La première corrida de toros d’origine Albaserrada de la San Isidro , celle de José Luis Escolar Gil, a tenu ses promesses en apportant des toros de présentations et de comportements variés caractéristiques de cet encaste où l’on trouve les alimañas et ceux qui permettent parfois des faenas à des toreros qui évoluent dans les profondeurs de l’escalafón. C’est le cas des trois matadors annoncés aujourd’hui: Domingo López Chaves, et Fernando Robleño, tous deux vétérans de plus de 40 ans et de Noé Gómez del Pilar, plus jeune d’une dizaine d’années, habituellement opposés à des toros que rarement choisissent – c’est un euphémisme - les vedettes du moment. Le lot d’Escolar, exposé depuis quelques jours à la Venta del Batán à Madrid se voyait réduit à quatre exemplaires retenus après le reconocimiento, deux autres devaient être extraits des pâturages de la finca de Lanzahita pour être amenés d’urgence aux corrales de Las Ventas. De poids s’échelonnant de 509 à 584 kg, bien armés, de plus de cinq ans les quatre premiers, les escolars obligeaient les toreros en piste à s’employer car hormis la bravoure saine du 3ème – primé de la vuelta al ruedo -, les autres fournissaient des difficultés à divers degré, le 6ème mansito et faiblard (malgré ses 584 kg) se distinguait du reste.
Domingo López Chaves trouvait en son premier un adversaire qui chargeait fort après quelques hésitations, grattant le sol, usant de ses cornes pour accrocher les capes – corne droite astillada – et fonçant sur le cheval d’une bonne distance, restant fixe dans le peto sous les deux piques, le picador étant applaudi. Les doblones du début de faena, exécutés des barrières jusqu’au centre de la piste, laissaient entrevoir un certain problème sur la corne gauche. Ces premières difficultés se précisaient à la muleta car, dans une charge surprise, Domingo était accroché en deux derrotes. Il en sortait indemne. Ensuite, il fallait arracher les passes à ce toro, tardo et maintenant réticent qui passait bien lorsque la muleta était dirigée par le bas. A droite, cela durait une série, à gauche plus du tout. A l’épée, deux pinchazos et une demi-lame tendida. Après un tercio de pique erratique, donc mal piqué, sans mobilité à celui des banderilles, le 4ème accumulait les complications à la muleta: charge courte, retours vifs en fins de passes, tête à mi-hauteur, ensuite reservón, bien qu’en une fois ce toro avait suivi le leurre avec une certaine douceur. Ce détail laissait penser à une oeuvre inachevée… Pinchazo hondo et descabello.
Fernando Robleño peut s’énorgueillir d’être un des rares toreros qui ait combattu un grand nombre de toros de l’élevage de José Escolar et d’avoir triomphé à maintes reprises. D’aujourd’hui, on parlerait d’un nouvel exploit sans le mauvais usage de l’épée. Son premier était magnifiquement reçu à la cape par des véroniques, jambe fléchie, allongeant la charge. Après s’être heurté au cheval par des coups des deux cornes dans le peto, sans pour autant être fortement châtié, ce toro était entrepris directement sur la droite, le Madrilène allongeant le trajet dans la muleta et “perdant” quelques pas pour engager la passe suivante. Du métier, du mérite, Fernando Robleño en compte et le démontrait à chaque passe par la suite. Plus statique, il enchaînait les passes des deux mains, plus réunies et vibrantes les unes que les autres, allant a más, face à ce toro brave. Quelle émotion. Il ne manquait plus que l’estocade pour couronner cette importante faena. Las, l’épée n’entrait pas: plusieurs pinchazos, un metisaca et des descabellos… Le saut en fin de capotazo du 5ème était corrigé. En deux passages, le toro terminait “humilié” mais ensuite, il se retournait vivement. Après un tercio de piques, agité et peu brillant en trois rencontres, la bonne brega de Raúl Ruiz détonnait par rapport à la panique du reste de la cuadrilla aux banderilles. A la muleta, le toro ne s’engageait pas dans des charges, courtes que Robleño gérait avec maîtrise, principalement de la main droite. Une bonne série ne pouvait être reproduite, alors, dans le tercio. Sur la gauche, le toro ne passait presque pas… Après avoir pris l’épée de muerte, c’est justement sur ce côté que Fernando “volait” par surprise, des naturelles, pas parfaites, mais hautement méritoires obligeant le toro sur des trajectoires longues! D’un coup, le ton de la faena avait remonté. Encore une fois, Fernando Robleño était trahi par le maniement, déficient, de l’épée: il portait une estocade basse après un pinchazo, écoutant un avis.
Noé Gómez del Pilar touchait un toro léger de 509 kg, qui n’était pas protesté, qui répondait bien à des véroniques, ce qui n’est pas habituel des toros de l’encaste albaserrada. Placé à grande distance du cheval, ce toro de nom “Cartelero“ nº 63 chargeait d’une belle course “templée” mais le picador ratait à la deuxième pique. Une troisième rencontre était nécessaire…. Les premiers doblones de la faena de muleta montraient une grande qualité de charge et transmisión. Les derechazos liés étaient un peu accélérés et terminés par la passe de poitrine. On regrettait le manque de temple pour accompagner une telle charge. L’”humiliation” et la codicia de ce toro exigeaient du torero une vigilance pour mener à bien chaque série. A l’amorce d’une d’elles, le toro le soulevait pour une voltereta spectaculaire, sans cogida, heureusement. Gómez del Pilar pouvait continuer et améliorer encore le niveau de la faena. Le toro grattait le sol avant de s’élancer vers la muleta, tête “humiliée” pour trois énormes derechazos. Les doblones finaux pour cadrer le toro attestaient, si besoin était encore, les qualités de course et charge conservées jusqu’à sa mort en brave, tardant à s’écrouler, après une grande estocade. L’oreille était accordée ainsi que la vuelta al ruedo de “Cartelero”. Malheureusement, le succès de Gómez del Pilar ne pouvait être complété par faute du caractère du 6ème, un toro qui affichait de parfaites “hechuras” malgré ses tout juste quatre ans (né en abril 2019). Il montrait ostensiblement son incapacité à se déplacer et fournir un mínimum de charge dans la muleta. Il s’affaissait sous deux pinchazos! Il était “puntillé” tel quel!
Domingo López Chaves: saluts; silence. Fernando Robleño: un avis et… ovation aux deux. Gómez del Pilar: un avis et une oreille; un avis et silence. Au terme du paseíllo, le public obligeait L’ópez Chaves à saluer ayant annoncé que 2023 serait sa dernière temporada de matador de toros. Belle entrée et 20.026 spectateurs. |
Georges Marcillac
Photos de Plaza 1