La semaine “torista” selon l’aception habituelle de la dernière semaine de la Feria San Isidro réunira trois corridas d’origine Albaserrada et la première, sous le ciel gris de Madrid, était celle de José Escolar Gil pour des matadors spécialistes de ce genre de toros : Rafael Rubio «Rafaelillo», Fernando Robleño et le Colombien Luis Bolivar. Pour Fernando c’était sa première corrida de la temporada et la septième fois qu’il affrontait à Madrid les toros de la ganadería de Lanzahita (Ávila) sans compter les fois qu’il s’était mesuré à cet élevage en France et plus particulièrement à Céret. On se souviendra de la geste de Fernando Robleño où face à 6 escolar-gil, il sortait triomphateur en 2012 en coupant quatre oreilles de la plaza céretane. A Las Ventas, le cartel avait attiré 15.528 spectateurs, soit trois-quarts de sa capacité. Le rendement des toros de Escolar Gil fut à l’unisson de la grisaille climatologique et humeur du public. Sans vraiment insister sur la couleur de l’après-midi madrilène, il est bon de rappeler que les toros de l’encaste Albaserrada sont habituellement cárdenos, c’est-à-dire de pelage… gris. De présentation modeste et de poids allant de 508 à 570 kg. ces toros eurent un comportement peu en accord avec leur réputation, habituellement compliqués, mais qui ce jour montrèrent parfois de la mollesse donc un manque de piquant et de caste - pas toujours la bonne - qui en faisait une caractéristique de cet élevage.
C’est pour cette raison que sans doute, Fernando Robleño n’avait jamais eu ce plaisir de toréer comme il l’a fait à son premier opposant, un toro qui sautait dans les premiers capotazos bien que parfois au contraire il clouait ses cornes dans le sable. Sous la pique, le toro s’ «endormait» et ne s’imposait pas la carioca au premier contact. A la muleta, sa charge courte empêchait l’enchaînement continu des passes mais Fernando Robleño parvenait à les réunir dans chaque série en «perdant» quelques pas. Par le jeu du poignet il maintenait ainsi la muleta à la vue du toro et pouvait répéter derechazos et naturelles avec le paraphe de passes de poitrine serrées et profondes.
Le torero, technique, très impliqué dans sa faena, résolvait sur la fin la réduction de la charge du toro en se croisant, allant vers la corne contraire. L’estocade était poussée avec décision et le trois-quarts de lame verticale, un peu tombée, nécessitait trois descabellos. La froideur de la réponse du public à cette faena surprenait. Au 5ème, Fernando Robleño touchait un toro - le plus lourd du lot - 577 kg - haut sur pattes et escurrido de carnes (pas très gros), qu’il recevait à la cape un genou en terre guidant une charge prometteuse. Après les piques qu’il recevait sans pousser, le toro ne permettait pas le quite que Robleño entamait… Le toro statique, doutait devant la muleta pour ensuite charger sèchement et le Madrilène profitait au maximum de ces entrées brusques pour allonger au maximun les passes et présenter à nouveau la muleta. Une fois de plus, le trasteo de Fernando Robleño n’était pas jugé à sa valeur. Estocade verticale très basse…
C’est au sixième que la plaza se réveillait car la sortie de «Chupetero» de 560 kg était reçue positivement pour les hechuras d’un toro fait et bien proportionné. Son déplacement à la cape de Luis Bolivar et ses charges au tercio de varas, mesurées mais franches étaient celles d’un toro brave. Hélas, tous les contacts avec le cheval étaient ratés par la maladresse du picador et ne pouvait être bien mesuré le comportement du toro sous le fer. Le public debout saluait un tercio de banderilles animé par des banderilleros férus dans cet art, Miguel Martín et Fernando Sánchez, cette fois de la cuadrilla du Colombien. La brega sobre et précise de Gustavo Adolfo García «El Jeringa» complétait ce trio de grands professionnels. La course du toro était discrète sur la gauche et plus rapide sur la droite et les banderilles clouées réunies en haut du garrot. Grande ovation. Le brindis au public était la réponse de Luis Bolivar à cette ambiance et à la promesse que supposait ce toro qu’il «citait» au centre du ruedo. La faena exclusivement de la gauche, les naturelles n’avaient pas l’intensité espérée car exécutées à mi-hauteur, donc sans le remate par le bas. Néanmoins, la transmission de la charge et l’intérêt du public pour ce toro «adopté» dès sa sortie, faisaient que cette faena était bien accueillie par le public mais aussi bien gérée par le torero. Le toro tournait rapidement sur ses antérieurs et obligeait Luis Bolivar à se repositionner pour enchaîner. A la surprise et émotion générale Luis Bolivar se jetait sur le garrot sans éviter le coup de tête du toro pour une estocade dans tout le haut. Indemne le torero mais les descabellos qui suivaient frustraient un succès assuré.
«Rafaelillo» réalisait ses faenas dans l’indifférence générale sur le même schéma sans trop se confier, souvent en mouvement avec toutefois à sa décharge des adversaires pas très faciles, le premier le «cherchait» sur la corne droite et son second, sans codicia, la tête haute (le torero n’est pas grand de taille…) avec en prime des mises à morts laborieuses, de nombreux pinchazos et un quasi bajonazo respectivement.
«Rafaelillo»: silence aux deux. Fernando Robleño : un avis et saluts ; silence. Luis Bolivar : silence ; deux avis et applaudissements.
Georges Marcillac