En ce jour de l’Assomption, la corrida annoncée à La Malagueta enregistrait l’absence de Cayetano Rivera Ordoñez qui était remplacé par Antonio Santana Claros, torero de Fuengirola invité à prendre à l’improviste l’alternative des mains de Morante de la Puebla et témoin Juan Ortega. C’était sans doute une bonne opération pour José María Garzón, empresario de La Malagueta celle de combler à moindre frais le poste resté vacant par Cayetano et engager un novillero, déjà vétéran, de surcroît de Malaga… Les toros étaient de Juan Pedro Domecq dont les six exemplaires étaient complétés par deux sobreros du même fer, au cas où… De bonne présentation, pas très costauds mais tenant le coup, deux se distingaient du lot, les 1er et 4ème dont le jeu permettaient deux faenas, deux autres dévolus à Juan Ortega étaient impossibles et les deux restants vraiment sans recours pour leur manque de forces, de caste?, rien. L’affiche avait attiré beaucoup de monde sans atteindre le lleno, mais presque.
José Antonio Morante Camacho, sieur de La Puebla del Río (Séville) vient d’ajouter, à Málaga, une nouvelle perle à sa couronne de Roi du Toreo contemporain. Au toro “Juicioso” nº 48, 550 kg. 01/19 de Juan Pedro Domecq, Morante réalisait une faena de grand impact, de torería et harmonie, faena construite en ouverture par des ayudados por alto assis sur le marche-pied de la barrière et en final par d’autres passes aidées, molinete, kikiriki de la meilleure grâce sevillane. Il aurait fallu un autre final pour que l’oeuvre fut complète car, à l’épée, les deux pinchazos et un trois-quarts de lame, éliminaient l’octroi des trophées. Une vuelta permettait néanmoins de rendre hommage à l’auteur d’une faena où l’émotion intime des uns se mêlait à l’enthousiasme plus exterioricé des autres, le public tout entier comblé. Que dire? lorsque votre serviteur cessait de prendre des notes… Les gestes, les attitudes, le dessin des passes indescriptibles, tant de beauté, de temple étaient réunis pour laisser libre cours à l’émotion partagée avec ses voisins de tendido. L’improvisation était perceptible, liée à la conduite du toro noble, certes, qu’il fallait ménager. Tout avait comencé à la cape par des largas par le haut, sans doute pour ne pas trop obliger le jp-domecq lors des deux premiers lances pour ensuite le prendre dans des véroniques, sans trop baisser les mains - le toro ayant fléchi des pattes avant… - allant vers le centre du ruedo pour ciseler le tout d’une serpentina. La première pique de Pedro Itturalde n’était pas trop bien placée, la deuxième plus appuyée. Un quite de Juan Ortega par chicuelinas, lentes et toréées, montraient les bonnes dispositions du toro pour un tercio de banderilles bien exécuté par “Lili” et Alberto Zayas. La faena de muleta pouvait commencer au fil des tablas pour ensuite aller crescendo par des naturelles, de nouveaux ayudados por alto et un molinete belmontien. Des chapeaux d’aficionados enthousistes jonchaient le sable de La Malagueta. Des séries de naturelles, serrées et pour finir, de surprenants derechazos, longs et “templés” et une passe de poitrine, sans forcer l’animal , en douceur. Du grand art! Les deux oreilles étaient gagnées mais l’épée faisait retomber un instant l’embellie, vite reprise pour inviter Morante à une vuelta triomphale. Au 2ème, les capotazos par le haut indiquaient que le maestro avait deviné l’état limite de forces de l’animal. Seul le bon tercio de banderilles par Juan José Trujillo et Alberto Zayas animait un public qui redoutait le fiasco de ce premier contact avec le maître dont on attend le miracle. Il n’y eut pratiquement pas de faena: des cites à la voix pour inciter la charge d’un toro sans réaction. Une demi-estocade abrégeait l’épreuve.
Antonio Santana Claros, le toricantano montrait de belles intentions dans des attitudes ou postures à la cape et ensuite à la muleta sans pour autant soulever des olés sauf ceux de ses partisans venus de Fuengirola. Des naturelles de face, des séries seulement de deux passes et passe de poitrine. Le toro s’”ouvrait” et il fallait se replacer pour enchaîner les passes. Des ayudados por alto pour le cachet andalou précéfaient une demi-estocade tendida qui finalement ne nécessitait pas le descabello. Ce n’était pas suffisant pour mériter l’oreille toutefois accordée.
Au 6ème, tous les efforts s’avéraient vains face à un toro fuyard, manso, qui passait bien à droite mais sortait du capote de Santana sur la gauche. Le brindis au public n’avait pas de sens étant données les conditions que présentait ce toro qui ne chargeait presque plus après quelques naturelles. Heureusement une bonne estocade en terminait avec cette corrida marquée de l’empreinte de Morante de la Puebla.
Juan Ortega se trouvait confronté à des toros qui n’acceptaient pas une seule passe digne de ce nom. Topón, le 3ème, déjà à la cape et ensuite à la muleta et avec le 5ème, la débacle s’amplifiait à mesure que le Sévillan s’évertuait à vouloir le faire passer dans la muleta en dépit des hachazos impertinents en fins de muletazos. La seule note positive était à l’actif de l’homme de confiance en piste de Juan: Jorge Fuentes qui réalisait une brega impeccable au 5ème. Une demi-estocade un peu croisée suffisait.
Morante de la Puebla: ovation; un avis et vuelta al ruedo. Juan Ortega: silence aux deux. Santana Claros: une oreille; vuelta al ruedo? Sifflets à l’arrastre des toros 2ème, 3ème et 5ème. |
Georges Marcillac
Photos Arjona pour mundotoro.com