La novillada qui inaugurait la San Isidro 2018 ne laissera aucun souvenir si ce n’est une certaine désillusion aux spectateurs qui couvraient au deux-tiers les gradins de Las Ventas et qui à partir du quatrième novillo quittaient les arènes car il commençait à pleuvoir, les plus prévenants ouvraient leur parapluie ou enfilaient imperméables et ponchos. C’est dire combien l’intérêt était grand pour les novillos de Guadaira qui, les uns après les autres, se trainaient dans des faenas qui ne méritaient ni ovations ni manifestations de désapprobation. L’inconsistance des novillos et la médiocrité de leur comportement ne permettaient rien de brillant de la part des novilleros.
Le manque de force et de race était le dénominateur commun des novillos de Guadaira (origine Jandilla). Les quatre derniers étaient de présentation correcte malgré les poids affichés allant de 460 kg (le 3ème) à 540 kg (le 5ème). Le manque de race était manifeste dans l’irrégularité de leurs charges, distraits, sans fixité et tendance à se désintéresser des capes et muletas. Le vent gênait la faena au 4ème.
David Garzón , un novillero d’Equateur, faisait sa présentation à Madrid et il est à craindre qu’on ne le revoie pas de sitôt à Las Ventas tant son passage fut désastreux sans un seul bon coup de cape et, à la muleta, ce n’était guère mieux : profilé, décollé, il donnait des passes sans la moindre impression de vouloir/pouvoir soumettre ses deux opposants, le premier qui «humiliait» mais terminait par un derrote en fin de parcours, le second bronco en début de faena mais ne «disant» plus rien ensuite… Le brindis à son apoderado – Caco Senante, artiste chanteur/comédien des Canaries et bon aficionado – pouvait être un geste de reconnaissance mais qui doit avoir laissé un goût amer à son bienfaiteur au vu des deux prestations de son protégé.
Carlos Ochoa faisait pour la deuxième fois le paseo à Las Ventas cette année et repartait bredouille après deux actuaciones volontaires, montrant aussi bien des qualités que des défauts dans sa façon de toréer, disposé à allonger et enchaîner les passes mais les exécutant profilé et forçant la figure, contorsionné dans le geste et, à la mort, se jetant sur le garrot sans synchroniser le pas en avant et le mouvement des bras (l’un tenant la muleta et l’autre l’épée). De bonnes attitudes en début de faena par doblones et passes longues, un joli changement de main, des passes de poitrine profondes, mais les scories et précipitations dans le maniement de la muleta en cours de faena ne permettaient pas de relever le niveau. La faena la plus complète était celle à son premier terminée par des bernadinas. À son actif, on lui reconnaîtra de «consentir» les charges courtes et sans jus dues à la faiblesse et manque de race du 5ème. Il se dépensait dans des quites à la cape par saltilleras et caleserinas.
Ángel Téllez lui aussi récidivait à Las Ventas cette année. La faiblesse, la distraction du 3ème ne permettaient rien à la muleta et on le remerciait de la brièveté de la faena et, surtout, on applaudissait une très bonne estocade alors qu'il commençait à tomber les premières gouttes de pluie. Le sixième était un novillo sans fixité, à la limite de la mansedumbre et désinvolture caractérisée dans ses charges. Toutefois il avait donné quelque espoir au madrilène de prendre sa revanche lors d’une la première série de la gauche, le novillo se déplaçant avec rythme, mettant bien la tête dans la muleta et ayant répété ses charges. La suite n’était que des tentatives de fuite en fins de passes. Un changement de terrain ne modifiait pas ce comportement. L’ennui gagnait l’assistance… Un avis sonnait après une demi-estocade un peu tombée.
Les deux seules véritables ovations de l’après-midi furent pour Ramón Moya de la cuadrilla de Carlos Ochoa et Juan Navazo de celle d’Ángel Téllez pour les deux paires de banderilles qu’ils clouaient spectaculairement aux novillos sortis en deuxième et sixième position lorsque ceux-ci avaient encore la vivacité, vite éteinte ensuite.
Davis Garzón : silence aux deux. Carlos Ochoa : un avis et silence ; silence. Ángel Téllez : silence ; un avis et silence.
Georges Marcillac