Tradition oblige, chaque tarde, à la mort du troisième toro, le ruedo et ses acteurs, train de mulillas et areneros, les toreros aussi, se figent aux accents du zortziko funèbre de Aldalur (compositeur et organiste basque ( Ceci en hommage et mémoire du banderillero José Ventura de Laca (Deva 1791 - Azpeitia, 1846) El Marinero qui décédait des suites de la cornada reçue dans cette arène le 2 août 1846. Le zortzico est un poème musical chanté, dansé selon la tradition populaire basque. Une autre tradition appréciée des azpeitarras nombreux au bord du trajet qui mène à la plaza: le pasacalle, défilé de l’orquestre de la plaza et du train de mulillas précédés de l’alguacil au rythme d’un pasodoble torero.
Azpeitia – 1er août 2025 – 2ème de feria – Intéressante corrida de Ana Romero pas toujours bien exploitée. Morenito de Aranda et José Fernando Molina coupent une oreille.
Après la déconvenue de la veille à propos de la présentation des toros, ceux de cette deuxième de feria étaient bien dans le style et phénotype de Santa Coloma. Tous cárdenos, de poids et bien armés et de comportements variés auxquels la terna ne s’est pas toujours adaptée. Meilleures hechuras les 3ème et 4éme de 510 kg. Quant aux toreros, entre le manque d’expérience avec de tels toros et les précautions inhérentes aux exemplaires de cet encaste - pour leurs charges imprévisibles, souvent vives et traîtres – ils ne purent, et parfois trop tard, profiter des charges “humiliées” et relativement nobles des ana-romero… dès l’instant où on leur présentait la muleta sans précipitation. J.E. Colombo blessé à Saint-Vincent de Tyrosse était remplacé par Morenito de Aranda dont Jean-François Piles est l’apoderado comme celui du torero vénézuélien.
Morenito de Aranda recvevait en premier un toro, d’apparence modeste, léger de 490 kg, qui “humiliait” dans des véroniques courtes se retournant avec vivacité et qui accusait son unique passage au cheval. Il se reprenait à la muleta et allait a más dans un trasteo varié. Les passes de la droite, majoritaires, certaines en redondo comme recours, le toro exigeant une certaine vigilance sur ses retours. La perte de quelques pas était la solution pour le garder dans la muleta. Des ayudados por alto sur la droite, por bajo sur la gauche du meilleur effet en terminaient avec cette faena, bien gérée. Un pinchazo hondo, trasero et caído précédait un estocade arrière, desprendida. La faena au 4ème, n’était pas aussi facile car le toro ancho de sienes, de 510 kg, montrait de belles charges au début pour ensuite s’arrêter et “protester” dans les premiers muletazos, certains accrochés.
Peu à peu, Morenito baissait la muleta et réduisait le toro pour lui servir des passes méritoires sur la droite et des naturelles, la corne gauche étant la plus claire et noble sur ce côté. Après les passes aidées, Morenito plaçait un pinchazo arrière et une estocade entière aussi légèrement arrière mais en ligne. Un avis. Une oreille.
Damián Castaño signait une première faena à un toro de charges longues accentuées par le geste et la position du torero salmantin, trop détaché de la trajectoire du toro. Le toro passait aussi bien de la droite que de la gauche, d’une charge quelconque ensuite qui demandait plus de conviction et poder. Faena complète mais insuffisante en qualité. Mal avec l’épée. Le 5ème, de belle lámina: cárdeno, careto, calcetero, bragado, meano et… des cornes! exhibait une longue charge à la cape de Damián qui était mis en difficulté à la muleta. Toujours décollé et mobile, il ne canalisait pas les charges non “humiliées” de ce toro qui devenait avisé et rendait imposible toute tentative de passe sur la corne droite. Désastre à l’épée!
José Fernando Molina, torero de Albacete, peu connu mais finaliste de la Copa Chenel 2024, affrontait son premier ana-romero qui se freinait dans la cape et qui n’allait pas jusqu’à la fin des passes de muleta, topón. Faena bougée, le toro allant a menos, se penchant - venciéndose – vers le corps du torero, tête en l’air finalement. Un pinchazo, une demi-estocade et deux descabellos. Après être sorti au pas, le 6ème présentait des démarrages et charges très vives et il poussait sous la pique. Dans la muleta, il terminait les passes par un hachazo. Au milieu de la faena, presque exclusivement de la gauche, il passait au ralentí sans se livrer.
Cette variété de comportements était finalement résolue para une dernière série de la main gauche, des naturelles que J.F. Molina traçait avec beaucoup de quiétude malgré les réactions brusques du toro à l’embroque. Méritoire aguante du torero manchego. Une oreille après une estocade entière et un avis.
Morenito de Aranda: un tour de piste; un avis et une oreille. Damián Castaño: silence aux deux. José Fernando Molina: silence; un avis et une oreille. Les toros de Ana Romero de belle presentation et de jeux variés appréciés par le public: applaudissements al arrastre des 2ème et 5ème. > trois-quarts d’entrée. |
Azpeitia - 2 août 2025 – 3ème et dernière de feria – Borja Jiménez triomphe le jour des toros de Murteira Grave. Une oreille pour Tomás Rufo.
Cette dernière journée de la San Ignacio 2025 voyait la répétition des toros de Joaquim Murteira Grave auquel on remettait le prix du meilleur toro “Almirante-47” de l’édition 2024. Tomás Rufo remplaçait à l’affiche Emilio de Justo blessé à Santander le 29 juillet. On attendait les toros portuguais, tous de bon trapío avec un bémol à propos de certaines cornes… Les 2ème, 3ème et 4éme avaient tout juste les cinq ans ce mois. Le chef de cartel Paco Ureña revenait à Azpeitia qui fut la plaza de son lancement à la notoriété en 2011 et son succès majeur en 2012 devant des toros de Palha.
Paco Ureña voulait visiblement honorer son contrat dans cette plaza mais ses toros ne l’aidèrent point dans ses faenas de muleta. Le premier, par sa présence promettait et répondait bien aux véroniques de réception, reprises au centre du ruedo ainsi que lors d’un quite par chicuelinas et revolera après l’unique pique. Le toro se déplaçait bien au deuxième tiers et permettait aux banderilleros de briller. La faena à genoux au centre de la piste était un début spectaculaire la charge n’était pas aussi claire pour que l’effet soit parfait. Debout, un derechazo en redondo, une passe de poitrine et pase del desprecio. Ensuite ce toro baisssait de rythme pour terminer sans soufflé. Paco Ureña s’efforçait de le passer… Des manoletinas pour remonter la faena mais celle-ci se terminait par un golletazo… Pétition d’oreille?? non concédée justement. Le 4ème s’était effondré après les capotazos de réception avec un problème physique de l’arrière train. Le brindis au public - inutile dans ces conditions – marquait les intentions du torero de Lorca (Murcia) mais la faena ne pouvait pas aller loin, toro statique, demi-charges… l’arrimón se révélait inéfficace. Une bonne estocade toutefois.
Borja Jiménez lui aussi revenait à Azpeitia avec une aura différente de celle ses prestations et résultats précedents et triomphait en se démenant face à ses deux opposants, peu piqués, qu’il exprimait jusqu’à leur ultime souffle. À la cape comme à la muleta il multipliait lances et suertes du meilleur effet sur le public: delantales et chicuelinas, péndulos, passes en rond à l’envers, desplante jetant la muleta… à son premier; farol et larga cambiada de rodillas, trincherazos, bonnes naturelles, ayudados por alto, molinete, etc.. le tout accéléré, des accrochages de muleta au 5ème, burraco, spectaculaire. Borja torée, on ne peut le nier mais son toreo énergique le fait triompher et laisser en dedans des capacités qu’il saura tempérer avec le temps. Ses estocades - aujourd’hui effectives – ne sont pas toujours parfaites. Un oreille à chacun de ses toros.
Tomás Rufo, nouveau dans cette plaza, touchait un toro qui cherchait les tablas et qui trainait l’arrière train. Un pique de laquelle il sortait suelto en direction du toril. Cette tendance marquée vers la querencia avait son importance durant la faena de muleta, ce toro ne se livrait pas et donnait des signes de rajarse. Une estocade un peu tombée. Le 6ème, d’un bon tranco de sortie permettait un capoteo par des véroniques jambes fléchies et delantales et surtout un bon tercio de banderilles animé par le constant et spectaculaire Fernando Sánchez et par Andrés Revuelta. A la muleta, les charges n’étaient pas parfaites, des petits sauts sur la droite, sans aller au bout des naturelles. Tomás Rufo optait pour des passes circulaires inversées en deux temps - le toro avançait avec difficulté – et les effets des luquesinas. Un desplante… sans la muleta… Les manoletinas de profil marquaient la fin de la faena. Un pinchazo et une estocade, bien placée, qui roulait le toro, Oreille.
Paco Ureña: une vuelta (un peu forcé); un avis et saluts (de compassion). Borja Jiménez: un avis et oreille; une oreille et sortie a hombros. Tomás Rufo: silence; une oreille. Fernando Sánchez et Andrés Revuelta saluaient après la pose des banderilles au 6ème. Trois-quarts d’entrée. Bonne température. Agur! À l'année prochaine. |
Georges Marcillac
Photos: Azpeitiatoros pour mundotoro