Superbe de présentation, la corrida de Torrestrella a donné un jeu varié, encasté, épicé avec aussi des scories qui ont rendu la corrida intéressante. Tous les toros ont été applaudis à l'arrastre. Face à ce lot de relief, deux toreros faisaient leur présentation dans les arènes de Vista Alegre, à savoir Gonzalo Caballero et Luis David Adame. Comme hier, un peu moins d'une demie arène allait assister à la confrontation entre une ganaderia qui tranche avec les plus prisées par les figuras. Ces derniers laissent le soin aux débutants de tenter de dompter cette épreuve qui ne leur sied point. Dommage car le lot n'avait rien d'impossible et il serait intéressant de voir ce que les toreros aguerris seraient capables de faire face à ces exemplaires.
Beau le premier Torrestrella, cornalón. "Román" Collado reçoit le bicho par delantales, véroniques pieds joints et véroniques en passant les cornes près du corps, pendant que la toile est souvent accrochée. Une bonne première pique des deux protagonistes est suivie d'une puya trasera. Gonzalo Caballero, avec un quite brouillon par gaoneras, oblige Román à répliquer. Il le fait avec la même suerte et le même défaut d'accrochages de cape - enganchones. Suite à un bon second tiers, en particulier de Raúl Marti, Román offre son toro au public. Celui-ci répond aux premiers muletazos par une génuflexion. Il est cependant vif et galope, mettant à l'épreuve le torero qui le laisse frôler ses jambes dans les derechazos. Poursuivant à gauche, toujours bien placé et le corps de trois-quarts, Román manque de temple face au calamocheo du toro. Les scories ne retirent rien à sa sincérité. Il refuse d'abandonner lorsque l'animal le regarde à droite. Le final par manoletinas précède une épée contraire portée avec un engagement total sortant accroché dramatiquement de la suerte. Palmas au Torrestrella. Ovation et salut pour Román qui méritait de faire la vuelta.
Le quatrième n'humilie pas du tout dans la cape de Román. Le picador exécute une carioca qui n'empêche pas le Torrestrella de charger de loin pour la seconde pique portée avec plus de classicisme par "Chocolate". La tête relevée du toro rend compliquée et dangereuse la réalisation du second tiers. Brindis personnel. Román débute son toreo en tablas puis, comme s'il s'était trompé, va au tercios où il poursuit à gauche. La sensation est celle d'un torero sans idée qui torée sur le voyage . Le toro distille ses charges tête à mi-hauteur. C'est à droite que vient la rencontre entre le torero et le toro qui enfin "humilie". La meilleure est la première. Ensuite le Torrestrella relève à nouveau le museau en perdant de la vivacité. La faena se convertit alors en arrimón avec une dose notable d'aguante. Entière basse. Avis. Applaudissements au toro. Ovation et salut.
Le second de Torrestrella burraco, montado, corniapretado, tire des derrotes dans la cape de Gonzalo Caballero. Le bicho fait basculer de sa selle et chuter le picador avant qu'il ne remonte sur sa monture pour porter une excellente seconde pique. Dès lors le toro change de comportement et met à l'épreuve les cuadrillas au second tiers. Brindis personnel. Le toro appuie fort dans les premiers muletazos avec des charges rageuses et désordonnées. Le Madrilène ne le soumet pas dans les premiers muletazos, puis insiste avec courage mais sans domination à droite. À gauche il n'en place pas une, regardant les cornes lui frôler la poitrine. Pinchazo et entière contraire, trasera et atravesada. Palmas à ce toro encasté aux nombreuses complications. Silence au torero.
Le cinquième Torrestrella charge la cape de Gonzalo Caballero avec un certain désintérêt mais aussi avec violence et sans "humilier". Le combat sous le fer est intermittent, avec peu de conviction de la part du toro. Luis David Adame choisit de réaliser un quite par navarras et revolera bien choisies en cette circonstance. Brindis au public. Caballero accompagne les premières charges à mi-hauteur, au niveau du port de tête du toro. Les derrotes en sortie de muletazos donnent la sensation d'un manque de domination. Un avertissement sans frais sur la corne gauche renvoie le torero sur la corne opposée. La volonté du jeune torero est diversement appréciée sur les tendidos qui prennent partie pour le toro. Deux naturelles et pase de pecho isolés en fin de faena confirment que Caballero n'a pas su construire la faena la plus appropriée. Il se déboite l'épaule lors de la première entrée à l'épée. Un pinchazo profond et plusieurs descabellos avec un avis valent au torero des sifflets. Palmas au toro.
Superbe troisième toro qui charge avec classe dans la cape variée du Mexicain Luis David Adame. Il prodigue véroniques, chicuelinas et revolera. Le torero est "a gusto" dans les chicuelinas marchées et la larga cordobesa de mise en suerte pour une bonne première pique. Le toro en sort distrait avant de prendre une moins bonne seconde pique. Román exécute des tafalleras peu raffinées, auxquelles L.D. Adame répond par zapopinas mobiles et néanmoins ajustées. Brindis au public. Au centre s'enchainent péndulo et pase de pecho doublés des deux mains. Les charges droitières sont vives, nobles et par le bas. Le Mexicain en profite en cherchant l'angle mort autour duquel tourne les toros dans le toreo moderne. Le bicho va rapidement a menos et la musique joue. Cette baisse de régime se confirme à gauche où le calamocheo remplace l'"humiliation". La fin de trasteo est anodine sauf pour les accrochages lors des bernadinas qui émeuvent les tendidos. Entière al recibir. Palmas pour le toro et oreille.
La dernier opposant passe avec distraction dans la cape d'Adame. Celui-ci le fixe par véroniques et avec brio au centre du ruedo. Le toro saute à hauteur de selle pour la première puya. Le quite de Luis David est par medio farol, et caleserina enchaînés. Román donne un quite par chicuelinas et espaldinas après une seconde pique réduite au minimum. Miguel Martin salue pour sa bonne prestation au second tiers. Brindis au public. L.D. Adame débute par estatuarios que le Torrestrella prend avec temple et noblesse. À droite le Mexicain conduit la charge avec détermination en tenant son terrain lors de la première série. Ensuite l'ensemble se dégrade. La maturité apparente du torero ne lui permet pas de solutionner les exigences de distance et de rythme du toro qui, quant à lui, hésite à se livrer. Des virevoltes et manoletinas ponctuent une prestation décevante. Épée tendida et atravesada. Palmas au toro. Palmas au torero et salut.
René Philippe Arneodau