Le face à face de Morante de la Puebla avec Juan Ortega à Cordoue le 12 octobre dernier m’avait incité à ne traiter que la actuación du maestro Morante qui, ce jour-là, avait montré une constante disposition et ratifié sa légendaire torería pour le ravissement du select public de la plaza de Los Califas. Dans mon article, je laissais toutefois entrevoir la possibilité, un jour, de louer les qualités d’un torero, Juan Ortega Pardo, de Séville, peu connu et peu toreado, que la empresa Lances de futuro de José María Garzón avait eu la bonne idée de l’associer au maître de La Puebla del Río. Ce jour est arrivé. Juan Ortega, dont l’alternative remonte au 27 septembre 2014 à Pozoblanco (Córdoba) ne toréait que très peu sa première année de matador de toros. Après la confirmation d’alternative à Madrid, en mars, 2016 était une année blanche ! Sous la coupe de l’ancien matador Pepe Luis Vargas, il reprenait les trastos l’année 2017 pour deux corridas. Après une incursion à Zacatecas (Mexique) au début de 2018, c’est le 15 août, à Madrid, qu’allait être le jour de son salut : devant les aficionados madrilènes, aguerris en cette date emblématique à Las Ventas, il signait une belle faena à un toro de Valdefresno et coupait une oreille. 6TOROS6 titrait : « La surprise de l’été… et Juan Ortega arriva » et lui consacrait une page d’interview. Quelques aficionados privilégiés se voyaient récompensés de l’espoir et la confiance misés sur le Sévillan pour ses peu communes qualités techniques et artistiques. Ses quatre contrats à Madrid au cours de la saison taurine 2019 se soldaient par la reconnaissance et confirmation de ses talents sans qu’ait été obtenu le succès complet escompté. Seuls des détails, la sobriété et l’élégance dans le geste, le désir de toréer lentement, émaillaient ses faenas bien souvent sans la collaboration de toros « hors-style ».
Juan Ortega était annoncé à Jaén, pour la feria de San Lucas (recomposée par la empresa Tauroemoción d’Alberto García) avec Enrique Ponce et Curro Díaz, ses deux parrains respectifs d’alternative et confirmation, pour des toros de Victoriano del Río. C’est au 6ème «Basurilla» le mal nommé (esp : petite ordure !) nº 153, presque cinq ans (nov.2015), de poids 452 kg, que Juan Ortega allait déployer toute une gamme des lances et muletazos classiques dans l’unique perfection de justesse, pureté et grâce esthétique. Le ton était donné dans un quite par chicuelinas, précis, baroque, le torero enveloppé de sa cape comme la bailaora de son mantón de Manila (*). Le début de la faena de muleta annonçait la grandeur d’un trasteo magistral par des pases ayudados por alto, torerissimes (vous me pardonnerez cet hispanisme), en gagnant du terrain, assortis du molinete lié à la passe de poitrine, qui levaient les aficionados de leur siège par l’à-propos et la beauté du remate inspiré. Les passes fondamentales, en juste mesure, se suivaient à l’unisson de la belle charge du victoriano-del-río avec en épingle les passes de poitrine, serrés mais embarquées sans perdre un pouce de terrain, «templées» et profondes. L’enchaînement des passes, leur lenteur, le placement naturel, la jambe contraire avancée sans excès, les adornos fleuris - molinete invertido ou pase del desprecio - la maîtrise de chaque série sans forcer le geste, tout ceci était la composition et le duende d’un artiste face au toro, brave, qui donnait toute la valeur à l’œuvre accomplie. Venait ensuite la série de doblones très toreros avant la mise en suerte pour la mise à mort. Un pinchazo «dans tout le haut» refroidissait l’embellie avant une grande estocade qui valait à juan Ortega les deux oreilles. «Basurilla» était primé de la vuelta al ruedo.
L’étoile de Juan Ortega est apparue dans le firmament du toreo de cette année de pénurie marquée par la pandémie Covid -19. Pour ses prestations de Linares, de Cordoue, celle de Jaén et ce dernier succès, l’attention des aficionados et des empresas est maintenant focalisée sur la personne du Sévillan. L’avenir et 2021 nous le diront. Un indice ou une preuve : la carrière de Juan Ortega sera dorénavant prise en charge par Simón Casas et Roberto Piles.
(*) Le mantón de Manila est un châle de soie, importé de Chine ou même via le Mexique, selon les historiens, des artistes bailaoras famencas ou des chulapas madrilènes, des populaires élégantes de la fin du XIXe et début du XXe siècle.
Georges Marcillac
Photos: Tauroemoción
Juan Ortega est sevillan mais forme au toreo a Cordoue ou j ai vu sa présentation comme novillero avec les chevaux ce jour la il fit étalage de toute sa classe et gagna le prix du meilleur novillero delivre par la pena Calerito de Cordoue.je suis donc pas surpris de son éclosion malgré tous les croques en jambes du mundillo Continue tes chroniques