Une autre belle affiche et une nouvelle corrida sans la pluie… mais avec du vent. Des toros de Victoriano del Río pour trois toreros de génération, de réputation et de styles différents, tel était l’attrait de cette corrida. De même, il était facile de deviner que la présence du péruvien, l’engouement qu’il suscite, avaient contribué au remplissage pratiquement complet des gradins de la plaza. En effet, après une saison passée où semblait avoir palie son étoile, le retour à Valence de Andrés Roca Rey a fait grand bruit même si le bilan de sa prestation se soldait par une seule oreille. José María Manzanares aurait pu sortir par la Grande Porte si son efficacité habituelle à l’épée ne lui avait fait défaut. Quant à Diego Urdiales, ce n’était pas son jour et ses deux toros ne l’ont pas non plus accompagné.
Les toros de cette corrida, annoncés de Victoriano del Río, furent seulement quatre de la devise jaune et noire, les deux autres procédaient de Toros de Cortés (3ème et 5ème) deuxième fer, de même origine et de la même famille del Río. De bons poids, homogènes autour de 544 kg, de hechuras variées, les mieux présentés étant le premier et le dernier, tous deux cinqueños, maigrichon malgré ses 545 kg, le 3ème. Justement ce dernier, un grand toro, aurait peut-être mérité une vuelta al ruedo dans toute autre arène. Le 2ème ne sembla pas se ressentir de deux vueltas de campana et alla jusqu’au bout d’une longue faena. Le 5ème, auquel José María Manzanares exigea beaucoup, devrait être mis aussi au tableau d’honneur de la corrida. Le vent aidant, le plus compliqué fut le 4ème qui, plus est, infligea une terrible voltereta à Diego Urdiales qui lui avait perdido la cara, c’est-à-dire lui avait tourné le dos, sans prendre garde, au sortir d’une série de la droite.
En coupant une oreille, Andrés Roca Rey pourrait être considéré le triomphateur de la journée. Il recevait sans préliminaire le 3ème, de nom Centinela nº 163, par des véroniques dans le terrain des tablas à l’abri relatif du vent. Il intercalait des chicuelinas… dans cette première série. Après deux bonnes piques, soutenues, le quite par chicuelinas était de meilleure facture, capote bas, toréant vraiment un toro qui allait conserver sa vivacité durant toute la faena de muleta, imprimant une charge longue dont profitait ARR, qui liait les passes en variant les terminaisons de séries. L’une absolument improvisée fut d’un grand dramatisme : sans se corriger d’un millimètre, il enchaînait deux derechazos, un changement de main dans le dos et la passe de poitrine, serrée, profonde. D’une autre série, ne manquait pas une arrucina liée aussi à la passe de poitrine, du grand œuvre dans un style plein de fraîcheur et d’entrain. Des naturelles évidemment du même cachet. La qualité de l’estocade entière, laissait à désirer, assortie de trois descabellos et l’oreille demandée par le public enthousiaste était malgré tout concédée. Le 6ème faisait grosse impression à sa sortie du toril, mais coureur et fuyard à la fois, sans que soit bien évidente une certaine mansedumbre, il était entrepris au centre du ruedo où se révélait cette façon du toro de sortir des passes et de n’y revenir que vraiment forcé. Ce fut tout le travail progressif et méritoire d’ARR de pouvoir et savoir garder le toro dans la muleta. Il terminait la faena, près des planches, très près des cornes, le public debout, applaudissant à tout rompre ! L’estocade entière n’avait pas le résultat rapide souhaité, deux avis sonnaient pendant la séance de descabellos et un nouveau triomphe s’estompait.
José María Manzanares, lui aussi passait près du succès par sa déficience inaccoutumée à l’épée. Le 2ème était accueilli sans préambule par des véroniques vibrantes et deus chicuelinas de recours et revolera. Le ton était donné. Le toro, basto de hechuras, movile au deuxième tiers, chargeait en saccades dès les passes de la droite, prises au centre de la piste, mais sans apparente gêne pour JMM ni du vent ni de la condition du toro qui se serrait dangereusement, en deux occasions. La caste de cet exemplaire était évidente. La faena se poursuit avec notamment une belle série de droite dans le plus pur style de l’alicantin terminée par une passe de poitrine d’une épaule à l’autre et même au-delà. Un avis sonnait avant de monter l’épée. Un pinchazo et une entière en allongeant le bras. La faena au 5ème valait surtout par les intentions et résultats du trasteo de JMM. Le toro était « obligé » par le bas dès les premiers derechazos. Ensuite les passes de la droite et les passes de poitrine, le tout en redondo, étaient bien acceptées par le toro, quelques naturelles aussi, avant une baisse de régime bien compréhensible. Malgré cela une dernière série de la droite, plus rythmée en redondo, encore, et la passe de poitrine, énorme, annonçaient un succès, le torero porté par le public. Hélas, les tentatives a recibir échouaient aussi bien en suerte normale que contraire. Des pinchazos et enfin une estocade entière, il fallait bien en finir ainsi.
Diego Urdiales était poursuivi par les rafales de vent ou bien il ne trouvait pas le terrain où Eole se faisait moins rageant. A cela, s’ajoutaient les difficultés propres de ses deux toros qui ne chargeait pas toujours comme le souhaitait le torero qui s’évertuait à reposer ses passes, leur donner un naturel difficile, impossible d’obtenir. Des passages de la première faena étaient tout à l’honneur et verguenza torera de Diego face à un toro qui chargeait fort. C’est au 4ème, à cause d’un despiste – une distraction impensable, qu’il subissait une effrayante voltereta, secoué au sol, sans cornada, sauf une éraflure et saignement au cuir chevelu. Après cela, ayant apparemment récupéré son calme, Diego devait encore changer de terrain, mais encore sous l’effet du vent ! Le toro arrêté, la muleta volait et il fallait en terminer. Comme à son premier l’estocade était entière, portée avec facilité, « citée » un peu de loin, mais efficace.
Diego Urdiales : deux ovations et saluts. José María Manzanares : Fortes ovations aux deux et saluts au tercio ; un avis au 2ème. Andrés Roca Rey : une oreille et vuelta triomphale ; deux avis et saluts. Bons comportements des cuadrillas. Antonio Chacón de la cuadrilla d’ARR et Daniel Duarte, Pascual Mellinas et Manuel Rodríguez « Mambru » de la cuadrilla de JMM saluaient après la pose des banderilles. |
Georges Marcillac
Photos de Alberto de Jesús pour Mundotoro