Madrid 8 octobre 2022 – 5ème de la Feria d’Automne – La faena torerissime de José Ignacio Uceda Leal scandaleusement dépréciée par le président. Mauvaise note pour les toros de Puerto de San Lorenzo.

Las Ventas affichait presque complet en ce samedi d’automne ensoleillé pour la venue de Morante de la Puebla sur le point d’achever la plus complète année de  sa carrière avec le pari de toréer >100 corridas. Le triomphateur de la San Isidro, Ángel Téllez et le vétéran José Ignacio Uceda Leal complétaient le cartel face à des toros de Puerto de San Lorenzo. C’est celui que sans doute on attendait le moins qui évitait que cette corrida pût tomber aux oubliettes. Uceda Leal, torero de Madrid du quartier d’Usera, tête d’affiche (26 ans d’alternative) enlevait une faena de grande classe, très torera, intelligente et mesurée, terminée d’une demi-estocade qui roulait le toro. L’oreille était unanimement demandée et le président, incompétent, refusait de l’accorder en un acte d’autorité mal placée et d’injustice flagrante. Lamentable. La chance fut que le toro le plus « potable » tombât dans la cape et la muleta de ce torero dont la faena devrait être le modèle pour toute école taurine. En effet, après ce premier exemplaire de D. Lorenzo Fraile Martín, tous les autres montaient à divers degrés les défauts de mansedumbre et de peu de caste sauf celui qui, au contraire, développa une caste difficile de canaliser face à Ángel Téllez. La présentation, homogène en poids (moyenne : 535 kg.), armures développées et cinqueños (sauf les 1er et 6ème), était bien celle propre à la morphologie des toros d’origine Atanasio Fernández/Lisardo Sánchez.

José Ignacio Uceda Leal d’entrée, imprégnait son toreo de cape d’une cadence peu commune sans presque avoir testé la charge d’un toro abanto qui ainsi recevait des véroniques et la demie au-delà des lignes. D’une nouvelle demi-véronique, il laissait « Cubatisto » nº 146 devant le cheval pour deux piques prises sans entrega et même tendance à sortir seul. La surprise venait de Morante de la Puebla qui, dans un quite par véroniques super lentes et la demie pieds joints, superbe, soulevait des olés des grandes occasions.  Uceda Leal y répondait brillamment par chicuelinas et la demi-véronique ovationnées. Le toro tendait vers les tablas et, entre autre, tout le mérite revenait au Madrilène qui évitait, à chaque instant, une éventuelle fuite. Ce qui fut fait avec brio et torería, molinete et pase de pecho, en début de faena. S’ensuivait une série de la droite avec temple et passe de poitrine accompagnées de la clameur du public Une nouvelle autre semblable. Sur le côté gauche, les naturelles n’étaient pas aussi bien terminées car le toro commençait à se défendre. Le retour à droite était mieux réussi et la faena s’achevait par des doblones, genou en terre, du meilleur goût et le toro était cadré pour une demi-estocade de rapide effet. Faena courte, certes, d’une grande élégance, sobriété et pureté dans le geste et composition. L’oreille demandée n’était pas accordée. Bronca au président. Vuelta al ruedo du torero.

                            

Le 4ème s’abîmait la corne droite dans un derrote contre le burladero des cuadrillas, un nouveau choc et au sortir du premier contact avec le cheval - poussé jusqu’aux tablas, le picador soutenant la  puissante charge - l’étui terminal de la corne se détachait complètement. Le président sortait le pañuelo verde d’une façon anti règlementaire, sous la pression du public. Le sobrero de José Vázquez – d’un encaste différent – ne permettait rien de bien continu aussi bien à la cape qu’à la muleta. Sorti suelto des piques, la tête haute au deuxième tiers, grattant le sol, ce toro obligeait Uceda Leal à « perdre quelques pas »  pour se repositionner et son trasteo s’adaptait aux conditions peu propices à l’enchainement des passes, sans perdre sa posture et sang-froid face à cet animal ingrat. Une estocade desprendida, entrant avec lenteur et descabello.

Morante de la Puebla se débarrassait du manso sorti en deuxième position qui longeait les barrières en quête d’une éventuelle sortie du ruedo… - barbeando – et dont les passages dans la cape du maître se terminaient par un accrochage de la toile ou de la fuite. Morante allait au centre du ruedo pour tenter de le fixer. Il y parvenait malgré des capotazos bougés et accrochés. La charge au cheval était typique de celle d’un manso. Il n’y aura pas de faena : la muleta était déjà montée de l’épée pour l’estocade. Une demi-lame après deux pinchazos portés en prenant la tangente… Le 5ème, veleto, sortait du toril par des sauts ainsi que dans le capote de Morante et se sauvait. Finalement, il était assujetti de courte durée et il s’élançait vers la cavalerie. Peu piqué, il sortait en donnant quelque espoir en « humiliant » dans des capotazos à gauche. Le pase cambiado, muleta pliée à la main gauche, au fil des barrières du T10, allait être le début d’une lidia à l’ancienne. L’essai à  gauche s’avérait problématique par la violence des hachazos en fins de passes. Le passage à droite n’était guère mieux dans une tentative d’habituer le toro à la muleta… Deux pinchazos et une demi-estocade venaient à bout de ce toro impossible. La volonté de Morante de « lidier » dans de telles conditions n’était pas comprise et il recevait une légère bronca, plus forte en quittant l’arène.

Ángel Téllez était invité à répondre à l’ovation au terme du paseillo en  hommage à son triomphe du 27 mai dernier. Le 3ème de moindres hechuras – âgé de presque six ans (12/2016) – fuyait du premier capotazo, était toutefois fixé dans des véroniques et la demie. Finalement, ce toro sans codicia, s’échappait en direction du cheval pour recevoir une pique dosée, avec carioca, et une deuxième limitée à une piqûre. Il sortait de l’ « épreuve »  tête baissée et Ángel lui servait un quite par chicuelinas et revolera. Après les banderilles où brillaient Rafael Viotti et Juan Navazo, venaient le brindis au public et le début de faena par un cite lointain, muleta main gauche. Dès les premières naturelles, on notait des retours intempestifs en fins de passes. Le danger était latent mais Ángel Téllez « rompait » mais reprenait aussitôt la conduite de la charge du toro, sur le « voyage » et s’en débarrassait par une passe de poitrine. Il tentait de bien dessiner ses naturelles, peut-être sans « ouvrir » suffisament la muleta et éviter les revirements du toro qui entraînaient un manque de continuité des séries. Des manoletinas risquées pour finir alors que sonnait un avis ! La mise à mort durait, laborieuse, avec plusieurs pinchazos et un trois-quarts de lame. Après plusieurs passages dans la cape et sa dérobade, le 6ème sortait des piques, distrait, et restait court dans les capes. Il n’y eut pas de faena : le toro, vidé, ne passait plus. Il fallait en finir sans rémission. Estocade un peu tombée.

                        

José Ignacio Uceda Leal : Petition d’oreille et tour de piste ; saluts. Morante de la Puebla : sifflets ; silence. Ángel Téllez : deux avis et silence ; silence. Rafael Viotti de la cuadrilla d’’Ángel Téllez saluait pour sa pose de banderilles au 3ème et  Juan Navazo de même pour sa brega et pose des banderilles. Juan José Trujillo et Francisco Javier Sánchez Araujo de la cuadrilla de Morante saluaient au deuxième tiers du 5ème. 22.739 spectateurs.

Georges Marcillac

Photos de Plaza 1

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