A quelques jours près, la corrida du solstice d’été de Las Ventas marquait le début d’une dynamique taurine qui, nous l’espérons, ne s’arrêtera plus jusqu’à la fin de l’année. De nombreuses plazas espagnoles célébraient leurs fêtes habituelles de la Saint Jean, seule Castellón de la Plana avait déplacé les fêtes traditionnelles de La Madeleine à ces derniers jours – plus chauds qu’en mars… - et les rubriques taurines se garnissaient des succès des figuras, dans une renaissance que le monde aficionado a los toros attendait avec impatience et aussi avec quelques doutes et un signal d’alarme... Las Ventas, à l’instar des autres arènes, avait réduit le nombre de spectateurs pour les raisons sanitaires aujourd’hui familières, mais la limite à 6.000 spectateurs n’a pas été atteinte… Plusieurs questions se posent. Il faudra que les empresas tiennent compte de ce phénomène : le retour aux arènes, hormis pour les « mordus », n’est plus désormais une évidence ou même une nécessité pour certains aficionados ou public en général lorsque, à cela, s’ajoutent les possibles difficultés économiques de certains et la crainte du Covid 19 toujours « dans l’air » des autres…
Revenons à la corrida du jour qui présentait un cartel qui n’incitait pas trop au déplacement si ce n’était l’attrait de la corrida de Victorino Martín face à un spécialiste, Manuel Escribano, et à deux autres matadors, l’un peu connu Sergio Serrano, l’autre peu aguerris comme Saúl Jiménez Fortes. Le lot de victorinos, six cinqueños, pourvus d’armures imposantes, réservaient les difficultés inhérentes à l’encaste. Les trois premiers, furent les toros les plus compliqués et difficiles avec en particulier la caste irrégulière du second qui rendait le combat positif et intéressant de Sergio Serrano, auxquels il faut ajouter le sixième qui n’acceptait aucune passe, qui occultait sa mansedumbre, sur la défensive. Par contre, le 4ème et surtout le 5ème de 544 kg, nº27, né en novembre 2015, brave et de grande classe, relevaient la note d’ensemble des produits de « Las Tiesas ». Ce dernier « Venenoso » s’était débarrassé de son venin, transmis à ses congénères, pour ne conserver que la bravoure exhibée sous les piques et tout au long de la faena de Sergio Serrano.
Manuel Escribano recevait ses deux toros a porta gayola sans grande efficacité si ce n’est l’émotion latente que cette suerte risquée suscite. Son premier, juste de forces, sans grande envie de charger, se retournait la tête à mi-hauteur dans la muleta, ou bien s’arrêtait pour ensuite aller vers le corps du Sévillan qui lui portait une bonne estocade d’effet immédiat. Le 4ème sortait au pas du toril pour ensuite charger à grande vitesse ce qui permettait un brillant tercio de banderilles et un début de faena de muleta spectaculaire par un péndulo doublé et passes de poitrine. Le manque de continuité de cette faena était dû à la recherche, de la part de Manuel Escribano, de la bonne distance pour engager les charges qui s’avéraient limpides et «humiliées». Ainsi les naturelles, une à une, et les passes de la droite revêtaient une grande importance lorsqu’elles étaient liées. Une grande estocade mettait fin à un trasteo méritoire mais décousu. L’oreille était demandée, concédée, mais protestée par le Tendido 7, aujourd’hui clairsemé. Aux banderilles, la suerte du violín et le quiebro au fil des barrières, respectivement au 1er et au 4ème étaient les plus remarquées et applaudies.
Sergio Serrano, est un torero déjà vétéran - né en 1985 à Albacete - dont la qualité première est la revendication de sa condition de matador à chaque occasion qui lui est offerte comme aujourd’hui, à Las Ventas, devant les victorinos. Il coupait l’oreille du 5ème, un toro de belles hechuras, qui chargeait de bonne allure et poussait sous le fer de Tito Sandoval ; tardo aux banderilles, il passait avec lenteur dans la muleta, mieux à droite qu’à gauche. Sergio Serrano profitait de ces qualités pour lier des passes, longues la plupart et bien terminées par les passes de poitrine. L’ «humiliation» au ralenti de « Venenoso » faisait merveille. Une estocade, sincère et engagée, tardait à faire son effet, le toro s’écroulait enfin sans le descabello. Le 2ème, sans trop de force au début, se récupérait avec vigueur pour compliquer ensuite la tâche du matador, se retournait vivement en fin de passes ou lançait un derrote. Valeureux et clairvoyant, Sergio Serrano baissait la muleta et réussissait des derechazos que le toro acceptait à la fois avec vigueur et temple. Sur la gauche, ce toro ne finissait pas la passe. Un pinchazo et une affreuse estocade, très basse et de côté, concluaient de mauvaise manière une faena par ailleurs très méritoire.
Saúl Jiménez Fortes débutait sa faena sur la gauche car, dès sa sortie, le 2ème, un peu suelto, se serrait sur le côté droit. Tercio de piques sans histoire, la deuxième était prise après un bel élan, la tête basse dans le peto. Courtes, les charges aux banderilles. Selon le style du Malagueño, les naturelles, de profil, étaient très serrées mais entachées au final, le toro sortant la tête en l’air. La tentative de la droite ne durait que deux passes car aussitôt après, le toro cessait de « mettre » la tête et mettait en danger « Fortes ». Plus rien à faire sur la gauche. Un avis sonnait après un pinchazo et une estocade un peu tombée. Le 6ème, un toro veleto, donnait de la tête dans la cape de « Fortes » et fuyait aussitôt après les capes des subalternes. Sous la pique, ses coups de tête dans l’étrier du picador auguraient son caractère de manso, pas toujours évident, jusqu’à la faena rendue impossible par un gazapeo constant et une charge à la défensive dans la muleta. La série de pinchazos et une estocade entière, en terminaient avec ce désagréable exemplaire.
Manuel Escribano : applaudissements ; un avis et une oreille. Sergio Serrano : un avis et salut au tercio ; une oreille. « Fortes » : un avis et silence ; silence. Le picador «Tito» Sandoval recevait une ovation et notable attitude de la cuadrilla de Sergio Serrano au 5ème. Les toros, « Galapagueño » (4ème) et «Venenoso» applaudis à l’arrastre. Sifflets aux 1er et 2ème à l'arrastre. |
Georges Marcillac
Photos de cultoro.com