Hier 15 Octobre 2016 Juan José Padilla a enflammé la "Misericordia" de Zaragoza. Son premier adversaire de Nuñez del Cuvillo, reçu à genoux à "Puerta Gayola", n'a pas obéit au lance et a foncé tête baissée sur le matador, sa corne tapant sur l'arcade de l’œil perdu dans ces mêmes arènes en 2011. Commotionné Padilla est revenu en piste, après un long passage à l'infirmerie, pour combattre son second adversaire. Un public ému et survolté a demandé les deux oreilles. La seconde a été refusée par le président sous la bronca générale.
Comme il est de coutume dans de telles circonstances les avis sont divergents sur ce qui était mérité et sur ce qu'aurait du faire ou pas le président. Je ne suis pas fan du toreo de Padilla mais je le suis de l'homme. Hier je n'aurais pas sollicité les deux oreilles mais j'aurais été en minorité, invisible. En effet les arènes, pleines à craquer, ont demandé, d'une seule voix et avec une mer blanche de mouchoirs, les deux trophées. En tant qu'aficionado j'avais plusieurs raisons d'être touché par ce spectacle impressionnant de force et de communion.
D'abord je le fus à la vue de ces arènes pleines, alors que les antis-corridas inondent la presse généraliste de mensonges à propos de la marginalisation sociale du spectacle tauromachique. Ensuite, que l'on apprécie ou pas la tauromachie du maestro Padilla, comment ne pas vibrer face à l'expérience humaine. Celle de cet homme, dont une corne, en s'enfonçant dans son cou et en remontant dans ses chairs, a fait sortir son oeil d'un visage où il ne retrouverait plus sa place, et qui hier a revécu l'ombre de cette tragédie. Nonobstant, ce qui devait être un moment de transe et de doute, il a décidé de revenir en piste pour faire front à ses démons intérieurs. Le public l'a ressenti comme tel et, en transe également, a touché du doigt la magie émotionnelle de la tauromachie celle qui fait communier les âmes dans une catharsis profonde. La grandeur de la tauromachie c'est cela.
Hier face à tous ceux qui attaquent et insultent la corrida nous offrions le "visage" de sa grandeur. Hier Juan José Padilla aurait dû sortir a hombros parce que le peuple unanime le demandait et qu'il avait raison. Le public avait raison car c'est lui qui fera que demain la corrida s'épanouira à Zaragoza et ailleurs. Hier Talavante et Morante ont toréé avec les anges et ce même public s'est, à juste titre, enflammé pour eux également. Mais il a surtout voyagé dans l'émotion grâce à Juan José Padilla, le Maestro de Jerez, le "Pirate", l'homme qui a payé son afición au prix fort et qui ne lui a pas tourné le dos, le torero qui même s'il ne torée pas comme ses compagnons de cartel, frôle la mort comme eux en nous offrant ce qui est "sa" Tauromachie. Et hier cette tauromachie a fait trembler la Misericordia, l'Arène qui, il y a cinq ans, fut le théâtre de "sa" tragédie. Vive PADILLA, Vive Zaragoza, Vive le Toreo !
René Philippe Arneodau.
Admirable commentaire, que seule peut inspirer la véritable afición ! Merci.