La dernière corrida des Fêtes de la Madeleine offrait un cartel important car les arènes de Plumaçon enregistraient une grande entrée avec un public qui savait à quoi s’attendre car étaient annoncés les albaserradas d’Adolfo Martin, toros réputés durs face à des matadors modestes par leur position dans l’escalafón taurin mais ô combien respectables, disposés et habitués à affronter ces redoutables toros gris (par leur robe, typiquement cárdena). Il s’agissait du madrilène Alberto Aguilar, d’Emilio de Justo natif de Cáceres (Extremadure) et Alberto Lamelas de la province de Jaén. Le feuillet du sorteo indiquait que cinq toros sur six avaient plus de cinq ans et demi, le plus «jeune», né en janvier 2013, ne «faisait pas son âge» affichant un même gabarit que ses aînés assortis d’armures imposantes, cornivueltos les 3ème et 6ème. Tous mettaient à rude épreuve les toreros et les cuadrillas car ils furent loin d’être coopératifs, plutôt rétifs à charger en fins de faenas ou lorsqu’ils le faisaient ce n’était jamais d’une façon claire. L’exception était le 4ème, échu à Alberto Aguilar, qui avait une charge extraordinairement douce, «humiliée», d’une qualité extrême … lorsqu’il daignait avancer dans la muleta. A des degrés divers, les adolfos s’avéraient compliqués, encastés (pas de la meilleure caste) et faisaient presque regretter des comportements passés de ces toros, mous, presque endormis, sans race qui non plus satisfaisaient les aficionados.
Alberto Aguilar recevait à la cape son premier qui «humiliait» pour le conduire au centre du ruedo et le placer pour les piques dont il sortait avec une bonne charge en préparation aux banderilles. Devant la muleta, le toro tardait à charger pour ensuite le faire violemment. Sur la gauche, Alberto Aguilar lui tirait trois naturelles. Il perdait l’équilibre durant la deuxième série et le toro le secouait au sol sans dommage. La suite de la faena était bougée et dans ces conditions, il arrivait à voler quelques passes néanmoins méritoires. Le toro terminait arrêté, étant allé de más a menos. Estocade trois-quarts verticale. La vuelta al ruedo motu propio n’était même pas protestée. Après un bon tercio de piques en deux rencontres, la deuxième avec une charge depuis le centre de la piste, le 4ème s’arrêtait aux banderilles et à la muleta, comme déjà signalé, et ne permettait que des passes isolées, allongées de la droite. Alberto s’évertuait, en se croisant, à forcer la charge mais il devait capituler pour placer ensuite une estocade entière précédée d’un pinchazo.
Emilio de Justo devait écourter sa première faena à un toro de belles hechuras mais nul et impossible tant il se freinait dans la muleta, s’arrêtait à moitié passe et donnait des hachazos criminels à chaque passage. Macheteo final et sonnait un avis pendant une séance prolongée de descabellos. Le cacereño pouvait se racheter au 5ème dans un combat violent en réussissant à lier des passes, pas très orthodoxes dans leur exécution mais émouvantes, échappant à maintes reprises à des retours assassins en fins de passes. Une série quasiment impossible de la droite était le sommet de cette faena dramatique terminée par une grande estocade. Oreille et fleurs pour une vuelta triomphale.
Alberto Lamelas, sympathique garçon au demeurant, semble être poursuivi par la malchance : il écope souvent des accrochages et cornadas mais il revient toujours à l’assaut de toros qui ne sont en rien favorables aux succès comme ceux glanés par les figuras qui, eux, ignorent ce genre d’adversaires. Ce fut le cas aujourd’hui encore et il devait passer par l’infirmerie pour un coup de corne mal placé, reçu lors des premiers accents de sa première faena. Il poursuivait son dur labeur, face à un toro qui se réservait sur la fin faute peut-être de ne pas en avoir su gérer les possibilités. Un avis après pinchazos et une estocade tombée.
Alberto Lamelas sortait de l’infirmerie pour forcer coûte que coûte un succès qu’il obtenait par sympathie du public mais aussi par son propre mérite. Il accueillait le 6ème par une larga cambiada à genoux et par des véroniques volontaires. Il le conduisait au centre d’abord et ensuite vers le picador par des chicuelinas marchées. Après les trois piques reçues, ce toro soit s’arrêtait, soit chargeait par vague vers le torero. Les passes ne pouvaient pas être limpides…Une série de la droite créait la surprise ainsi que des molinetes bougés sur la gauche. Plusieurs pinchazos faisaient tomber l’émotion et sonnait un avis. Un tour de piste aux accents d’une banda mettait fin à cette corrida mouvementée et du même coup à la Feria.
Alberto Aguilar : tour de piste ; silence. Emilio de Justo : un avis et silence; une oreille. Alberto Lamelas : un avis et saluts ; un avis et vuelta.
Georges Marcillac
Affiche: Christian Lacroix - Photos: Roland Costedoat - Terres Taurines