La bien présentée corrida de Fuente Ymbro, médiocre en race et comportement, a rencontré le cœur et les mains fermes d’un maestro dans sa plénitude, Daniel Luque. Le seul bémol à la présentation sera les bolitas des cornes qui deviennent l’état normal de celles-ci par les temps qui courent. Quant au torero de Gerena il est à l’origine d’un après-midi de grand mérite qui fait de lui un des toreros les plus intéressants du moment.
Finito de Cordoba, dont l’élégance naturelle contraste avec la fragilité de son toreo, est un maestro dont la longévité s’explique (30 ans d’alternative) par sa capacité à offrir des instants magiques, des fulgurances sublimes comme avec son capote dans les arènes de Cordoba, il y a quelques heures à peine. Son premier adversaire charge la cape avec les pattes en avant et de manière irrégulière. Finito distille une véronique profonde et deux demies parmi d’autres lances irréguliers. Au cheval, l’animal accuse l’épreuve en une seule rencontre et pendant le second tiers il doute, gratte le sol et montre des signes de faiblesse. Muleta en main, Finito allonge le bras en ligne droite puis termine la première série en courbe. Ce sont les muletazos en courbe sur la corne droite qui arrachent les premiers Olés. Le torero tente entre chaque passe de donner de l’espace au toro en reculant d’un pas ou deux. A gauche sa confiance déjà limitée, baisse encore d’un niveau. Avec l’épée le matador se tient à la distance que lui permet l’allonge de son bras et sans intention de porter une épée entière. Divers descabellos. Silence.
Le second adversaire du torero de Córdoba est armé à la Samuel Flores. Ses charges longues ont le défaut d’exécuter un retour vers la cape en effectuant arc de cercle qui ne permet pas de se confier. Le combat du bicho au cheval, en deux rencontres, est réalisé en donnant des coups de tête sur une corne, sans pousser. Le FY conserve un tranco véloce au second tiers. Dès le début de faena le toro se décompose, tire des derrotes, hésite avant de charger et gratte le sable. Finito n’a pas le tempérament pour faire un grand effort, ce qui explique le tanteo méfiant mais toujours avec élégance. Les entrées a matar sont préparées et portées avec toutes les précautions justifiées par les incertitudes d’un bicho allant de mal en pis. Une demi-lame défectueuse et descabello sont ponctués par un avis. Silence.
David Fandila "El Fandi" affronte un premier adversaire légèrement veleto, auquel il livre une variété de passes de cape pour animer les humeurs. Le toro pousse, tête à mi-hauteur, sous une pique qui précède un quite brusque du matador par chicuelinas et revolera. Le second tiers, réalisé par le maestro, est comme de coutume aisé et spectaculaire , incluant un violin por dentro. Le début de faena est incertain, le torero hésitant face à une charge du même acabit. Il résout la difficulté en prodiguant des séries plus spectaculaires que profondes jusqu’à ce que le toro se fige. Deux pinchazos précèdent une entière trasera et caida, le tout au pas de charge, bras tendu, muleta posée sur le front du toro. Silence.
Le cinquème est reçu par le Fandi le long des tablas par une larga afarolada de rodillas, puis quelques véroniques dont certaines "templées". Le tercio de vara se déroule dans le désordre ainsi que la tentative de quite du matador. El Fandi profite d’une charge vive pour distiller un second tiers maison qui lui permet de saluer. L’animal est brusque face à la muleta et il se retourne vite en sortie de passe. Les facultés physiques du Fandi lui permettent d’éviter l’accrochage dans un trasteo de castigo por la cara. 3/4 de lame défectueuse et descabello. Silence.
Daniel Luque touche un premier toro harmonieux, bien armado. Cet exemplaire passe en "humiliant" sur la corne gauche puis revient vers l’intérieur sur la droite. Une pique de peu de retentissement suffit pour que le torero demande le changement de tiers. Le début de faena confirme une corne droite incertaine qui justifie une poursuite à gauche accompagnée de olés qui fêtent des trajectoires classieuses allant a menos. Loin de se décourager, Luque fait l’effort et insiste même sur la difficile corne droite dans une faena qui lui fait honneur et porte sur le public. Cette faena importante est couronnée par une épée entière portée avec décision et la même sincérité que toute la faena. Plusieurs descabellos avec avis lui font perdre un trophée mais pas les applaudissements que reçoit aussi le toro, injustifiés ceux-là et l’ovation au maestro amplement méritée. Salut.
Le dernier FY est astillano de cornes et massif. Luque le "temple" au capote en baissant les mains. L’animal montre déjà une charge incertaine. Il cumule une pique et une vuelta de campana avant que Daniel Luque ne le renvoie au cheval pour une seconde ration mesurée. Brindis au public. Le début de faena est dominateur et esthétique. Les premières séries droitières sont exécutées avec assurance et décision face à une charge qui n’a rien d’aisé. Le matador tient son terrain et conduit. L’attitude à gauche est la même, dans un passage moins lié et plus bref. La faena culmine à droite le torero s’imposant clairement, par son positionnement et son exposition. Estoconazo a ley. Pétition des deux oreilles accordées in extremis. Grande journée pour un matador qu’il faut voir annoncé dans toutes les arènes importantes, dans les meilleurs cartels.
Raul Caricol salue au troisième pour sa prestation au second tiers.
René Arneodau.