout le haut après une course spectaculaire. A la muleta, le toro passait au ralenti, sans « humilier » mais après une entrée violente dans le leurre, sans décontenancer le jeune torero. Une série de naturelles, sur la fin, était mieux réussie malgré les défauts cités plus haut. Le toro chargeait sans entrain, le public s’impatientait, il fallait en finir. Un pinchazo hondo et un descabello suffisaient pour mettre fin à cette corrida somme toute décevante.
Domingo López Chaves : silence aux deux. Alberto Lamelas : deux avis et deux ovations, saluts au tiers. Jesús E. Colombo : silence aux deux. On remarquait le picador David Prados et devaient saluer Marco Galán - à la brega – José Mora et José Antonio Prestel - aux banderilles, au 5ème, tous trois de la cuadrilla d’Alberto Lamelas. Israel de Pedro était ovationné aux piques au 6ème . |
Georges Marcillac