La corrida du Puerto de San Lorenzo et Ventana del Puerto, bien présentée dont trois dans la lignée del Pilar les 2, 3 et 4. La corrida est sortie en piste avec une tendance marquée à la mansedumbre qui se notait par le fait que les toros étaient coureurs (abantos), plus tard marcheurs (andarins), qu'ils cherchaient soit la sortie, soit évitaient de voir le cheval, soit sortaient seuls de la rencontre avec la cavalerie, pour donner quelques exemples. Mais ce qui leur a manqué le plus et qui aurait fait la différence pour les toreros c'est la poussée, c'est-à-dire le fait de rentrer dans la muleta avec conviction, avec une certaine inertie (sauf le 2 violent et dangereux, et le quatre ayant un peu de recogido). La mollesse de leurs charges a réduit le niveau de transmission des muletazos et les toreros n'avaient pas dans leur répertoire les outils pour faire monter l'intensité. Sauf Adame, par la force des choses, puisque son opposant était dangereux et que cela s'est vu.
Alberto Aguilar ouvre les hostilités avec un toro bas, fort, cornes en cuillère (acucharado) qui se freine dans la cape sans mauvaises intentions et se colle plus par distraction. Cet exemplaire va au cheval par lui-même en poussant mais sort en trébuchant. Le quite d'Aguilar par véroniques est donné sur la corne droite. Le bicho est distrait, il manque de fixité (fijesa). Il essaye d'éviter puis sort seul de la deuxième rencontre. Le Puerto se plaint des banderilles bien posées par Raul Ruiz. Le Puerto fera mine de rajarse (abandonner) à plusieurs reprises et Aguilar le torée sur le voyage en agrémentant, par nécessité, de détails comme des trincherillas ou faroles. Certains muletazos sont de qualité, l'ensemble manque de fond. Entière en arrière et tendida. Avis. Quelques applaudissements et salut. Son second colorado et sérieux fait une sortie en abanto. Les véroniques ne le fixent pas plus et le toro ne termine pas les passes. La pique est mal portée et le Ventana ne pousse pas. Quite d'Aguilar par chicuelinas et revolera. La seconde rencontre est portée en arrière et le bicho veut en sortir dès que possible. Fortes entre en quitte par gaoneras et revolera alors que l'animal trébuche et embiste sans classe. Brindis au public. Ce toro peu piqué est celui qui a montré le plus d'inertie dans les passes données par Aguilar qui en profite sans obliger l'opposant. Il donne de la distance au début des séries qui sont liées mais ne transmettent pas aux tendidos. Pinchazo et quasi entière dans la croix. Quelques applaudissements au toro et Silence. Aguilar affronte en dernier le toro qui aurait du échoir à Adame. Un bicho sérieux entre acucharado et cornigacho. Comme les autres il est abanto et désintéressé. Les véroniques sont données sur le voyage. Le Puerto va a menos au cheval. Il s'apitoie en banderilles durant lesquelles Raul Ruiz s'est à nouveau distingué. La faena débute par doblones mieux réussis à droite. Le toro derrote dans les passes et Aguilar se tient fuera de cacho. Il n'y a ni entrega du toro, ni du torero et le public finit par protester lors des naturelles aidées de fin de faena. Entière desprendida et silence.
Le second de l'après midi, un Ventana del Puerto, échu à Joselito Adame est reçu à puerta gayola. Agenouillé très près du toril, le Mexicain manque de se faire emporter. Il attaque ce tio par véroniques, chicuelinas, revolera. L'animal est un manso qui pousse la tête haute sous la première pique, puis évite d'y retourner et enfin sort le plus rapidement possible. Le début de faena est donné par estatuarios, trincherillas et desprecio, la muleta étant touchée. Au centre les derechazos sont livrés en mode bagarre. Le toro est violent et Adame tient la main à mi hauteur. Ont sent que le toro est en train de gagner la partie même si Adame se comporte en vaillant. A gauche le toro n'humilie pas et ne termine pas les passes. C'est au retour à droite qu'Adame est pris violemment. Il donnera une dernière série à gauche en boitant et KO debout. Entière basse. Palmas et salut.
Jimenez Fortes débute avec son premier par véroniques en gagnant du terrain, chicuelina et demie. L'embestida est désordonnée. Tito Sandoval pique sans être remarqué et plutôt mal, ce qui confirme bien que lorsqu'il fait le spectacle avec brio c'est que son Maestro l'y a autorisé. Fortes mélange les doblones et quelques muletazos par le haut pour débuter. Au début les embestidas semblent décomposées, puis lorsque Fortes laisse la muleta morte devant son opposant, avec ttranquilité, il arrive à tirer des muletazos templados sur les deux cornes, dans son style al hilo ou fuera de cacho. En fin de faena le toro va loin et par le bas. Fortes a trouvé la distance. Il se profile de loin pour une entière en avant (delantera), contraire et atravesada. Silence. Son second est bas, ouvert de cornes avec du trapio. Le Puerto jette les pattes en avant en derrotant à tel point que dans une véronique il emporte Esau. Mal piqué le toro est sans classe au cheval. Aguilar entre en quite par delantales sur la corne droite. Carretero est applaudi pour sa brega. Le brindis au public est interrompu par une charge inopinée. Fortes donne des estatuarios, trincherillas et passe du desprecio. Quelques applaudissements. Suivent des séries jambe de sortie effacée qui ne transmettent rien ici à Madrid. Il s'agit d'un toreo qui ne porte pas sur le toro et qui n'a pour but que d'embarquer le bicho dans des virevoltes non significatives. Fortes n'arrive pas encore à le faire avec la virtuosité des figuras qui en on fait leur fond de commerce mais qui évitent de venir à Madrid où le subterfuge ne passe pas. Mais pour encore combien de temps ? Le toreo moderne est en passe de tout emporter sur son passage. Epée en arrière et desprendida. Silence.
Arènes remplies au 3/4 par beau temps.