Le toro de Madrid n'a toujours pas fait son retour à Las Ventas avec le lot d'Alcurrucén pourtant toujours très attendu ici. Dans ce lot disparate en présentation et en comportement, c'est le sixième exemplaire qui a eu les qualités de charge, de fixité, de noblesse qui ont permis à Ginés Marín de montrer toute la décision et la sincérité de son toreo. El Juli facile, et sans forcer, a fait le job et coupé une oreille à son premier dans la controverse comme c'est habituel pour lui ici.
La corrida débute avec un Acurrucén bas, lourd, corniapretado qui "humilie" en freinant dans la cape d'Álvaro Lorenzo qu'il désarme par un hachazo périlleux. Au cheval le toro s'emploie sans excès en deux rencontres mesurées. L'animal est prompt à répondre aux cites mais tire des coups de tête en entrant dans les capes. El Juli confirme l'alternative à Álvaro Lorenzo devant "Fiscal" d'Alcurrucén né en 09/12 marqué du nº 26 et pesant 545 kg. Les premiers muletazos par le haut accentuent la tendance du toro à tirer des derrotes. Dans les premiers derechazos la charge est rebrincada. Le confirmant baisse la main mais se fait accrocher la muleta. Lorsqu'il prend la gauche la charge est éteinte et le toro sur la défensive. Álvaro Lorenzo tente de rester dans le terrain du bicho pour tirer quelques derechazos sans relief. L'arrimón final est diversement apprécié. Entière caída. Palmas et salut.
Contrairement à ce qui aurait dû être le cas, Julian Lopez "El Juli" se charge du second toro de la tarde un exemplaire limite de présentation, acapachado de cornes. El Juli le teste plus qu'il ne le torée de cape. L'Alcurrucén est un manso qui fait le tour des montures au gré de ses échappées. El Juli dessine des chicuelinas sur le passage dans une certaine indifférence. Dans la troisième rencontre au cheval le toro se fixe. Gaoneras serrées de Ginés Marín. Cérémonie de restitution des trastos avec Álvaro Lorenzo. El Juli débute la faena par muletazos droitiers de poder, par le bas sur la corne gauche et par le haut vers la droite. Il trouve immédiatement la distance et la position pour faire répéter le bicho sur les deux cornes. L'animal proteste en fin de muletazos et El Juli lutte main basse pour le faire obéir. Il y arrive en fin de faena lorsque le toro abandonne le combat. Entière caída. Pétition et oreille accordée in extremis dans la division.
Ginés Marín confirme avec un torito nommé "Favorito" nº 60 né en 11/12 et pesant 506 kg. Ce dernier exhibe un comportement de manso refusant de répéter dans la cape du toricantano. Il s'emploie toutefois sous le fer, mal porté comme fréquemment. Quite en douceur par gaoneras d'Álvaro Lorenzo. El Juli confirme l'alternative à Ginés Marín. Brindis au public. Après des doblones qui révèlent la limite des forces du toro, Ginés Marín le passe à droite dans des muletazos insipides malgré la charge noble du bicho. À gauche c'est un parón de faiblesse soutenu par le jeune torero qui ravit le public. Le matador insiste sur les deux cornes face à un toro arrêté et lui vole des muletazos qui plaisent aux esprits les plus ingénus. Les bernadinas, où la muleta bouge plus que le toro, finissent de les convaincre. Trois pinchazos en lo alto avec avis et descabello. Palmas et salut au tercio.
Le quatrième est combattu par El Juli. Il est fin et armé et fait une sortie vive des chiqueros avec des courses vibrantes. El Juli le passe en véroniques aisées dont une toréée à droite. Le bicho tarde à aller au cheval mais s'y emploie finalement. Tentative de quite de El Juli avortée. La seconde rencontre est un choc contre le peto, rien de plus. Álvaro Lorenzo au centre, passe un long moment pour donner deux chicuelinas et une demie véronique à un bicho statique. Cette caractéristique rend la tâche de la cuadrilla compliquée au second tiers. Cérémonie de restitution des trastos par Ginés Marín. El Juli va chercher le toro et le mène au centre du ruedo. Avec confiance, il lui offre la muleta en redondos sur les deux cornes avec une gestuelle épurée et minimaliste qui porte sur les tendidos. Les forces et la volonté de combat du bicho vont rapidement a menos et les muletazos deviennent isolés. Le maestro insiste avec une touche de tremendismo qui accentue la division sur les tendidos. Pinchazo et 3/4 de lame dans le plus mauvais style, en évitant de passer la tête avec les facultés d'un athlète olympique. Descabello. Palmas et salut au tiers avec division.
Le combat du cinquième revient à Álvaro Lorenzo. C'est un exemplaire montado, bas de croupe, long comme un wagon, qui doute longuement. Il fait des va-et-vien hésitants dans la cape du confirmant. Au cheval l'Alcurrucén met les reins de mas a menos finissant par des coups de tête. Il tarde longuement à prendre la seconde puya. Quite laborieux de Ginés Marín par chicuelinas. Brindis au public. La première série de mise en valeur se transforme en tanteo dû aux hésitations du toro. À droite, le bicho répète en voulant accrocher le leurre. Álvaro Lorenzo le canalise avec efficacité faute de profondeur. A gauche l'embestida est meilleure mais le toro se fait prier pour charger. Álvaro Lorenzo se livre alors à un arrimón à toro arrêté. Entière contraire et atravesada. Avis. Palmas et salut au tiers.
Ginés Marín termine cette corrida de double confirmation face à un exemplaire haut, montado, à l'armure réduite et resserrée. Le toreo de cape est exécuté pour la forme. Le toro obtient une chute de la cavalerie totalement fortuite. Quite de El Juli par véroniques sur la corne gauche exclusivement. Suivant le chemin indiqué par son parrain, Ginés Marín profite des charges à gauche en début de faena. Les muletazos sont long main basse et toréés. Le public est réceptif. Le jeune torero répète avec la même réussite à droite en se retournant toujours dans un mouchoir de poche. Le toro est fixe et noble, sa course suave et étendue. Ginés Marín lui fait honneur dans une faena qui culmine dans une naturelle en redondo interminable. Alors que le bicho veut abandonner, il lui sert une fin de faena vers les planches brillante. Entière desprendida dans l'euphorie collective. Pétition majoritaire des deux oreilles accordées. Ovation au toro.
René Philippe Arneodau
Autant j’étais en accord avec l'analyse de René Philippe sur la corrida de Cuvillo dont
l'encierro a réussi à endormir las Ventas et à réveiller quelques centaines de puristes du
tendido 7 réclamant des toros à la place de ce défilé de sosos qui ne transmettaient rien,
je suis plus réservé sur son commentaire de la corrida d'Alcurrucen.
Pour ma part j'ai été tenu en éveil par une corrida encastée, enfin! Bonne ou mauvaise caste? cela reste à définir mais des toros qu'il fallait dominer, ce que le Juli faisait avec
aisance et son habituel truquage à la mort. Quant à Lorenzo, il passait totalement à coté
de son premier faute de toréer profilé, fuera de cacho, sans jamais obliger ce toro.
A son second il réctifiait un peu le tir.
Bravo à Gines Marin pour son entrega et sa vista. Si la deuxième oreille est un peu
contestable pour Madrid cela sera en tous cas un encouragement pour la poursuite de
sa carrière.
En toute amitié
Paco