Les visiteurs des corrales avant le sorteo pour la corrida de l’après-midi murmuraient la bonne présentation des toros de Luis Algarra que devaient affronter Sébastien Castella, Cayetano Rivera Ordoñez et Álvaro Lorenzo. Ces deux derniers faisaient le paseillo pour la première fois à Plumaçon, Cayetano remplaçant Andrés Roca Rey convalescent. En effet les pensionnaires de la finca «Capitana» de Almadén de la Plata (Séville) répondaient à l’observation du matin, en tout cas pour les quatre premiers, de bonnes hechuras et apparemment homogènes de poids. Il n’en était pas de même pour les deux derniers, de poids, certes, mais pas très bien faits, en particulier le 6ème, le seul cinqueño du lot. C’est d’ailleurs ce sixième, de nom «Solito», le seul qui sauvait la mise en sortant le public d’une torpeur envahissante provoquée par le jeu ou plus exactement l’absence de jeu, bravoure et caste des exemplaires précédents.
On ne donnait pas cher de ce dernier, qui doutait dans la cape d’Álvaro Lorenzo, sans se livrer lorsqu’il y entrait, se déplaçait suelto et distrait avant de s’intéresser à la cavalerie. Là, il poussait fort, la corne gauche dans le peto, soulevait le cheval et le relevait, contre les planches, d’une chute qui paraissait inévitable. La deuxième rencontre était encore plus spectaculaire, « Solito » poussait de nouveau jusqu’à faire décoller d’un seul coup, cheval et picador - Juan Carlos Sánchez - qui, en l’occurrence, tenait bon et recevait une belle ovation. A partir de cet instant, le comportement du toro changeait radicalement, de distrait il se concentrait sur les « cites » et toques d’ Álvaro Lorenzo qui, en début de faena devait «perdre» des pas pour se replacer et lier les passes, surtout sur la gauche. Le Tolédan devait corriger sa position pour se libérer des retours vifs en fins de passes. Après un court répit, c’est le torero qui prenait la direction des opérations et s’imposait au toro, en restant dans son terrain pour une émouvante série de naturelles. Ensuite venaient des luquecinas et une estocade entière qui valait l’oreille. Le toro recevait une forte ovation à l’arrastre. Le 3ème, sans être vraiment piqué malgré une chute à la deuxième rencontre, lui-même faible des antérieurs, acceptait les premières séries d’Álvaro Lorenzo avant de se freiner pour finalement s’arrêter. Pour donner le change, le dessin d’une passe circulaire inversée ne donnait rien, public sans réaction. Un avis sanctionnait la longueur à la mise à mort. Le toro était sifflé à l’arrastre. Silence pour le torero.
Sébastien Castella coupait une oreille au premier après une faena toute en facilité face à un toro d’une extrême qualité mais sans l’étincelle de charge qui apporte l’émotion à l’art tauromachique. Cette faena ressemblait à une démonstration de toreo de salon, tant les passes étaient parfaites, même lorsque la course du toro se réduisait dans la muleta et que le maestro l’enroulait autour de son corps sans risquer ni bousculade ni coup de corne intempestif. Le quite après les piques par chicuelinas et tafalleras alternées, confirmait la bonté du toro, ses limites de forces aussi, récupérées ensuite à la muleta. L’estocade entière, en arrière et basse valait, malgré tout, un trophée… Sébastien Castella voulait compléter son précédent succès avec le 4ème, qu’il faisait piquer, caresser pourrait-on dire, trois fois. Il se décidait, après hésitation, à réaliser un double péndulo, entrecoupé de passes de poitrine et paraphé d’un remate par le bas. L’irrégularité de la charge du début se transformait en arrêts presque complets, l’expertise du torero en la matière faisait le reste, c’est-à-dire des passes isolées, «propres» mais sans intérêt. Une estocade entière, trasera, roulait le toro dont la dépouille recevait des sifflets. Saluts au tercio du matador.
Cayetano Rivera ne gardera pas un excellent souvenir de son passage à Mont-de-Marsan. Le joli sardo sorti en deuxième position ne montrait rien de bon aux capotazos de réception. Sans codicia, tant au quite par tafalleras et farol qu’aux banderilles, puis à la muleta – après brindis au public – il ne permettait pas à Cayetano de s’exprimer. Le public ne le gâtait guère pour le peu qu’il avait été possible de faire à cause de l’indigence du luis-algarra. L’estocade concluante et bien placée, sui generis, portée avec un petit saut pas très orthodoxe mais efficace ne recevait aucun applaudissement. Le toro était sifflé à l’arrastre. Le 5ème était accueilli par des véroniques un genou à terre, héritées du grand-père Antonio Ordoñez. Ce fut à peu près tout de notable car le toro ne se livrait pas, se freinait dans les capes. A la muleta, il ne passait pas ou bien n’allait pas jusqu’à la fin de la passe. L’essai à gauche se révélait infructueux. Cayetano adoptait la solution d’en finir par des passes de pitón a pitón et portait en deux temps des demi-lames horizontales et une estocade, entière. Pour ne pas faillir à l’habitude jusqu’à cet instant, le toro était sifflé à l’arrastre. Quant au torero, incompris, il était «puni» d’une autre volée de sifflets et d’une bronca.
De la cuadrilla de Sébastien Castella, Rafael Viotti saluait après deux bonnes paires de banderilles, de même José Chacón était applaudi au 4ème.
Georges Marcillac
Photos d'Emilio Méndez pour cultoro.com