Effectivement, juste avant la dernière corrida du 12 octobre, la page est tournée pour la temporada 2019 de Las Ventas. Les voisins et habitués des tendidos se souhaitaient des au-revoir jusqu’à la saison prochaine et ne faisaient pas de commentaires au sujet de la corrida à laquelle nous venions d’assister : soporifique, ennuyeuse avec très peu à signaler. La faute en incombe aux toros d’Adolfo Martín dont aucun ne montrait ce qu’on attendait des représentants de l’encaste Albaserrada. Trois toros de cinq ans (1er, 3ème et 5ème), des présentations diverses allant d’un exemplaire protesté pour ses 482 kg et sa faiblesse, jusqu’au plus lourd de 592 kg – le 5ème, qui dès sa sortie du toril faisait volte-face pour y rentrer en deux fois ! Des cornes exagérément ouvertes – cornipaso – le 1er et cornivuelto le suivant, peu encorné le 4ème, des hechuras propres au type de la maison, cárdenos, et presque tous avec des signes de manque de race : ils faisaient illusion au début des charges violentes dans les capes pour ensuite s’éteindre à la muleta. Curro Díaz, chef de cartel, touchait les deux plus « potables » et ses compagnons Domingo López Chaves et Manuel Escribano tentaient de faire honneur à leur contrat chacun avec ses armes.
Curro Díaz pouvait toréer à la cape son premier, sans le fixer car aussitôt après il s’enfuyait. Ce dernier prenait trois piques, bien fixé et avec une bonne charge à la première et troisième (courte), allant tout seul à la seconde avec perte d’équilibre des pattes avant. Le picador tenait bon mais piquait en arrière. La faena se déroulait avec des arrêts entre passes et passes, de la droite comme de la gauche, le toro ne se livrait pas et finissait par s’arrêter. Une bonne estocade, par son exécution, mais l’épée tombait basse. C’est au quatrième que Curro Díaz construisait une faena décousue, faute de terminaisons des séries de naturelles, certaines de belle facture avec des détails techniques tels que ceux d’engager le cite à bonne distance, allonger les passes, « perdre » quelques pas pour passer le toro qui répondait timidement. Quelques passes par le bas «évanouies», geste desmayado… dans le plus pur style de l’artiste de Linares. L’estocade, desprendida, valait les applaudissements en conclusion d’une faena où tout avait été fait par le matador et très peu par le toro qui, néanmoins, était applaudi à l’arrastre.
Domingo López Chaves revenait à Las Ventas après sa bonne prestation en juin face aux toros de Cuadri. Il montrait de la vaillance et de la technique en recevant ce toro, le 5ème, qui finalement se décidait à charger, le faisant violemment. Le Salmantin le conduisait à la cape jusqu’au centre du ruedo. Ovation. Le toro se distrayait et allait al relance au cheval, à la première pique, recevait la deuxième en carioca et sa vive course permettait à José Chacón à planter deux bonnes paires de banderilles les bras tendus. Cette vivacité n’était qu’une façade car il ne passait quasiment plus dans la muleta de López Chavez ou bien se traînait sans se livrer, la tête en l’air en fins de derechazos. Un bajonazo liquidait au deuxième essai ce toro sans jus. « Tito » Sandoval piquait en arrière et ménageait le 2ème pour son chef de file, de la région de Salamanque comme lui. La faiblesse du train arrière et les pertes d’équilibre répétées obligeaient le torero à tirer des passes tout en douceur, en bon technicien. Un avis sonnait pendant la série de pinchazos à répétition avant l’estocade trois-quarts de lame, trasera.
Manuel Escribano répondait à l’ovation au terme du paseillo, le public de Las Ventas se souvenant de la grave blessure que lui avait infligé un toro d’Adolfo Martín le 30 mai dernier. A son habitude, il allait deux fois a puerta gayola recevoir ses toros et échappait de justesse à un nouveau désagrément à la sortie du 3ème. Ce toro, sans fixité, enseignait, dès les premiers capotazos tant du matador que ceux des subalternes, des intentions malsaines : il grattait le sable, chargeait par surprise, se retournait et obligeait Manuel Escribano à «rompre». Heureusement l’animal était liquidé à la première estocade.
Le 6ème s’appelait « Chaparrito » et ne ressemblait en rien à son aîné de deux ans – de même nom – qui raflait tous les prix de la San Isidro 2018. La course vive du début se transformait en arrêt devant les burladeros, grattant le sol. On assistait à bon tercio de varas à l’actif de Juan Francisco Peña qui piquait supérieurement bien en trois rencontres, la deuxième en picotazo seulement. Le torero de Gerena banderillait bien ce toro – ce qu’il n’avait pas fait au 3ème – terminant le tercio par un quiebro al violín. Manuel Escribano devait désister à réaliser un péndulo en début de faena pour, ensuite en divers terrains, intéresser l’animal qui, sans volonté, s’arrêtait. L’estocade, caída, mettait fin à cette corrida bien décevante pour les spectateurs qui garnissaient les gradins aux trois-quarts et pour l’éleveur qui admettait honnêtement que ses produits n’avaient rien valu…
Curro Díaz : silence ; saluts. Domingo López Chavez : un avis et silence. Manuel Escribano : silence aux deux. Bonne température automnale. 19.130 spectateurs. |
Georges Marcillac.