La pseudo-ouverture de la temporada de Las Ventas (l’offielle fut une novillada dimanche dernier) présentait à l’affiche une corrida “duel” d’élevages, entre des toros des Héritiers de Celestino Cuadri (qui remplaçaient d’autres toros, ceux de Los Maños, qui n’avaient pas passé le reconocimiemto de la veille) et de Pallarés. En effet, les premiers, mâtinés de Santa Coloma, procèdent aussi de produits de Gamero Cívico alors que, de même, les seconds fusionnent de sang de Buendía et Benítez Cubero. Les trois matadors, Esaú Fernández, Adrián de Torres et Noé Gómez del Pilar avaient la tâche d’affronter ces toros attendus par les aficionados à divers titres, avec une préférence pour les cuadris, un fer légendaire mais qui dernièrement n’était plus à la hauteur de sa réputation. En ce jour de printemps et début de Semaine Sainte, soufflait sur Las Ventas un vent plutôt frais qui faisait oublier les 20° annoncés par la météo. Pour cela, 8.212 spectateurs occupaient en majorité les tendidos de soleil et le plein du polémique Tendido 7.
Cette corrida était marquée par deux faits hautement célébrés par les aficionados, deux éléments fondamentaux de l’art taurin. L’un était à l’actif d’Adrián de Torres, torero de Linares (province de Jaén) qui torée très peu (quatre corridas en 2022) et qui avait confirmé son alternative en octubre dernier, dix ans après son passage à matador de toros…, en portant une magnifique estocade qui roulait le toro, après une faena imposible, à la pointe des cornes du cuadri sorti 5ème, risquant à tout instant la cogida! Cela suffisait pour que fût demandée l’oreille – accordée - par le public reconnaissant. L’autre se produisait au tercio de varas du 6ème. Gómez del Pilar plaçait son toro au niveau de la dernière ligne (*), le laissait en position après une surprenante zapopina, inopinée, le cuadri chargeait avec force d’un bel élan le cheval monté par le picador José Manuel Sangüesa qui encaissait le choc, la puya en bonne position, soutenant la poussée, fixe, appuyé sur la pique. Une deuxième et une troisième charge, la dernière pique étant seulement signalée, mais tout à l’avantage du toro, faisaient revivre ce moment tant attendu d’une grande intensité et émotion. L’ovation au picador était majuscule, les aficionados debouts, applaudissaient cette fois-ci, la bravoure de l’animal et la compétence du picador.
Pour le reste, il n’y aurait plus grand chose à rapporter si ce n’est la très criticable présentation des toros de Pallarés, pas tellement d’allure santa-coloma, leur manque de force, le premier ayant été renvoyé au corral pendant le tercio de banderilles! et surtout de caste pour durer… un accessit pour le 2ème, tardo de charge brusque, qui permettait néanmoins un quite de Gómez del Pilar auquel répondait Adrián de Torres qui ensuite, à la muleta, toréait par intermittence dans de bons gestes de la droite, derechazos liés, et des naturelles isolées. Le 3ème se serrait un peu trop au goût de Gómez del Pilar qui, le faisait passer à droite par principe et prenait l’épée pour une mise à mort laborieuse. Sortait le sobrero de Martín Lorca: sous l’effet d’un puissant impact, le cheval était soulevé et le picador Antonio Rafael Garcìa tenait bon mais les piques suivantes, en arrière, étaient sanctionées par une bronca. Ensuite le toro s’arrêtait et les passes que lui extrayait Esaú Fernández n’avaient aucun intérêt. Les toros de Cuadri, au contraire étaient salués à leur sortie du toril: du volume, des cornes et la panique s’emparait des banderilleros pré-conditionnés de leur dangerosité, parfois avec raison - bonne brega de Curro Javier au 5ème- les palos éparpillés au sol. Le 4ème se serrait dans la muleta, comme il l’avait déjà fait à la cape. Esaú Fernández lui tirait des passes, sans plus. Gómez del Pilar n’était pas plus heureux au 6ème après l’épisode de la suerte de varas précédente. Il capitulait face au toro arrêté qui terminait ses passages à la muleta par de desagréables hachazos. Le “trapío” des pallarés ne s’accordait pas aux poids affichés. Quant aux cuadris, ils avaient terminé quasiment figés devant la muleta. Les toros étaient tous des cuatreños sauf le sobrero de Martín Lorca de 590 kg, qui n’avait rien à voir avec la ligne Santa Coloma (s’il s’agissait d’un desafío ganadero, on pourrait au moins espérer et même exiger des remplaçants de même lignée que les toros titulaires. Mauvaise note à Plaza 1. NDLR)
(*) Il existe des normes spéciales relatives aux corridas concours. En particulier, le picador de service devra se maintenir dans une zone délimitée par deux lignes radiales tracées sur le sable de la piste (entre les tendidos 7 et 8 à Madrid à l’opposé de la porte du toril; en outre des deux lignes concentriques habituelles, trois lignes marqueront les distances progressives vers le centre du ruedo (par ex: ≥ 7m, ≥ 10 m, ≥ 13m) à partir desquelles sera placé le toro pour les piques (≥ 3) et mettre en valeur, par hypothèse, sa bravoure. Ces normes sont appliquées, à Madrid et ailleurs, sans que soit annoncée une corrida concours, à l’occasion d’un desafío ganadero, compétition entre deux élevages, par exemple.
Esaú Fernández: silence aux deux. Adrián de Torres: deux avis et silence; une oreille. Gómez del Pilar: un avis et silence aux deux. Forte ovation au picador Juan Manuel Sangüesa de la cuadrilla de Gómez del Pilar. |
Georges Marcillac
Photos : Plaza 1