La sensibilité du public taurin est telle que l’émotion ne pouvait manquer comme, en ce jour, de la dernière apparition, sur le sable du Botxo, de Julián López “El Juli”. L’aurresku d’hommage, les ovations répétées et celles qui lui étaient dédiées après le paseíllo, surtout lors de la vuelta al ruedo après l’oreille décernées au 4ème et à son départ de l'arène, public debout applaudissant à tout rompre, marquaient la reconnaissance méritée de l’afición à un maître es-Tauromachie. La pluie, juste au moment de la faena de “El Juli”, les conditions variées et pas très positives des toros de Victoriano del Río, le ciel obscursi lors de celle de Roca Rey au dernier 6ème, la gêne des parapluies, tout cet ensemble d’éléments laissaient un goût amer à une corrida qui rassemblait au moins 80% de la capacité de Vista Alegre. Les toros de Victoriano del Río, homogènes en poids mais de hechuras variées, armures à première vue correctes mais terminées par la bolita…- dont il faudra bien, un jour, en parler! - ne remplissaient pas les exigences de l’afición de Bilbao, du moins celle d'autrefois. De leurs comportements prédominaient la mansedumbre, une déficience physique et absence de combativité sous la pique. Encore une fois, sont à déplorer, les applaudissements aux picadors lorsqu’ils levaient la pique après des piqûres insignifiantes.
Julián López “El Juli” recevait à la véronique un premier victoriano-del-río, sardo? ou flor de gamón de pelage, de jolies hechuras mais d’une faiblesse insigne que seule la science du maître et, peut-être aussi, le fond du toro faisaient oublier durant la faena de muleta. Celle-ci initiée par des doblones par le haut! était suivie de bons derechazos qui, lorsqu’ils se voulaient profonds, faisaient fléchir le toro qui “protestait” dans des naturelles. Une autre série de la droite, en donnant de la distance, se composait de passes que le toro répétait. Les naturelles étaent plus accélérées. Des meilleurs derechazos, des passes par le bas, un farol et passe de poitrine précèdaient une succession de pinchazos (sans effet, le julipié) et descabellos. Heureusement, la faena d’adieux permettait à “El Juli” d’exprimer tout son savoir-faire et pundonor face à un toro cinqueño, de nom “Casero”, de 566 kg, de bonnes hechuras, celui-ci. Faena de grande entrega, de passes longues et “templées” des deux mains, alors que la pluie tombait drue et distrayait le public et retenait, au moins, l’attention des aficionados les plus fervents. A force de le conduire par le bas, de lui imposer un trajet long et intense dans la muleta, ce toro se rendait. La faena se terminait au tercio par des détails de domination, passes au plus près des cornes, un cambio dans le dos… Las, un nouvel échec à l’épée, un pinchazo et une demi-lame, privaient “El Juli” d’un succès retentissant. Toutefois, il était primé d’une oreille.
Paco Ureña devait s’accomoder d’un toro, le 2ème, mansurrón, qui allait al relance au cheval pour deux rencontres additionnelles et faible châtiment. À la muleta, Paco Ureña donnait de la distance aux cites et encaissait la charge descompuesta du toro. Il la maîtrisait mieux dans des naturelles, avec temple et leurre baissé. La faena se déplaçait vers le terrain du toril, là où le manso se défendait. S’ensuivaient des accrochages de muleta, une tentative de rattrapage par des doblones inefficaces et pour finir la mise à mort par une estocade verticale, un desarme et plusieurs descabellos. Un avis. Sortait le 5ème, un toro castaño, bien armé qui fléchissait plusieurs fois des antérieurs avant la suerte de varas. Celle-ci s’avérait inexistante et mettait en évidence la faiblesse du train arrière. Après le brindis à “El Juli”, Paco Ureña commençait la faena par des passes aidées par le haut, par le bas aussi, le toro suivait convenablement la muleta. Cela se gâtait par la suite, par des charges désordonnées que Paco Ureña encaissait et conduisait avec fermeté, par le bas et, ainsi, contrariait la tendance du toro à rajarse. Une passe de poitrine en tour complet en était le signe. Après quelques manoletinas, des accrochages de la muleta entachaient le trasteo précédent. Deux tentatives incompréhensibles de mise à mort a recibir étaient suivies de pinchazos à répétition et une estocade verticale desprendida. Sonnait évidemment un avis.
Andrés Roca Rey terminait en beauté et malchance à la fois son double passage à Bilbao. Sortait le dernier victoriano-del-río haut sur pattes, estrecho de sienes, cornes pointées vers l’avant avec lequel il signait une remarquable faena. Avant cela, ce toro avait mis en danger Francisco Durán “Viruta” à la pose des banderilles dans un espace restreint a proximité du burladero du tendido 5, terrain qu'il affectionnait où, d'ailleurs, il n’avait presque pas été piqué. ARR “citait” le toro collé à cette querencia pour un péndulo tout s'en approchant et réduisant la distance de sa charge. Au premier passage, il était déséquilibré et. à la merci du toro, il le détournait sur le retour dans un quite avec sa propre muleta. Il doublait le cambio por la espalda et terminait par une passe de poitrine. Emotion et grande ovation! Le reste de la faena maintenait en tension le public car, placé dans le terrain du toro dans des séries de la droite et des naturelles, longues, muleta à ras du sol, ARR enchaînait des passes serrées à un toro qui ne répondait pas toujours avec clarté. Une série de la droite terminée en redondo et martinete achevaient de prouver la mainmise sur ce toro qui baissait de régime. Les passes circulaires inversées étaient volontairement interrompues de telle manière que, sur le retour, ARR se trouvait “dans les cornes” dans arrimón spectaculaire et angoissant. Il répétait l’opération avant de cadrer le toro pour… un pinchazo, sortant de la suerte et allongeant le bras de côté suivi d'une demi-estocade atravesada. La forte pétition d’oreille était rejetée par le président Matías González qui recevait une non moins forte bronca. A son premier, un toro de Cortés, ARR n’avait pas trouvé la façon de réduire ce toro très mobile, de course désordonnée, sans fixité, bronco quand il chargeait la muleta et se collait en fins de passes. Il obligeait à “rompre”. Très incommode, ce toro se défendait, tirait des hachazos… Un bajonazo en terminait avec cette faena déconcertante pour le torero et… le public.
Julián López “El Juli”: silence; oreille. Paco Ureña: un avis et timidez applaudissements aux deux. Andrés Roca Rey: silence; saluts. Antonio Chacón brillait à la brega et à la pose des banderilles de la cuadrilla d’Andrés Roca Rey et Curro Vivas de celle de Paco Ureña. |
Georges Marcillac