Cela faisait plaisir à voir – enfin! - la plaza de toros del Botxo et ses sièges colorés quasiment occupés à 100 % en une après-midi menaçante de pluie et courte apparition du soleil et des aficionados prêts à vivre une grande “Tarde de Toros”. L’artisan de cet évènement était évidemment Andrés Roca Rey, l’astre péruvien qui remue les foules – le seul à remplir les arènes (avec la concurrence, en cette saison 2025, de Morante de la Puebla) – et qui interprétait son vibrant toreo devant un public conquis et enthousiaste. Il était entouré de deux Sévillans, Juan Ortega et Pablo Aguado, artistes en droit de briguer le sceptre du maître de la Puebla del Río. Des toros de Victoriano del Río complétaient l’affiche, élevage de garantie, s’il en est. et qui présentait des cinqueños, à l’exception du 3ème, dont deux étaient destinés à Andrès Roca Rey, l’un “Cantaor-37” primé de la vuelta al ruedo.

Andrés Roca Rey recevait son premier de moindre présence et apparemment de forces justes et le ménageait par l’intermédiaire de son picador en deux piques rapidemment relevées. La faiblesse de l’arrière train de ce toro qui se plaignait des banderilles et tirait déjà langue après le deuxième tiers, ne présageait rien de bon. ARR se positionnait sur la diagonale du toril au centre du ruedo pour son clasique péndulo, suivi d’un autre et la passe de poitrine. Aussitôt après il “citait” à bonne distance, muleta baissée, toro à la limite de la chute. Après cela, la charge descompuesta du toro ne gênait en rien ARR qui tenait bon et dominait cet inconvénient. Les passes de la gauche, “courant la main”, obligeaient le toro dont il extrayait le máximum, qui finalement tenait le coup, par la magie d’une muleta plus que convainquante. Des ayudados par le haut et par le bas pour terminer avant de faire monter la pression et l’émotion dans des bernadinas à la pointe des cornes et une ortina effrayante. L’estocade tombait desprendida, un peu en arrière, mais décisive. Un avis sonnait. Large pétition d’oreilles et le président Matías González résistait pour n’en accorder qu’une seule. Faena émotive et fort louable attitude de ARR qui avait “fabriqué” son toro pour une faena à moitié récompensée. C’est au 5ème, que ARR voulut ratifier un succès jugé sans doute incomplet en allant le recevoir a porta gayola. Le toro sortait hésitant, ne suivait pas l’envol de la cape et lui passait au-dessus sans accrochage. Au tercio, de nouveau à genoux, il dessinait une larga cambiada un peu loupée suivie d’un capoteo vers le centre de la piste, sans grand résultat pour des charges désordonnées du toro. Le tercio de varas, comme à l’accoutumée, laissait “cru” le toro qui flérchissait à la sortie. Un joli quite par chicuelinas et une demi-véronique supérieure de Pablo Aguado, une belle paire de banderilles de Fernando Sánchez, maintenaient l’intérêt du public pour une faena de muleta qui n’allait pas décevoir. Celle-ci débutait pour nouvelle version du cambio por la espalda, cette fois-ci à genoux, doublé, et la passe de poitrine en remate!. Le ton était donné et le niveau montait par des derechazos, toro embarqué dans une série par le bas, liée et “templée”. Les naturelles, muleta dans le sable, et les remates sans corriger sa position, un farol lié à la passe de poitrine. Domination et entrega, étaient les clés d’un trasteo que le toro acceptait avec qualité et répétition. D’autres ayudados pour mieux fixer le toro pour le cadrer et lui porter avec décisiobn une nouvelle estocade jusqu’à la garde, desprendida. Cette fois.ci, le président sortait les deux mouchoirs en même temps. Inutile de décrire le tour de piste, lent et triomphal de ARR, les deux oreilles gagnées, porté par le public reconnaissant pour une prestation pléthorique, sans doute la plus convainquante, à ce jour, d’une saison moins brillante que d’habitude.

Juan Ortega, tant attendu, repartait sous une bronca injuste et injustifiée, tant ses deux toros ne lui avaient permis aucune expression de son art à la cape comme à la muleta, élégance et recherche de pureté et légèreté sévillanes.
Le premier victoriano-del-río, un mastodonte de 596 kg. se désintéressait de la cape dès les premiers capotazos, suelto, sans envie de combattre. L’insistance, à la muleta, pour le passer avec un mínimum de decorum, restait vaine. Les signes de rajarse du toro n’arrangeait rien à l’affaire. Deux pinchazos dont un hondo et une estocade tombée en terminaient avec cet inconsistant bovin. Avec le 4ème, la situation de Juan Ortega ne prenait pas une tournure positive. Les charges dans la cape, lançant ses pattes avant, ne permettaient aucun lance “propre”. Ce toro “humiliait” puis relevait la tête, topón, dans la cape. Ce défaut n’était pas corrigé sous la pique, rechargée exagérément par le picador qui recevait une belle bronca… L’agressivité, les charges brusques et désordonnées des deux cornes dans la muleta rendaient impossible toute tentative de toreo…Il n’y eut pas de faena. Un bajonazo compliquait encore plus les réactions du public à l’encontre de Juan Ortega qui s’était trouvé en face d’un toro à contre style…
Malgré les conditions défavorables du toro sorti 3ème, Pablo Aguado se tirait d’affaire en pratiquant un toreo tout en douceur profitant de la candeur et faiblesse de cet exemplaire qui trainait le train arrière, acceptait tout juste quelques delantales avant des simulacres de piques. Pablo Aguado possède un don, celui de andar al toro, c’est-à-dire de déplacer le toro, le toréant en marchant entre les passes avec calme et précision. Des gestes de torería, trincherazos, changement de main par devant, ayudados, un kikiriki, toute la grâce sévillane déployée devant un toro qui devenait meilleur par un tel traitement… L’épée, desprendida, ne déclenchait qu’une insuffisante pétition d’oreille. Le 6ème, de meilleures hechuras que ses congénères, passait mieux dans la cape de Pablo Aguado qui lui servait de bonnes véroniques sans ligazón car il tendait à s’appuyer vers les tablas entre chaque passe. Ce toro traînait ses pattes avant et arrière. Dès le tanteo à la muleta, les charges désordonnées du toro sur la droite déterminaient un changement de main et de terrain pour des naturelles “templées”, une à une, en dépit de coups de cornes à mi-hauteur qui n’atteignaient pas leur objectif… Peu de chose à faire: deux pinchazos en prenant la tangente, toro collé à la barrière.
| Juan Ortega: silence; bronca. Andrés Roca Rey: un avis et un oreille; deux oreilles et sortie en triomphe. Pablo Aguado: vuelta al ruedo après petition d’oreille; silence. Des cuadrillas: Fernando Sánchez – aujourd’hui de celle de ARR – ainsi que Francisco Durán “Viruta” saluaient au 5ème. Iván García et Javier Sánchez Araujo en faisaient de même au 6ème. Était primé de la vuelta al ruedo le toro “Cantaor-37” de 528 kg. né en novembre 2019. |
Georges Marcillac
Photos: BFM Toros