Les aficionados a los toros, incorrigibles, croient vraiment encore au Père Noël – même au mois de mai à Madrid - selon la formule bien connue de Jean Cau (*) pour être venus assister, en grand nombre, à cette novillada où, seul, un jeune torero nommé Alejandro Chicharro en était la référence. C’est bien ce garçon de Miraflores de la Sierra (Madrid) qui n’a pas déçu ses nombreux supporters et n’a rien “laissé à l’hotel” - autre formule du jargón tauromachique - et a fait valoir son ambition et parfois ses bonnes manières face à l’adversité: les novillos de Guadaira. Ceux-ci, pourtant de bonne réputation, ruinaient les bonnes intentions des trois novilleros, le Français Lalo de María et Pepe Luis Cerugeda dont c’était la présentation à Las Ventas qui accompagnient Alejandro Chicharro. De présentations diverses, certains protestés dès leur sortie du toril, ces novillos tenaient difficilement la distance, s’éffondraient littéralement lors des faenas et deux, le 2ème et le 4ème devaient être remplacés par deux sobreros de Torrehandilla, guère meilleurs…
(*) “Les oreilles et la queue” reportaje ou chronique de Jean Cau de la temporada de 1960.
Alejandro Chicharro signait deux faenas complètes, pas très bien terminées à l’épée, ce qui le privait d’un succès assuré. La première commençait par un tanteo complété par des doblones où le jeune torero, en redondos, guidait une charge embarquée avec maîtrise et la passe de poitrine. Celle-ci le convainquait de prendre la muleta à la main gauche et la faena se déroulait presque exclusivement en naturelles, certaines excellentes d’autres moins, le novillo s’arrêtait et l’aguante de Alejandro faisait le reste pour conduire des charges courtes en des séries aussi courtes, l’animal sans trop de forces ni entrega. Le trasteo se terminait par des passes des deux mains et finalement des manoletinas et la passe de poitrine allongée au máximum. Un pinchazo. Sonnait un avis avant l'estocade entière, presque parfaite. La pétition d’oreille n’était pas suivie par le président qui récoltait une bronca. Au 6ème, Alejandro Chicharro manifestait la même volonté et commençait par des statuaires suivies d’une passe dans le dos, un ayudado por bajo de la doite et la passe de poitrine finale sans corriger sa position. La faiblesse de ce novillo limitait la durée des séries de naturelles, encore, courtes et bien dessinées et c’était tout le mérite de savoir gérer des charges quasi nulles. Arrimón final. Un pinchazo hondo suffisait pour que le novillo aille se coller aux barrières pour recevoir trois descabellos.
Lalo de María n’”accrochait” absolument pas le public qui lui réservait très peu d’applaudissements car les séries des deux mains à ses deux novillos se composaient de passes, il est vrai, sans aucun signe de mando, souvent allongeant le bras, toréant à distance, usant à répétition los vuelos de la muleta. Cela valait pour ses deux faenas dans lesquelles n’était visible aucune intention de se battre. La première, plus complète, n’en était pas pour autant l’indication d’une domination sur un novillo qui, lui, se déplaçait sans problème. Avec le sobrero de Torrehandilla, un jabonero sucio, qui améliorait ses charges aux cours de la faena, Lalo de María toréait sans s’efforcer, si ce n’est de jeter pa’fuera le novillo dans des naturelles où ne manquaient pas, de surcroît, les enganchones de la muleta.
Pepe Luis Cirugeda ne donnait pas l’image d’un novillero qui, se présentant à Las Ventas, devait à défaut d’une technique encore en phase d’apprentissage et de perfectionnement, montrer un mínimum de vaillance pour compenser des lacunes inhérentes aux débutants. On passera, donc sous silence ce passage à las Ventas…
Le côté positif de cette tarde est la prestations des subalternes, ceux de la cuadrilla d’Alejandro Chicharro tels Raúl Ruiz à la brega et aux banderilles, “Tito” Robledo aux banderilles et Juan Carlos Rey qui saluait après deux paires risquées à toro presque arrêté mais poursuivi jusqu’à la barrière. Se distinguaient avec les palos José Luis López “Lipi” de la cuadrilla de Lalo de María et David Adalid, mentor de Pepe Luis Cirugeda, qui lui aussi saluait au 5ème. Alberto Sandoval, picador de Lalo de María piquait avec métier et astuce le manso 4ème titulaire et le sobrero.
Lalo de María: silence aux deux. Pepe Luis Ciruguda: un avis et silence; silence. Alejandro Chicharro: un avis et vuelta al ruedo: un avis et saluts. 18.547 spectateurs. Temps chaud, absence de vent. |
Georges Marcillac