L’hommage rendu à Manuel Jesús « El Cid » pour la dernière course de sa carrière à Madrid et la générosité du public de Las Ventas à cet égard, explique la mansuétude avec laquelle furent traités dans leur médiocrité les toros de Fuente Ymbro pour cette quatrième corrida de Feria. Par deux fois « El Cid » devait répondre aux ovations que lui offraient les aficionados, debout, au terme du paseillo et avant que ne sorte le premier fuente-ymbro. Ceci en reconnaissance aux 60 prestations du torero de Salteras à Las Ventas, en vingt temporadas, pour ses succès, ses nombreuses corridas face aux toros de Victorino Martín dans ses mêmes arènes, ses sorties a hombros en deux occasions précisément avec des victorino-martín en 2005 et des alcurrucén en 2006. Son bilan à Madrid aurait été plus illustre si maintes de ses faenas n’avaient été gâchées par des mises à mort défectueuses... Aujourd’hui, une banderole le remerciait et le sacrait Torero de Madrid. Les deux autres matadors, Emilio de Justo et Ginés Marín, s’associaient à cet hommage en lui dédiant leur deuxième toro.
La corrida de Fuente Ymbro ne se prêtait pas à la fête. Elle montrait un manque de race, des signes de mansedumbre et, bien des fois, de faiblesse aussi. Des toros lourds, de 584 kg (2ème), 647 kg (le 5ème), 597 kg (le 6ème), un cinqueño (le 4ème), des cornes, pour des hechuras irrégulières, le mieux présenté étant le 6ème. Le second, dans une course vive à la sortie perdait brusquement l’équilibre, ne se relevait pas, les deux pattes avant ne le soutenant plus. Mouchoir vert. Tant bien que mal, de nouveau sur pattes, il était reconduit aux corrales par les cabestros bien dressés de « Florito ». Le remplaçant était un toro de cinq ans de 530 kg, de l’élevage de Manuel Blázquez (peu connu, de l’Asociación de Ganaderías de Lidia) de sang Nuñez del Cuvillo.
Manuel Jesús « El Cid » réussissait à fixer son premier au centre de la piste par des passes en delantal et une superbe demi-véronique. La course «templée» de ce toro dans la cape dans un quite par chicuelinas, augurait le meilleur. Une bonne charge pour les deux piques bien portées, mais sans pousser, laissait néanmoins entrevoir une justesse de forces. Le quite d’Emilio de Justo par chicuelinas enseignait quelque difficulté sur la corne droite qui allait d’ailleurs se confirmer au cours de la faena de muleta. Celle-ci était précédée d’un brindis cérémonieux au public et se déroulait presque essentiellement sur la corne gauche, sans « obliger » le toro qui doutait et chargeait à mi-hauteur, sans transmission. « El Cid » trouvait la distance pour enchaîner une série au cours de laquelle le toro s’était animé et permettait la ligazón. Quelques accrochages de muleta entachaient le final de quelques naturelles. La tentative à droite s’avérait infructueuse, charge courte mais aussi en direction du corps de « El Cid » qui se résignait à aller chercher l’épée de muerte pour porter un trois-quarts de lame, légèrement atravesada. Le quatrième se freinait dans les capes et fuyait vers le toril, Curro Robles le fixait dans les tablas face au T1. La vuelta de campana au sortir de la première pique et la chute sous le peto à la deuxième montraient, là aussi, les limites de forces de ce toro. « El Cid » toréait par des passes longues, de nouveau sans « obliger ». Les naturelles tracées à distance, pico ?, les derechazos avec génuflexion du toro confirmaient la faiblesse de ce dernier qui n’en pouvait plus… Desplante ! L’estocade tombait desprendida et une légère pétition d’oreille (de sympathie) n’était pas accordée, bien entendu. Malgré cela « El Cid » était invité à réaliser une vuelta comme si, d’un grand triomphe, il s’agissait. Mais aujourd’hui était un jour spécial…
Emilio de Justo s’évertuait à bien toréer le sobrero dont la course étrange laissait prévoir une chute qui n’arrivait pas, peut-être évitée par le « temple » des derechazos. A gauche, la charge se réduisait mais le torero se croisait, corrigeait sa position pour distiller des passes de bonne facture, belles passes de poitrine, naturelles pieds joints. Un avis sonnait après une estocade verticale au troisième essai suivi d’un nombre incalculable de puntillazos. Le 5ème, sans fixité, manso, cherchant la porte du toril, fonçait sur le cheval sans pousser dans le peto, sortait suelto. Statique durant le tercio de banderilles, il ne chargeait que forcé à la muleta, « cité » à la voix pour quelques passes bien exécutées, sans continuité, et pour cause. Charges courtes, coups dans la muleta, et arrêt définitif. Une estocade basse en terminait, le torero s’étant placé fuera de cacho…
Ginés Marín ne pouvait terminer sa saison à Madrid sur un succès car ses deux opposants n’étaient pas, en la matière, les meilleurs collaborateurs. Manso le 3ème, il provoquait une chute du picador – le père du torero – sans que la pique lui fût appliquée. Dans la muleta, il protestait en fins de passes. Faena inexistante. Le 6ème entrait bien dans le capote de Ginés Marín, dans les premières véroniques suivies de chicuelinas avec une larga inversée : le meilleur du jeune matador. En effet, la faena, débutée par un cite lointain allait a menos à mesure que la décomposition des charges du toro se faisait sentir. Celles-ci se terminaient par des derrotes – un desarme – et malgré ses efforts - quelques bonnes passes isolées - le torero renonçait et plaçait une estocade entière après pinchazo.
Manuel Jesús « El Cid »: silence; une vuelta ; sortie a hombros par la porte des cuadrillas. Emilio de Justo: saluts; un avis et applaudissements. Ginés Marín: silence aux deux. Belle entrée : 19.535 spectateurs. |
Georges Marcillac