Bilbao - 22 août 2024 - 5ème de Feria - Andrés Roca Rey une oreille et triomphe majuscule. José María Manzanares une oreille face à une corrida imprésentable de Victoriano del Rio.

Il est très difficile de rendre compte d’une corrida comme celle d’aujourd’hui sans passer soit pour un vendu, soit pour un pisse-vinaigre, certains diraient un conformiste. Le public est venu en masse, ce jour, sans toutefois remplir complètement les tendidos, tous pour voir Andrés Roca Rey. Ils ont été servis et ont jubilé. Tout ce qu’on attend du Roi fût à disposition. Les cites spectaculaires de loin, à genoux, les redondos dans un sens puis dans l’autre, l’arrimón, l’épée spectaculaire. Tout sauf du toreo fondamental et profond. Mais aller voir Andrés Roca Rey c’est cela, un spectacle de consommation, réalisé par un artiste qui a développé une stratégie et qui l’applique à merveille à chaque fois qu’une occasion se présente sans laisser passer les opportunités. La formule est imparable.

Victoriano del Rio quant à lui à envoyé à Bilbao une corrida imprésentable, certains toros au trapío de vaches et tous aux cornes arrondies. Qui fait ce vilain travail est la question, le ganadero ou l’empresa? Vous noterez que le sujet n’est absolument pas soulevé par les médias spécialisés, corrompus par les relations qu’ils entretiennent avec le mundillo.

 

 

José María Manzanares reçoit un premier toro maigre, aux pointes arrondies, par des mouvements de ventilation à la cape. Mal piqué d’abord, puis piqué avec acharnement, le bicho arrive dans la muleta de Manzanares avec entrain. Le matador poursuit le tanteo à la muleta. Le premier passage droitier est réalisé à distance. Le public s’enthousiasme pour deux séries à droite réalisées à distance de sécurité respectables. À gauche, la même prudence inspire le matador. À droite, une série, courte, rapproche légèrement les participants. Le final droitier, précautionneuxm emporte toutefois l’adhésion des présents. Une épée entière contraire portée au pas de course déclenche la pétition. Oreille.
Le second de Manzanares, aussi terciado que ses frères, est reçu par des véroniques faciles et passées en quite par chicuelinas et demi-véronique par le matador. Aux piques, le service minimum est effectué. Le tanteo de Manzanares est suivi de passes droitières qui doivent s’adapter à la fébrilité du toro. L’animal veut mais a du mal à répéter. Le matador vend bien son travail par les effets stylistiques que sont les siens. Musique. À gauche les deux charges somptueuses que le toro offre au matador, avant de se dégonfler, ne sont pas honorées par des muletazos sincères. Le final a un effet positif sur le public, en particulier avec les ayudados por bajo donnés vers les planches. Pinchazo et entière atravesada en passant le plus loin que lui permet la longueur du bras. Palmas et salut.

Alejandro Talavante afronte un second victoriano-de-rio, terciado, sans morillo ni remate, aux pointes "BIC" auquel il dessine les premiers capotazos de relief en quite, à savoir chicuelinas et revolera. Après un picotazo, la seconde pique est donnée pour la forme. Le bicho, entier au second tiers, permet à Javier Ambel et Álvaro Montes de saluer au second tiers. Le début de faena à droite accompagne une charge obéissante. La série suivante à gauche est mécanique et superficielle. La faena se poursuit sans scénario, au rythme d’une charge anodine. Dès que le bichito accélère et répète, un tant soit peu, le public applaudit. Divers pinchazos avant entière et avis. Silence.

Le cinquième est un peu plus lourd mais, comme les autres, sans le trapío historique de Bilbao. Le toro met le museau dans la cape de Talavante avec classe dans des véroniques propres et conformistes. Il pousse de profil sous le fer. La seconde pique est rapide sans mettre les cordes. Quite de ARR par chicuelinas et tafalleras, terminé en revolera. Au second tiers le toro calamochea dans tous les sens. Le tanteo du matador débouche d’abord sur des passes de la droite, mécaniques, qui sont suivies par d’autres plus liées et enroulées. Les naturelles n’ont pas le même enchaîné et Talavante revient à droite pour  terminer laborieusement son trasteo. Pinchazos, descabellos, et fin de faena sous les sifflets.

Andrés Roca Rey est opposé à un premier victoriano-del-río  bas et terciado auquel il ne fait que chasser les mouches. Le public conspue la seconde pique trop longue à son goût. Au second tiers, le bicho exhibe une vive mobilité. ARR débute la faena appuyé aux tablas par le haut à la Luis Miguel Dominguin, avec une aisance et nonchalance qui ravit le public. Au centre, il est mis sur la défensive en droitières volontaires. Dans la série suivante, il maîtrise sans dominer les charges vives du victoriano-del-río qui navigue à sa guise. À gauche, le Péruvien s’efforce mais ne parvient pas à lier. Poursuivant à droite il est mis en difficulté par une charge qui va a menos. Demi-lame basse portée bras tendu et voltereta de Antonio Manuel Punta lors de la brega au toro blessé à mort!. Silence.

La corrida se termine avec un sixième de Victoriano del Río, terciado aussi, bas sur pattes, aux cornes bien arrondies. Andrés Roca Rey travaille un long moment un animal qui navigue sans engagement. Alors que le bicho donne des signes de mansedumbre à la pique, il est quasiment épargné du châtiment. Le public acclame le brindis qui lui est destiné. Au centre, le "Roi" cite pour le sempiternel cambio dans le dos, à genoux, et les passes subséquentes qui enflamment le public venu pour cela. Le bichito obéit aux toques et répète dans les derechazos appuyés du matador. Celui-ci enroule des séries dont le lié porte sur les tendidos, malgré les techniques avantageuses employées. Si la main gauche a un peu moins de pouvoir elle n’empêche pas le public d’applaudir. ARR profite de la noblesse du toro, et sa baisse de régime, pour introduire une bonne dose d’arrimón qui fait rugir les tendidos. Lorsqu’il va chercher l’épée, le bicho ne bouge pas d’un poil. Peut-être attendait-il Miguelín? (*) Une entière basse déclenche un délire surréaliste. Une oreille avec forte pétition de la deuxième que n’accorde pas le président.

René Arneodau

(*) L'auteur fait allusion à Miguel Mateo "Miguelín"  matador de toros  (1939-2003) qui, le 18 mai 1968 à Las Ventas de Madrid, sautait en espontáneo, en costume de ville, pour protester devant l'insignifiance des toros que toréait alors Manuel Benítez "El Cordobés"... (NDLR)

 

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