Madrid 21 mai 2025 - 11ème de la San Isidro - Saúl Jiménez Fortes frappe à la porte des figuras dans un après-midi de Puerta Grande, perdue avec l’épée et réduite à une vuelta.

Le lot d’Araúz de Robles, bien présenté, complété en sixième par un Castillejo de Huebra, a exhibé sosería, un fond de mansedumbre et un manque de caste. Face à de tels opposants, Fortes a pris possession d’un terrain dans l’espace des toros, un terrain que seul une poignée de matadors ont visité dans l’histoire de la tauromachie. Dans l’actualité, ce sont Morante de la Puebla et José Tomás qui sont adeptes de ces territoires, avec une mention aussi pour Juan Ortega, à qui il manque, pour l’instant, la régularité et la détermination des sus-mentionnés. Dans ces terrains à la portée des cornes, Fortes a dessiné les muletazos les plus purs de la Feria jusqu’à ce jour, et parmi les meilleurs, à coup sûr, de la temporada. Les quelques fois où le toro l’a mis hors trajectoire, par un retour de passe incomplet, il a toujours dessiné des trajectoires de l’extérieur vers l’intérieur, à quelques centimètres des chevilles, dans une verticalité qui ne permet pas d’abuser de la corne contraire ou de passer la charge vers l’extérieur. Les deux autres partenaires de cartel n’ont pas démérité, particulièrement Morenito de Aranda, qui a effectué un effort notable tout l’après-midi.

Le premier de Morenito de Aranda va droit dans ses charges et donne des coups de tête dans la cape maniée avec méthode par le matador. Le bicho a du mal à entrer en courbe et n’humilie pas. Il pousse dans une première carioca, dont il sort seul, et refuse la seconde confrontation, devant être placé à proximité. Cette fois, il rue des pattes arrière et s’échappe. Quite laborieux de Fortes par chicuelinas. Sur son premier muletazo, Morenito est désarmé. Suivent des doblones appuyés et précautionneux à la fois. La charge est brusque. Les droitières sont construites pour gérer cette charge ainsi que les retours vivaces du Araúz de Robles. La charge n’est pas conduite, mais absorbée avec efficacité en trois séries. À gauche, elle est tout aussi violente avec un calamocheo, que le matador arrive à canaliser dans une paire de naturelles. L’effort du matador est visible dans le placement et l’exposition. Pinchazo après que le toro a longuement refusé le cadrage. Avis. Un autre pinchazo est suivi d’une épée perpendiculaire, caída, trasera et atravesada. Silence.

Le second de Morenito de Aranda refuse longuement de se soumettre à la cape du matador, qui finit par le passer en véroniques "templées" et la demi-véronique dans les terrains du centre. Le toro est actif et sans classe sous le fer une première fois, puis entre et sort de la seconde rencontre au cheval. Quite par véroniques et la demie de Fortes, celles sur la corne gauche, accrochées. Deux paires de banderilles de poder a poder, face à une charge rapide, sans rompre, et en posant au balcon, obligent Iván García à saluer sous l’ovation. Au centre, Morenito encaisse le calamocheo dans des derechazos exécutés de fuera por dentro. Averti lors de la tentative suivante, il passe à gauche, où la charge imparfaite est conduite avec effort. En sortie de seconde tanda, il est poussé à terre. Suivent des derechazos donnés un par un en se croisant entre les passes. Une série à gauche, en tenant son terrain, permet à Morenito de démontrer sa domination sur la médiocrité du bicho. Ayudados et pase del desprecio apportent la touche finale. Trois pinchazos et avis retirent l’espoir d’oreille. Le toro s’allonge et il est achevé à la puntilla. Salut.

Fortes affronte un premier toro volumineux de belle présentation. Les véroniques vont a más, alors que le bicho charge avec la corne contraire lorsqu’il passe à gauche. Face au cheval, le toro entre et sort promptement sur quite du peón. Placé loin, il y retourne, mais sa bravoure est mitigée. Quite poussif d’Adrián de Torres par chicuelinas et revolera. Fortes entame son trasteo aux tercios par doblones, derechazo et pase de pecho avec temple. La charge est douce, tirant à molle, et le matador se confie. Souvent de face ou de trois-quarts, il poursuit à droite en ayant du mal à transmettre. À gauche, il est totalement engagé, dans le terrain du bicho, toréant avec douceur, même lorsque la charge se raccourcit, agrémentant sa série d’un kikiriki de remate. Le sommet de la faena intervient à droite avec les mêmes qualités que précédemment et, en plus, avec des détails et recours lorsque la charge est courte, sans jamais douter ou perdre du terrain face au toro. Quelques ayudados font jaillir les olés. Puis, deux pinchazos en s’appuyant sur l’épée et une entière desprendida retirent tout espoir d’oreille. Ovation et salut.

Le cinquième est un tío, veleto, qui permet à Fortes de dessiner trois véroniques "templées" et profondes avant que l’animal n’hésite et ne retienne sa charge. Piqué trasero par deux fois, le toro pousse, puis sort seul. Brindis au public. La prise de contact par doblones, toreo par le haut, trinchera et trincherilla font naître les premières émotions. La série droitière initiale est facile, parfois de fuera por dentro, c’est-à-dire avec des trajectoires exposées lors du passage du corps. La suivante domine pleinement le toro sans laisser un centimètre de marge d’erreur au matador. Même si le toro devient tardo dans le passage suivant, les passes, elles, sont de grande qualité. À gauche, alors que le toro gratte le sable, Fortes "cite" dans le terrain de ce dernier et tire les meilleures naturelles que l’on puisse voir, de nos jours, dans l’escalafón. Il reste totalement engagé dans les cornes en tirant des derechazos d’une grande profondeur. Malheureusement, il "pinche" sur le flanc alors que sonne l’avis. Entière trasera, atravesada, portée dans un style peu orthodoxe. Vuelta triomphale.

Le premier d’Adrián de Torres est volumineux, montado et corniapretado. Il déambule sans fijeza jusqu’à ce que le matador le mène au centre en brega. Mal piqué, le toro met les reins lors d’une longue carioca. Pendant la seconde puya, la entrega du bicho n’est plus la même. Morenito de Aranda tente un quite rendu impossible par la distraction du toro, la même qui complique la conduite du second tiers. La faena débute vers les toriles. Les premières charges sont vives, voire même exigeantes. De ce fait, l’intention initiale de toreo se transforme en tanteo. Au centre, où le matador l’a mené, le toro n’a pas du tout la même intensité. Il charge au pas, s’arrête, est gazapón entre les passes. Le torero tâtonne à droite, puis s’expose à gauche avec aguante. Le toro veut rajarse. De Torres insiste, arrache des derechazos, puis, peu à peu, le bicho l’emmène à sa querencia. Plusieurs pinchazos, avis, entière contraire. Sifflets au toro. Silence.
Le dernier Araúz de Robles se désarticule dans les premières passes d’Adrián de Torres et doit être changé. Le sobrero de Castillejo de Huebra est un tío massif et très armé. Il charge tête haute et finit au sol dans la brega du matador. Manso aux piques, il fuit une fois, puis donne des coups de tête et pousse sans détermination. Un dernier picotazo sans toucher le peto termine le tiers. L’animal a tout du bovin de ferme. Brindis étonnant au public. Le toro va et vient dans les ayudados. Comme il ne baisse pas la tête et avance avec sosería, les muletazos perdent en intensité. De Torres s’efforce sur les deux cornes, accompagné des protestations d’un certain secteur du public. C’est à gauche que les muletazos sont les moins fades. À droite, le bicho sautille et bouge la tête. L’effort a peu de sens, et les accrochages de muleta sont nombreux. Deux pinchazos et demi-lame desprendida et tendida. Deux descabellos. Silence.

René Arneodau

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