Málaga - 17 août 2022 – La Picassiana : Andrés Roca Rey, roi incontestable du toreo actuel. Sortie a hombros avec trois oreilles. Bonne corrida de Daniel Ruiz. Cayetano signe une faena de grand effet.

En ce troisième jour de corridas de toros à La Malagueta, le moral des aficionados et du public en général remontait après les deux jours précédents de déception, presque d’effondrement de la tauromachie la veille. Le caractère des trois toreros y fut pour quelque chose : le charisme et la torería de Cayetano Rivera, le talent, la vaillance et détermination d’Andrés Roca Rey et enfin la grâce sévillane de Pablo Aguado. Les toros de Daniel Ruiz apportèrent, par leur présentation et variété de jeu, la bravoure et même la caste de bon aloi, leur concours positif au spectacle. Cette corrida traditionnelle de Málaga avec décorum de l’artiste peintre Andrés Merida et accompagnement lyrique (inaudible) avait attiré grand monde et le no-hay-billetes était affiché.

Les toros de Daniel Ruiz Yagüe (origine JP Domecq par Jandilla) contribuaient au succès de la corrida, bien que certains ne fournissent pas le rendement escompté.  Le toro  ”Juguetón”, nº 97, de 518 kg, né en 06/2017 était primé de la vuelta al ruedo, peut être généreuse, mais il avait contribué à la grande faena d’Andrés Roca Rey. Tous avaient plus de cinq ans, les 1er et 3ème plus près des six ans. Moyenne des poids affichés : 537 kg.

Andrés Roca Rey ajoutait, aujourd’hui, à son palmarès et carte de visite, un succès tonitruant, presque complet en ce qui concerne les trophées, mais en déployant une volonté, des qualités de lidiador, un immense talent pour remuer les foules, par cet aspect encore juvénile et son courage occulté par la facilité dans l’exécution des passes de toutes sortes. Pour l’occasion de la Picassiana, il avait aussi fait l’effort de vêtir un costume original dont le goût ne faisait pas l’unanimité… Son premier, dont on ne donnait pas cher, qui se freinait ou se retournait à moitié trajet dans les capes, n’était pas beaucoup piqué – al relance à la première pique – s’améliorait au second tiers pour ensuite délivrer une charge allègre de grande qualité, faisant « l’avion » dans la muleta d’ARR. Cette faena classique dans sa composition et exécution, des passes longues et « templées », muleta basse (flexibilité de ceinture du torero), un changement de main énorme pour enchaîner les naturelles… le molinete et la passe de poitrine. Impressionnant de technique et transmission. Venaient ensuite les adornos : bernadinas serrées, liées à des luquecinas ! L’estocade portée avec décision, un tout petit peu arrière, était le point d’orgue de cette faena de deux oreilles. Le mouchoir bleu ordonnait la vuelta al ruedo du toro « Juguetón».

                

Le 5ème, un toro cuajado, était entrepris à la cape par des véroniques, certaines en delantal, pour le garder dans la cape jusqu’au centre du ruedo, ARR était surpris par l’intervention inopinée de Pablo Aguado pour un quite par chicuelinas, jolies et demi-véronique. Le sourire narquois du Péruvien en disait long… Comme à son habitude la faena de muleta débutait à genoux, passes de la droite en redondo, changement de main et passe de poitrine. Le ton était donné pour une faena où le toro n’allait pas être lâché une seconde- Il fallait garder ce toro qui n’avait pas les mêmes charges longues et continues du 2ème. Des passes circulaires de la droite – 2 x 360˚ ! – ou circulaires inversés, dosantinas. Toutefois, le toro à la merci d’ARR, subissait des passes plus longues qu’il n’aurait pu produire…Le desplante final, se défaisant de la muleta et épée, déclenchait la clameur TORERO !TORERO ! La tentative d’entrer a matar a recibir échouait et l’épée tombait basse. La forte pétition des oreilles se limitait à un seul appendice.

Cayetano Rivera vêtu d’un costume bleu et azabache avec un dessin de tête de toro dans le dos, toréait avec une cape ornée, elle aussi, d’une image taurine. Son premier toro, accueilli par des véroniques, jambe de sortie demi-fléchie, se montrait peu combattif, grattait le sol.  Une certaine faiblesse du train arrière se confirmait lors des premiers doblones à la muleta. Intelligemment Cayetano donnait des temps de répit entre les séries de la droite, jouant bien du poignet en fins de passes et le toro tenait le coup. Á gauche  - le vent gênait aussi, ce n’était pas très convaincant. Le toro répondait aux cites. La reprise à droite était bien meilleure mais à la mise à mort Cayetano perdait le crédit de sa faena : il restait sur la face au risque de prendre la corne dans son petit saut habituel. Après le succès d’ARR avec l’aide d’un toro qui « collaborait » parfaitement, Cayetano sortait le grand jeu et le répertoire, à la cape d’abord, à la muleta ensuite. Assis sur le marche-pied des barrières et genoux en terre par des passes aidées par le haut et passe de poitrine, tel était le début spectaculaire et valeureux de la faena. Les séries de la droite et les naturelles, d’un style un peu forcé mais avec temple, accompagnaient une bonne charge du toro qui durait. Les ultimes naturelles, pieds joints ou compas ouvert, de face, molinete et passe de poitrine genou en terre et le desplante final comblaient un public rendu à l’entrain de Cayetano. Une estocade entière tombée, petit saut sui generis, le privait de la récompense maximum. Une oreille et… deux tours de piste.

                                               

Pablo Aguado est ce torero fin de Séville dont on attend peut-être plus qu’il ne peut donner mais son toreo gracieux, de grande esthétique, est toujours de grand impact sur les fins aficionados. En ce jour de la Picassiana, vêtu de son costume – sans lumière – sangre de toro et azabache, il ne fut pas le mieux favorisé au sorteo et il dut affronter deux toros qui lui permettaient, seulement par intermittence, d’enseigner la grande esthétique de sa gestuelle, la muleta à mi-hauteur. On retiendra deux molinetes uniques, d’entrée de sa deuxième faena ! Deux éclairs d’une grande beauté dans la forme et tempo. Le vent ne l’aidait pas non plus interrompant les séries. La première faena  devait tenir compte de la charge courte et âpre du toro, au démarrage brusque ne répondant pas obligatoirement, au cite. Pablo Aguado parvenait à réaliser une série de la gauche, plus réunies les passes, malgré un accrochage de l’étoffe et un molinete brillant. Une autre plus volontaire que réussie terminait la faena précédait un pinchazo, une demi-lame et un descabello. Au 6ème, la faena allait être de courte durée, le toro ne chargeant plus après des séries méritoires, marquées du cachet sévillan. Un pinchazo hondo croisé, une estocade entière en partant fuera de cacho

Cayetano Rivera : saluts ; une oreille avec pétition de la seconde, deux vueltas al ruedoAndrés Roca Rey : deux oreilles ; un oreille. Sortie en triomphe a hombrosIvan García et Pascual Mellinas de la cuadrilla de Cayetano saluaient après la pose des banderilles au 3ème. Après le paseo, José María Manzanares recevaient les prix de triomphateur de la dernière feria de 2019.

Georges Marcillac

Photos de Arjona pour mundotoro.com

Ce contenu a été publié dans Georges Marcillac Escritos. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.