Les aficionados me pardonneront d’intituler cette chronique par cette citation proverbiale tellement galvaudée surtout après une corrida comme celle d’aujourd’hui car, d’un lot intégral de mansos, un seul toro ressortait en donnant du spectacle et offrant la possibilité à un torero de couper une oreille. Ce torero fut Jesús Martínez plus connu par son apodo "Morenito de Aranda" au toro "Cetrero" sorti en cinquième position de El Ventorillo, élevage qui a perdu la catégorie d’être un des favoris des figuras ce qui devrait faire réfléchir son propriétaire Fidel San Román. Ce toro de 524 kg. - qui en paraissait plus - portait ses cinq ans et demi, negro salpicado de robe, serio por delante c’est-à-dire avec des cornes qui imposaient le respect tout comme celles de ses congénères, d’ailleurs. Pour une fois ces toros n’étaient pas protestés à leur sortie ce qui n’était pas le cas lorsqu’ils étaient emportés, sous les sifflets, par le train d’arrastre. Les deux autres matadors du cartel n’étaient donc pas bien lotis : Eugenio de Mora et "Román" Collado le jeune franco-valencien, ce dernier se tirant mieux d’affaire que son aîné. Sous un temps maussade, échappant à la pluie, cette corrida faisait l’unanimité quant à la "qualité" des toros, mansedumbre envahissante, et le public fêtait, en contrepartie les susnommés "Morenito de Aranda" et le toro "Cetrero". D’entrée, le torero entreprenait ce toro par des véroniques volontaires malheureusement souffrant un désarmé à la fin de la série. Le galop allègre et constant du toro était intelligemment mis à profit par "Morenito" connaisseur du public madrilène, par des cites lointains qui permettaient de spectaculaires entrées dans la muleta. Dans les passages suivants, sur la corne droite, le toro répétait des charges de moindre qualité malgré l’attitude du torero responsable. Une seule série de naturelles et il fallait remonter le courant par une dernière tanda de derechazos, distance et charges réduites, pour terminer par des passes par le bas et porter une estocade entière bien placée et concluante après un pinchazo. L’oreille était demandée et accordée malgré les réticences de certains aficionados. À son premier, là aussi "Morenito", par la distance des cites et sa position souvent "croisée", calibrait le manque de race du toro, suelto au début, mieux fixé à la fin, qui restait néanmoins court dans la muleta. On remarquait une bonne série de naturelles, mieux réunies, avec une bonne réponse du toro. Bon comportement du torero d’Aranda de Duero dans cette faena, des passes par le bas pour conclure par deux pinchazos qui suffisaient pour coucher ce toro sans race.
"Román" exhibait tout au long de sa première course à Madrid – il reviendra le 16 mai – la même volonté, la même vaillance, la fermeté d’un torero qui ne démordait pas devant des toros fuyards, qui se défendaient plutôt qu’ils ne chargeaient en brave ??, s’exposant aux charges brusques et inconstantes de son premier, réussissant des naturelles méritoires à un toro ingrat pour un tel effort. Estocade arrière jusqu’à la garde. Il fallut aller chercher le toro, sorti 6ème , dans ses retranchements face aux tendidos de soleil – absent à cette heure…déjà tardive – et « Roman » répétait cette façon de faire passer coûte que coûte ce dernier manso. La faena était entamée par de belles passes statuaires. L’erreur fut de se laisser entraîner ou même de conduire dans son terrain ce toro couard où « Román » écopait une voltereta magistrale, sans dommage, mais il était évident qu’il n’y avait rien à faire. Mise à mort laborieuse avec estocades incomplètes et descabellos. « Román » s’était dépensé sans compter dans des quites à la cape par gaoneras, saltillera et une élégante larga de la main droite, par tafalleras et revolera respectivement.
Eugenio de Mora passait un mauvais après-midi car ses deux opposants, c’est le cas de le dire, ne lui offraient aucunes possibilités, même pas une passe complète au 4ème acculé aux barrières et au 1er, après un début de faena à genoux, périlleux compte tenu de la charge incertaine du toro, non "humiliée" et tendance à chercher abri aux barrières. Pénible mise à mort avec des tentatives de descabellos avortées par des hachazos intempestifs et dangereux.
Les tercios de piques se déroulaient sans grands éclats, certains toros poussaient sans grande conviction sous le cheval, d’autres sortaient sueltos. Roberto Martín "Jarocho", José Manuel Zamorano et Pascual Mellinas (deux fois) de la cuadrilla de «"Morenito" saluaient aux banderilles.
Eugenio de Mora : deux avis et silence ; silence. "Morenito de Aranda" : un avis et saluts ; une oreille. "Román" : silence ; un avis et silence.
Georges Marcillac
Merci