Après paseillo les deux matadors du mano a mano étaient gratifiés d’une ovation à laquelle ils répondaient saluant près du burladero des cuadrillas. On ne sait si ce fut une confusion où une réalité car s’il était juste de saluer le retour d’Alejandro Talavante, Juan Ortega n’avait eu, jusqu’alors, que le mérite d’être à l’affiche avec le maître. Il est à parier que l’intention réelle du public était de saluer le sobresaliente Álvaro de la Calle pour son actuación involontaire mais méritoire, le 10 avril dernier, quand il devait affronter les cinq toros laissés par Emilio de Justo victime de l’accident que l’on sait. La corrida pouvait commencer par l’exhibition de six exemplaires que Borja Domecq, mal présentés à quelques exception près, de peu de caste, si ce n’est le 3ème, de Vegahermosa, avec lequel Alejandro Talavante coupait une oreille. Le reste, de Jandilla, n’offrait pratiquement aucune option de briller ni permettait aux deux figuras de forcer un succès attendu par les 22.964 spectateurs qui comblaient, de nouveau avec un no-hay-billetes, la plaza de Las Ventas.
Alejandro Talavante donnait la mesure de son talent avec le 3ème, un toro qui ne « disait » rien d’entrée, sautant dans la cape les pattes en avant, ne recevant qu’une seule pique et un picotazo, ou rien, bien que le changement de tercio fut ordonné par le président… Pourtant ce toro s’animait et justifiait le brindis au public avant d’amorcer la faena, par naturelles depuis le centre de la piste, en soutenant une course et une charge vives du toro qui répétait dans la muleta. Un extraño à gauche avertissait AT qui passait la muleta à la main droite pour une série de derechazos accélérés. La reprise à gauche, dépourvue de continuité, par des arrêts du toro, même une colada et perte de muleta montraient que ce n’était pas le côté idéal pour bien toréer. Les deux dernières séries de la droite, compactes, vibrantes mais « templées », le toro « humiliant » déclenchaient une grande ovation. Le toro allait a más dans cette dernière partie de la faena. À la mise à mort, l’estocade entière en restant sur la face, desprendida et deux descabellos incitaient, malgré tout, une majorité du public à sortir le mouchoir et demander l’oreille qui était accordée. À son premier, Talavante toréait dans un style facile jusqu’au moment où le toro se distrayait, s’arrêtait même à moitié série de derechazos et la faena se terminait par une estocade desprendida poussée en deux temps. Le 5ème, était un toro de meilleure présentation que les précédents mais qui montrait des signes de faiblesse sans pousser du train arrière face au cheval. Placé sans élan sous la première pique, il s’écroulant sous le cheval à la deuxième. La faena, désordonnée au début, de bons derechazos interrompus par un arrêt du toro, s’achevait rapidement devant l’indigence du jandilla par une estocade un peu tombée et croisée.
Juan Ortega recevait le 2ème de Jandilla, acucharado, veleto de cornes par des capotazos bougés poursuivis de véroniques, bien dessinées du côté gauche, moins bien sur la droite, et de la demie. Après les piques, ce toro restait statique, ne répondait que faiblement aux cites des banderilleros. La faena de muleta commencée par des passes genou fléchi, en doblones que le toro essayait de fuir, se poursuivait par de bons derechazos sauf qu’en fins de passes Juan Ortega devait corriger sa position et tenter de guider des charges irrégulières. Il n’était pas nécessaire d’insister. Une estocade entière caida mettait fin à une faena où Juan Ortega n’avait pas trouvé la position correcte pour lier les passes. On notera seulement, au 4ème, une magnifique leçon de comment piquer un toro par un des meilleurs picadors actuels, sinon le meilleur, Oscar Bernal, qui lançait la pique au bon moment, plaçait la puya au bon endroit et cessait de s’appuyer après un châtiment dosé. Ce toro nécessitait vraiment un tel traitement. Comme précédemment, trouver la bonne position fut pour Juan Ortega l’équation à résoudre sans y parvenir car le toro se retournait et obligeait le Trianero à « rompre » Une demi-lame bien placée suffisait pour se débarrasser de ce toro gênant, à contre-style. Au 6ème c’est Curro Javier qui recevait les applaudissements pour la pose des banderilles car après, le toro exténué ne permettait rien à Juan Ortega pour au moins terminer honorablement cette corrida. Les toros de Jandilla en étaient les responsables bien qu’une part revenait au matador qui ne parut ni à l’aise ni capable de dominer la situation.
Alejandro Talavante : silence ; un avis et une oreille ; silence. Juan Ortega : silence aux trois… Au tableau d’honneur des cuadrillas on citera Oscar Bernal qui piquait le 4ème et Curro Javier qui avait magistralement banderillé le 6ème. |
Georges Marcillac
Photos Plaza 1