La corrida de Baltasar Ibán était pour Alberto Aguilar l’occasion de fouler – qui sait? – la dernière fois de sa carrière, le sable de Las Ventas et pour cela il était obligé de répondre aux applaudissements de sympathie du public au terme du paseo. Il faisait du vent et assez frais en ce dimanche de printemps pour assister au retour du Mexicain Sergio Flores après une brillante temporada dans son pays et revoir le jeune torero de Fuenlabrada (Madrid) Francisco José Espada après une confirmation d’alternative malheureuse (blessure) l’an passé.
Les toros de Baltasar Ibán montraient des aspects divers de comportement avec en exergue le 4ème qui animait un tercio de varas en faisant apparaître une caste bien occultée jusqu’alors. Il n’était pas passé une seule fois dans la cape d’Alberto Aguilar avant qu’il ne fut mis en suerte. Par une charge violente au cheval, il ne touchait même pas le peto et se défendait sous la piqûre. La deuxième rencontre n’augurait rien de bon jusques, enfin, une poussée forte et constante de «Lastimoso II» qui acculait cheval et picador contre les planches. Juan Carlos Sánchez, le picador, avait pendant tout ce temps soutenu ces charges désordonnées au début et la charge constante ensuite. Le public en revoulait de ce combat d’ancien temps mais sonnait le changement de tercio… Aux banderilles, le toro avait une course longue et « encastée », Raúl Ruiz et Pascual Mellinas, résolvaient avec métier ce changement d’attitude. Alberto Aguilar devait « se la jouer » et offrait un dernier brindis au public de Las Ventas. « Lastimoso II » répondait au cite à bonne distance par une charge de grande transmission dans deux séries de derechazos liés, torero et toro entregados. Sur la gauche, c’était moins facile et finalement le toro obligeait Alberto à rompre et à égrener les naturelles en «perdant les pas» donc en reculant. À nouveau, sur la corne droite, le toro oubliait sa fougue et qualité initiales, restant court et se retournant rapidement mais sans mauvaise intention. La mise à mort était pénible, des pinchazos et sonnait un avis. « Lastimoso II » était applaudi à l’arrastre… Le premier ibán, portant haut de belles cornes, recevait une première pique trasera et, topón, frappait seulement le peto à la seconde. Avec la muleta Alberto Aguilar réalisait une faena sur la corne droite alors que celle-ci semblait être la moins sûre. De plus, le toro fléchissait en fins de passes dès que la muleta lui été présentée basse. Un changement de terrain n’améliorait pas comportement de ce toro qui doutait avant de charger pour ensuite ne plus avancer. Un pinchazo précédait une demi-estocade bien placée sans qu’elle fût vraiment portée avec style…
L’oreille coupée au troisième toro par Francisco José Espada entraînait des protestations et autres « compliments » au président qui l’avait concédée. Il est vrai que la faena laissait à désirer bien qu’elle fut le résultat d’une fermeté et un courage de la part du jeune torero qui devait jouer avec le vent pour passer un toro noble qui répondait et répétait les derechazos.
Une bonne série était conclue par un changement de main éternel, en naturelle presque circulaire. La structure de la faena se voyait affectée par un changement de terrain décidé par le torero pour se protéger du vent. Maintenant, face à la porte du toril, la faena perdait de sa continuité, le toro était moins «clair» et tendait à se défendre. Il fallait un recours opportun – une passe circulaire avec le revers de la muleta - pour se sortir d’une position risquée. Le toro ne répondait plus et les manoletinas suivies d’une demi-lame qui couchait presque instantanément le toro, incitaient le public à demander l’oreille alors qu’une autre partie vociférait… Le 6ème ne permettait pas à Francisco José Espada de compléter son succès initial car, faible, il perdait l’équilibre à plusieurs reprises sans avoir été vraiment châtié aux piques. De plus sa charge erratique, désordonnée n’offrait aucune possibilité de briller, ni de dessiner quelque passe que ce soit. Des pinchazos, un avis… et le toro se couchait.
Sergio Flores réalisait une faena conditionnée par le vent. Le toro, sorti en deuxième position, qui n’avait reçu que deux piques légères, se déplaçait dans la muleta pour des passes de la droite, pas aussi limpides que souhaitées à cause du vent. On notait une bonne série avec changement de main et passe de poitrine, le tout lié, le torero légèrement décollé… Des naturelles, une-à-une d’abord et ensuite enchaînées montraient sinon un style exquis mais une entrega qui compensait cela. Le toro s’arrêtait et Sergio Flores restait ferme, croisé, près des cornes. L’estocade verticale contraire et efficace incitait une minorité à sortir le mouchoir et l’oreille, justement, n’était pas accordée. Au 5ème, toujours à cause du vent ou l’impossibilité pour le Mexicain à corriger les coups de tête du toro dans la muleta, il n’y avait pratiquement pas de faena sinon une succession de passes et enganchones. Une demi-lame très, très basse en terminait avec ce toro d’aspect maigrichon, presque anovillado.
Justement, les toros de Baltasar Ibán sont toujours attendus à Madrid et comme c’est souvent le cas, les toristas veulent voir des qualités aux toros là où il n’y en a pas. Les 1er, 5ème et 6ème n’étaient pas des parangons de toros exceptionnels ; le 2ème aurait été mieux apprécié si le vent n’avait pas gêné le torero dans sa faena, le 3ème avait modifié son comportement pour un changement de terrain inopportun (à cause du vent) et surtout le 4ème, «encasté», enregistrait une baisse de régime en fin de faena. Ces trois derniers devraient mériter seulement un accessit au lieu d’un premier prix. Les poids affichaient : 522, 484, 570, 535, 529 et 560 kg.
Alberto Aguilar: silence; un avis et silence. Sergio Flores: saluts; silence. Francisco José Espada: une oreille; deux avis et silence.
Georges Marcillac
Bravo.
A ce soir.