Cette corrida pourra rester dans les souvenirs des aficionados avec le sentiment d’avoir été trompés, la grandeur du toreo bafouée et aussi avec l’impression de ne rien y comprendre…. L’affiche prometteuse avec Morante de la Puebla, Alejandro Talavante était complétée par la présence de Saúl Jiménez Fortes dont c’était le retour à Málaga après une longue convalescence, plusieurs opérations – cheville et genou – et l’arrêt forcé de la pandémie… Le sort s’acharne sur ce torero car pris de court à la fin d’un passe, il était soulevé et restait inanimé au sol. Frayeur ! Coup de pattes ou de plat de corne au visage étaient sans doute la cause du knock-down et le rapport médical indiquait un traumatisme craneo-encéphalique et blessure de la mâchoire droite et lèvres. Il était transporté à l’hôpital pour examen complémentaire. A cet accident il faut ajouter l’ambiance créée par la présentaion et comportement des toros de Nuñez del Cuvillo, tant décriés et toujours demandés pas les figuras et acceptés par les empresas. Après le « coup de chaleur » récent de ces toros à Dax on pouvait craindre un autre « malaise » à Málaga atténué par l’air de la Méditerranée et du vent qui soufflait ces jours-ci. Restons sérieux. Des poids de 592, 530, 569, 525, 580 et 565 kg, et des armures acceptables et parfois « agressives » tel était le physique de ces toros, peu de trapío sauf le 6ème et des comportements divers, faiblesse du 1er qui aurait dû être renvoyé aux corrales, pas très costaud le 2ème malgré la chute monumentale de la cavalerie, le toro ayant pris le cheval par le poitrail, et justement des tercios de varas sans histoire, la deuxième pique généralement escamotée.
Hormis les véroniques terminées par le haut au 4ème, applaudies, Morante de la Puebla ne faisait plus rien à la cape. Par la suite il ne réalisait aucune faena. A la limite, s’expliquait son trasteo au 1er, faible et s’écroulant à maintes reprises. Etait moins compréhensible son attitude à son deuxième. Après un tanteo précautionneux et le macheteo qui suivait, Morante montait l’épée pour un pinchazo et un descabello. Qu’avait-il vu pour capituler aussi vite ? On notait un extraño, c’est vrai, mais cela ne paraissait pas suffisant pour se décourager aussi vite.
Alejandro Talavante réalisait une toute petite faena au 2ème , gêné par le vent, avec des détails précieux, trincherillas, deux séries de la droite avec quelques derechazos profonds, « templés » et c’était tout car sur la gauche le toro ne passait pas. Estocade entière, desprendida. C’est au 5ème et au 6ème (celui destiné à Fortes) que Talavante se distinguait… par un manque de confiance évident et/ou un désir de ne rien faire. Cela était l’impression quasi unanime des spectateurs mais on ne saura jamais ce que pouvait avoir déconcerté ce torero dont le retour aux arènes, cette année, ne semble pas encore avoir été bien assimilé. Pourtant les débuts de faenas promettaient par des passes de grande classe, ayudados por alto, trincherillas, molinetes mais un hachazo en terminaison d’une passe haute au 6ème était aussitôt suivi du macheteo. Estocade en prenant la tangente au 5ème. Pinchazo dans les bas-fonds et plusieurs descabellos… au dernier.
Fortes, désormais son nom d’affiche, recevait par des véroniques statiques puis bougées avec accrochage de la cape. Du meilleur effet étaient les chicuelinas marchées pour amener au cheval le toro… qui s’en échappait pour foncer sur la cavalerie. Après le brindis au public, la faena débutait par une longue charge du toro, qui baissait bien la tête dans les premiers derechazos. La suite, moins réussie, révélait un manque de continuité dans les passes de muleta, Fortes un peu débordé dans un toreo décousu. Survenait l’accident décrit plus haut et Morante plaçait une épée comme il pouvait dans le désarroi général. Fortes avait donc raté son retour à Málaga. Pourra-t-il surmonter cette malchance qui le poursuit ?
Morante de la Puebla : silence ; énorme concert de sifflets. Alejandro Talavante ; saluts après pétition d’oreille ?; silence ; un avis et légère bronca. Fortes : blessé au 3ème. |
Georges Marcillac
Photos de Arjona pour mundotoro.com