Nous avons vécu ce jour une excellente corrida de toros à Séville avec trois matadors qui ont chacun eu l'occasion de démontrer leur meilleure facette même si au bout du compte c'est le jeune péruvien qui a emporté, de manière convaincante, le prix. Quant au quatrième toro de Victoriano del Rio il a obtenu sa vuelta pour une prestation allant a más, sans un grand moment au cheval sans y démériter non plus. Il est l'exception d'une mansada qui a servi.
Sebastien Castella va a porta gayola où il reçoit un magnifique ensabanado salpicado de Victorino del Rio. Alors que le vent souffle, il garde son flegme et donne une larga cambiada compromise sans bouger le corps d'un iota. Le toro a une embestida somptueuse sur la corne gauche et transmet. Il crée la panique en renversant un cheval dès sa sortie en piste mettant en grand danger José Doblado. Les deux piques suivantes sont prises avec moins de verve, la dernière étant un simulacre sur ordre du maestro qui veut conserver toute sa transmission au toro. Quite exposé à cause du vent par chicuelinas serrées de Sébastien Castella. Durant la lidia aux banderilles le toro est tardo et brusque. Castella débute la faena avec aguante malgré les incertitudes du victoriano-del-río. A droite et aux medios, le vent fait onduler la muleta. Castella donne des muletazos un par un alors que le toro est maintenant soso. La corne gauche n'a pas été testée. Pinchazo et 3/4 de lame caída et tendida. Sifflets au toro et Silence.
Après le triomphe d'Andrés Roca Rey au troisième, Sébastien Castella doit avoir un volcan qui rugit en lui. Il distille un capoteo doux et lent à un castaño de Victoriano del Río armé large. Ce dernier pousse brièvement sous deux piques mesurées. José Chacón salue surtout pour sa seconde paire de banderilles. Brindis au public. Le début de faena par le haut puis par le bas est somptueux. Les derechazos profitent pleinement de la grande charge du toro en la dominant. Musique. La suivante est ponctuée par un cambio de mano énorme, lent et long. Encore un passage à droite pour mettre en exergue à la fois les grandes qualités du victoriano-del-río et celle non moins importante du maestro. La série à gauche reste sur les mêmes niveaux. Reprenant la droite, un désarmé vient rompre le rythme d'une faena importante qu'il retrouve partiellement dans une dernière série droitière en redondo. Manoletinas et toreo por bajo de remate de faena. Entière en arrière. Avis car le toro tarde à tomber. Plusieurs descabellos font disparaitre tout espoir de trophées qui auraient pu être doubles. Vuelta al ruedo pour le toro "Derramado"- nº57 - castaño - 520 kg. 10/12. Enorme ovation pour Sébastien Castella et vuelta.
Le second de Victoriano del Río n'augure rien de bon dans la cape de José María Manzanares. Il est montado, de présentation sérieuse mais aussi hésitant et tardo. Brusque et violent au cheval, il fait vaciller la monture dans un mauvais style, tête haute, étriers sonnant. Il sort seul et vite de la seconde pique. Andrés Roca Rey exécute un quite laborieux par medio- faroles et caleserinas. En plein second tiers le toro fuit vers les chiqueros. Rafael Rosa brille avec la troisième paire. L'ambiance est tendue lorsque JM Manzanares débute à droite. Avec mesure, il teste le toro et trouve la distance rapprochée qui l'incite à répéter dans trois bonnes séries. L'opposant est complexe et le vent dérange. Manzanares est à la hauteur. Musique. Lorsque le maestro prend la gauche, le bicho proteste et abandonne le combat. Manzanares va le chercher autour du ruedo sans aucune option. Entière desprendida en se jetant. Sifflets au toro. Ovation et Salut.
Le cinquième, le plus léger du lot, manque de train arrière. Il doute, charge à quelques reprises dans la cape de JM Manzanares, mais a aussi la tentation de fuir. Cette tendance se confirme quand il se comporte en manso au cheval. Il répond au tanteo por alto de Manzanares. Les premiers derechazos sont liés mais sans rythme comme les charges. La tentative à gauche est avortée pour revenir à droite où la faena prend corps. Manzanares revient à gauche où il est mis en difficulté. C'est donc à droite que la faena se termine en demi-teinte. Pinchazo et 3/4 d'épée contraire. Palmas et salut.
Le troisième Toro de Cortés, terciado, est changé pour faiblesse notoire. Le sobrero, du même fer, permet à Andrés Roca Rey de démontrer son aguante dans des véroniques ajustées, demie et revolera. Le toro réalise une prestation médiocre aux piques, peu piqué. Brindis au public. Les ayudados et le cambio por la espalda de Roca Rey chauffent les gradins. Soudain, alors que ce dernier se prépare pour la deuxième série le toro fuit vers toriles. Le matador l'y rejoint pour une bonne série à droite qui fait jouer la musique. La suivante baissant de ton, il prend la gauche pour deux séries, une laborieuse et l'autre supérieure, main basse. Le sommet vient ensuite à droite où le toro est dominé et guidé par le bas par derechazos, arrucina et pase de poitrine. La fin est festive n'ayant plus rien à voir avec le toreo classique de la faena. <estocade entière al encuentro, résultant desprendida. Deux oreilles demandées avec force et accordées.
Lorsque sort le sixième, tout le public espère un grand moment. Le toro, corniapretado, charge avec le frein à main tiré. Rien de ce que fait le bicho n'inspire confiance ni dans les capes, ni au cheval. Pourtant Andrés Roca Rey l'entreprend avec décision et le maintient à droite dans sa muleta sans l'en laisser sortir, ce qui dans ces circonstances est un recours technique efficace. La faena connaîtra des hauts et des bas dans un niveau qui ne permettent pas d'espérer une oreille pour la Porte du Prince, malgré un final par manoletinas. Seule une épée très efficace pouvait permettre le Graal et ce ne fut en rien le cas. Plusieurs tentatives d'épée en suivant le toro autour du ruedo et plusieurs descabellos ont mis fin à tous les espoirs.
René Philippe Arneodau
Photos J. Arjona - Aplausos.