Feria de Azpeitia 2022 (Pays Basque - Euskadi)

La première de la Feria de San Inazio trois ans après la pandémie de la Covid-19 et les restrictions bien connues et heureusement surmontées, voyait se retrouver les aficionados assidus à la série des trois corridas dont les affiches annoncent habituellement des toros d’élevages d’origine Santa Coloma et d’autres, réputés « minoritaires », qui en sont l’attrait principal. Cette année l’exception est la présence de Morante de la Puebla, le troisième jour, mais cela n’est pas étonnant puisque le lorero cigarrero décidait de baser sa temporada sur les grandes et « petites » ferias et dans la mesure du possible pour affronter des toros d`origines diverses. L’autre particularité de «La Bombonera », plaza de toros coquette et musique de (presque) concert, est celle d’accueillir pour leurs succès passés à Azpeitia d’innover, de révéler aussi des élevages et toreros qui trouvent ainsi l’occasion  de sortir de l’anonymat ou de l’oubli. Le climat, parfois le txirimiri, les chants basques qui accompagnent le tercio de banderilles, le désormais fameux et émouvant zortziko funèbre d'Aldalur en honneur du banderillero de Deba, José Ventura Laka, encorné mortellement par une vache de casta navarra lors d'une corrida sur la place de la mairie azpeitiarra durant les “saninacios “ de 1841., sont les éléments d'une fête taurine sans égale.

30 juillet 2022 – Triomphe d’Álvaro Lorenzo avec “Bárbaro” d’un lot d’Ana Romero digne d’éloges. Cogida de Sergio Serrano.

Cette année, ce sont les toros d’Ana Romero qui ouvraient la feria avec Sergio Serrano, Álvaro Lorenzo et Alejando Marcos. Ces toros sont les représentants de l’encaste Santa Coloma et n’ont pas failli à leurs caractéristiques: pelage cárdeno ou entrepelado, des hechuras et armures pas très prononcées, le tout compensé par un « moral » exigeant, en mouvement constant et pressant pour le torero, une endurance généralisée, bouche fermée, tous à trois mois pour leurs six ans d’âge.

Sergio Serrano se trouvait confronté avec le plus léger du lot (485 kg) mais infatigable dans ses déplacements et le mettant en difficulté sur la fin de la faena lorsque les charges se réduisaient et rendaient plus faciles les retours qui l’obligeaient à « rompre ». Les manoletinas finales n’amélioraient pas la situation de matador d’Albacete qui à trois reprises venait à bout du toro « Mariscado » applaudi à l’arrastre. La cogida survenait contre les planches, le torero poursuivi après une larga cambiada de rodilla,  le toro venant un peu de biais, compliquant le lance.

Álvaro Lorenzo, second de l’affiche, devait ainsi combattre trois toros. A son premier, il réalisait une faena avec des hauts et des bas, le meilleur lorsqu’il parvenait à réduire le rythme du toro et lier des passes de la gauche. Sinon, il s’agissait de reprendre du terrain pour engager la passe suivante… Le toro se retournait avec un léger hachazo en fins de passes et cela se confirmait à la mise à mort. Álvaro entrait droit, soulevé et secoué en l’air pour une épée contraria, trasera et basse ! Au 4ème se déroulait plus ou moins la même dynamique du toro, « humiliant » de temps en temps, allant au pas, andarín, seulement fixé cette fois sur la droite pour une bonne série de derechazos. Pénible la suerte de matar à l’épée et les descabellos et sonnait un avis. Avec le dernier, de nom «Bárbaro», nº 57, cárdeno claro, calcetero, coletero, de 530 kg. le plus costaud des six, belles hechuras, permettait d’entrée à Álvaro Lorenzo de montrer ses talents à la cape par des véroniques « templées » Après les deux piques et le tercio de banderilles où brillait Curro Javier,  le bel ana-romero conservait sa qualité de charge, s’ »ouvrait » en fins de passes  ce qui  donnait lieu à des séries liées de la droite, moins continues de la gauche, mais, en toro brave, il « humiliait ». Des manoletinas de trois-quarts, impeccables. achevaient une faena sobre, sans effets outranciers, par une estocade qui roulait le toro. Deux oreilles sans discussion et mouchoir bleu pour le toro.

Alejandro Marcos est un torero fin, appliqué maniant cape et muleta avec temple. Avec des santa-coloma. l’intention et l’exécution méritent éloges. C’est ce qui se produisait avec le 3ème qui n’ »humiliait » pas trop mais qui donnait l’occasion au Salmantin de dessiner des passes adaptées à une charge nette mais courte, serrée sur la fin. Deux pinchazos, un trois-quarts de lame. Un avis. Le 5ème (ordre de sortie changé du fait de la blessure du chef de lidia), bien piqué par Alberto Sandoval, fut le moins « facile » du lot, avec une charge descompuesta qui ne fut pas fixée. Deux pinchazos… et une estocade entière tombée.

Sergio Serrano : silence ; cornada au mollet gauche, infirmerie. Álvaro Lorenzo: un avis et silence; un avis et silence; deux oreilles et sortie a hombrosAlejandro Marcos : silence ; saluts. Andrés Revuelta et Curro Javier de la cuadrilla d’Álvaro Lorenzo saluaient au 2ème et 6ème. La plupart des toros étaient applaudis à l’arrastre. Pour le 6ème « Bárbaro » : vuelta al ruedo.

31 juillet 2022 – Du toreo pour tous les goûts : baroque d’Antonio Ferrera, classicisme de Joaquín Galdós et fougue de Juan Leal pour une corrida très moyenne de Murteira Grave.

Souvent la réputation de certains fers et l’emphase avec laquelle on en décrit les qualités de type et de caractère se trouvent démentis ou fortement nuancés par les résultats obtenus en un moment déterminé. Ce fut le cas des toros de Murteira Grave courus le jour de la fête de Saint Ignace de Loyola (1491-1556), né à Azpeitia et patron de la province de Guipúzcoa. Ces toros, qui reçurent le prix de la meilleure corrida en 2019, ne pouvaient être crédités de ce même honneur car, de présentation acceptable pour une place de troisième catégorie, ils montrèrent des dispositions variées sans atteindre des sommets, plutôt le contraire avec des défaillances et chutes en fins de passes (1eret 3ème), grattage du sol, arrêts en cours de faenas. Seuls les 4ème et 6ème permettaient des faenas complètes à Antonio Ferrera et Joaquín Galdós. Le 5ème, quasi sans charges, trouvait en face de lui,  Juan Leal et sa volonté de forcer un succès qui ne vint pas. Corrida internationale car le cartel le formaient, dans cet ordre : un Espagnol, un Français et un Péruvien pour les toros portugais de Murteira Grave,

Antonio Ferrera paraissait disposé et les quelques bribes de son toreo baroque et théâtral,  reposant sur une solide technique purent captiver le public. Surtout au 4ème auquel il servait une faena à la fois sérieuse et fantaisiste, tantôt forçant la figure dans des passes de la droite, allongeant la charge descompuesta du toro,  décollé de sa trajectoire, tantôt sur la fin, vertical et « templant » les charges courtes en naturelles et, sur la pointe des pieds, des passes aidées par le haut, originales et spectaculaires. A la mise à mort, cette façon  singulière d’aller au pas pointant l’épée vers le toro cadré et lui flanquer… un bajonazo ! L’oreille était accordée ? avec en plus le mouchoir bleu qui récompensait un toro qui ne méritait pas un tel prix : une pique avec un bon élan et, sur ordre du matador, le picador préparé pour «piquer» avec le regatón et ratage de l’objectif… Au premier, Antonio Ferrera s’était heurté à un toro, tardo, duquel il fallait extraire les passes, meilleures sur la gauche en allongeant le geste, et qui s’éteignait avant de recevoir une épée entière.

Juan Leal coupait une oreille au 2ème, de nom « Luna de miel » ?!, qui passait quasi inaperçu à la cape et qui avait provoqué une chute monumentale de la cavalerie, le vaillant picador, même au sol, continuait à piquer… Ce toro avait un comportement semblable au précédent et Juan Leal faisait tout avec ses capacités d’aguante, de tirer du toro par devant et circulaires de dos, inversées, parfois, et c’est son mérite de dessiner des passes dans un minimum d’espace et d’un bon tracé. L’estocade trasera mais efficace lui valait une oreille, Le 5ème, ne permettait pas à notre compatriote de compléter avec succès son actuación car ce toro de charge violente au début, baissait bien la tête dans la muleta mais finissait par s’arrêter et obligeait l’Arlésien à se mettre dans les cornes dans un arrimón où il se sent parfaitement à l’aise, des circulaires en plusieurs temps, dosantinas et pour finir, à l’épée, par deux pinchazos, écoutant un avis.

C’est Joaquín Galdos qui, mieux servi au sorteo ou plutôt plus décidé et talentueux produisait l’impression la plus agréable qui soit, pour qui ne le connaissait pas. Comme la tendance des toros de Murteira Grave était la faiblesse de pattes et le peu de race, le numéro 2 péruvien imprégnait ses deux faenas de savoir-faire et d’intelligence. En effet, à chacun de ses opposants il fallait ajuster les passes aux charges de début de faena comme au 2ème par une entrée en matière des plus réussies par des doblones, un changement de main et temple, le tout lié. De la droite idem avant que le toro ne commençât à gratter le sol ou tirer des hachazos en fins de passes : il avançait avec difficuté avant de recevoir un pinchazo hondo et une estocade légèrement arrière. Au 6ème, avec une entame et des charges prometteuses, l’emprise sur le toro conduisait son arrêt et Joaquín Galdós devait se décider à s’ajuster à une charge quasi inexistante pour dessiner des passes courtes, le toro littéralement s’enroulant autour de sa taille. L’estocade et le descabello achevaient cette faena bien construite et bien terminée. Oreille.

Antonio Ferrera : silence ; Un avis et une oreille. Juan Leal : une oreille ; un avis et silence. Joaquín Galdós : saluts : un avis et une oreille. José Chacón, de la cuadrilla d’Antonio Ferrera, saluait aux banderilles du 1erMarco Leal en faisait de même au 2ème et Roberto Blanco au 6ème. Le toro « Dupla » sorti 4ème : vuelta al ruedo !

1er août 2022 – Morante de la Puebla comme dans son jardín face à des toros sans problèmes majeurs de La Palmosilla. Facile facilité de Daniel Luque qui coupe deux oreillres…

Dans sa tournée 2022 Morante de la Puebla ne pouvait éviter Azpeitia et sa feria qu’il découvrait, donc, avec pour comparses des toros de La Palmosilla et compagnons de cartel Daniel Luque, triomphateur en 2019, et Diego Carretero dont l’apoderado n’est autre que Joxin Iriarte, président de la commission taurine d’Azpeitia. Cartel bien bouclé et le no-hay-billetes comme il fallait s’y attendre. Avec de tels toros d’origine Osborne- JP Domecq, les deux matadors aguerris que sont Morante et Daniel Luque n’eurent pas de grands problèmes à résoudre… C’était plus difficile pour Diego Carretero, moins rodé.

Morante de La Puebla recevait le 1er par des chicuelinas… ce qui n’est pas habituel sans avoir testé l’animal, suelto, qui prenait deux piques légères. Les ayudados por alto et por bajo du début de faena furent du meilleur effet, suivis de deux séries de derechazos et d’une autre de naturelles que le toro ne répétait qu’avec difficulté. Des passes isolées toujours avec ce style inimitable et vrai de Morante. Un pinchazo hondo desprendido, un descabello… et sourire sympathique du maestro. Avec le 4ème,  un toro plus sérieux de hechuras et 500kg. affichés, se succédaient de belles passes des deux mains, Morante en démonstration avec la collaboration docile du toro nommé « Resuelto » (esp : résolu) CQFD. Deux pinchazos, une entière et hémorragie buccale. Pétition d’oreille non concédée et tour de piste.

Daniel Luque mettait peu à peu le 2ème dans sa muleta et sans transition enchaînait par quelques derechazos. Le ton était donné, les passes de la gauche étaient un peu accélérées et le toro faisait mine de rajarse. Daniel Luque le gardait dans la muleta par des passes alternées par devant avant d’administrer ses fameuses luquecinas et terminer par un trois-quarts d’épée desprendida. Avec le 5ème, brindis au public, la faena allait crescendo après des passes de la droite accélérées et ralenties les suivantes. Sur la gauche, après quelques pas pour se repositionner, Daniel Luque enchaînait les passes, réunies, molinete et passe de poitrine. Plus centré, il improvisait des passes de muleta avant de fournir une nouvelle série de luquecinas avec la passe poitrine en remate et desplante. L’épée était portée avec précision et résultait efficace. Deux oreilles.

Diego Carretero touchait un toro suelto de sortie, sans fijeza, qui prenait toutefois deux piques, courtes, et semait le désordre au deuxième tiers. Durant la faena de muleta on notait des derechazos et des naturelles, passes exécutées dans un bon style. La paire de naturelles suivantes indiquaient la tendance du toro à se serrer pour ensuite ne plus rien vouloir. Un pinchazo à toro lancé et une estocade desprendida. Le 6ème était l’exemplaire le mieux présenté du lot, le plus armé aussi, reçu para une larga cambiada de rodilla et plusieurs capotazos sans fixer l’animal qui allait ensuite, al relance, au cheval pour une seule pique. Brindis à son banderillero, le local Asier Echaniz. Depuis le centre de la piste, Diego Carretero « citait » le toro, mobile, pour des passes de la droite vibrantes et pecho. Des séries des deux mains et le toro finissait par déborder le jeune torero d’Albacete qui se rattrapait par des passes aidées par le haut bien que le toro, de nouveau, se serrait. Une demi-estocade suffisait. Une oreille !

Morante de la Puebla : applaudissements ; vuelta al ruedo… Daniel Luque: un avis et saluts; deux oreilles-. Diego Carretero : silence ; une oreille. Juan José Trujillo et Juan Contreras saluaient après la pose des banderilles aux 4ème et 5ème respectivement. Corrida à guichets fermés.

Georges Marcillac

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